Un énorme talent en toute discrétion

Durant plus de 20 ans, la métamorphose se faisait à deux pas du musée des Beaux-Arts. C’était celle que pratiquait, à partir des produits du terroir et, souvent, des recettes d’antan, Jean-Pierre Billoux dans sa cuisine du Pré aux Clercs. Ce véritable artiste des pianos savait conjuguer technicité et légèreté pour magnifier les assiettes. Avec, tout en haut de son menu : le partage !

Ses déambulations dans la salle du Pré aux Clercs manquent à beaucoup. Et que dire de ses terrines, ses civets, son fois gras, ses salades de girolles, ses œufs cocote aux truffes d’été ! Ou encore sa volaille de Bresse juste rôtie accompagnée de sa fricassée de champignons des bois et, bien sûr, son sempiternel lièvre à la royale… Et la liste est loin d’être exhaustive. 
Nous voulons bien évidemment parler de Jean-Pierre Billoux qui n’avait pas son pareil pour réactualiser les recettes d’antan. Il savait en effet, comme personne, éclairer avec les lumières du passé les plats d’aujourd’hui… Le grand critique gastronomique Périco Légasse était ainsi tombé sous le charme de son omelette norvégienne dont les racines historiques remontaient à l’Exposition universelle de Paris et à la science du chef de l’époque du Grand Hôtel de Paris, Balzac. Ce n’est qu’un exemple parmi tant d’autres tellement le dernier élève du grand Alexandre Dumaine, le vieux maître de la Côte-d’Or à Saulieu qui lui offrit son amitié et son expérience, savait faire des émules…

Même si les professionnels du Michelin ont joué avec ses nerfs, ils ne se sont pas trompés lorsqu’il lui ont accordé jusqu’à deux étoiles, à l’Hôtel de la Gare à Digoin où il prit la succession de son beau-père Georges Bonnevay en 1969 et au Pré au Clerc à Dijon – une véritable institution dijonnaise dont l’histoire remonte à 1833 – où il imposa son style dès 1996. De la Saône-et-Loire à la Côte-d’Or, Jean-Pierre Billoux et son épouse Marie-Françoise (MF pour les clients devenus, pour beaucoup, des habitués, voire des amis) ont érigé la cuisine au niveau de grand art… Et place de la libération de Dijon, soit à deux pas du musée des Beaux-Arts, cela avait du sens ! Jean-Pierre Billoux avait aussi le sens de l’amitié et du partage. Ainsi nous est-il impossible de ne pas associer à ce talent né à Digoin en 1946 ses éternels compagnons de route : le sommelier Patrice Gillard et Roland Surdol qui l’épaulait… derrière les fourneaux. Ceux-ci avaient aussi été de la partie lors de la première aventure dijonnaise qui avait débuté en 1986 : Les caves de l’hôtel de La Cloche, où durant 10 ans il avait aussi fait tinter les papilles des clients. 
D’aucuns se souviennent de l’humilité et de l’accueil exceptionnel de ce parangon de la gastronomie bourguignonne qui ouvrait sa cuisine aussi bien aux grands qu’aux petits (nous pouvons en témoigner). Dans la petite pièce limitrophe à ses fourneaux où trônait une simple table, des moments de partage uniques et des grandes discussions autour de la cuisine (mais pas seulement) n’ont eu de cesse de se dérouler.

Après avoir ouvert une brasserie voisine, le B9, qu’il confia à son fils Alexis, ainsi qu’une résidence dotée de 5 superbes chambres, il céda le tout à l’investisseur Jean-Paul Madaleno qui en fit l’une de ses brasseries Georges Blanc, du nom du chef bressan aux 3 étoiles ayant rendu célèbre Vonnas. C’était en 2017 et, à 71 ans, JPB – pour rester dans les initiales – prenait une retraite bien méritée. Ce fut le 14 février qu’il cuisina son dernier repas… le jour de la Saint-Valentin. Un symbole de l’amour que lui ont porté nombre de Dijonnais durant plus de 20 ans au Pré aux Clercs !

Camille Gablo

1946 : Naissance à Digoin

1960 : Apprentissage chez Bennevey à l’Hôtel de la Gare de Digoin

1969 : Aux commandes de l’Hôtel de la Gare de Digoin

1973 : Une étoile au Guide Michelin

1976 : Deuxième étoile au Guide Michelin

1986 : Les Caves de la Cloche à Dijon

1996 : Le Pré au Clerc place de la Libération à Dijon

2017 : Cède Le Pré aux Clercs à Georges Blanc