ÉGAUX CONTRE ÉGOS

Je reconnais bien volontiers, cher lecteur, qu’avec l’âge je suis de faible constitution. Ainsi avais-je compris que les hommes naissaient égaux en droit, mais j’apprendrai, au détour d’un zapping, que certains bénéficieraient de régimes spéciaux et que l’abolition des privilèges ne concernerait que la seule nuit du 4 août 1789. De ce fait, les ératépistes de Raymond Queneau et les cheminots de Germinal partiraient plus tôt en retraite… entre 52 et 54 ans, me dit-on, parce qu’ils seraient plus pénibles que les autres. Les jardiniers candides de Voltaire pourraient puiser dans les rivières sans payer l’eau. L’électricité, dénoncée chaque année par la Cour des contes de Noël pour la somme modique de 381 millions d’euros, ne serait facturée qu’à 10% de son prix à ses employés… et à ses retraités.

La liste de l’égalité est longue et va des six derniers mois des fonctionnaires jusqu’aux petites faveurs des ambulanciers et des journaleux. On m’informe par ailleurs que la France d’en haut ne serait pas en reste. Les députés verraient augmenter leur prime de logement à Paris en compensation de la baisse des APL chez les étudiants. Les sénateurs, comme bon nombre de gros élus, auraient accepté une retraite moyenne de 4 400 par mois et ne se mettraient pas en grève. Afin de ne pas jurer dans le paysage, la patronne de la RATP, anagramme de RAPT, Catherine Guilliard aurait vu son salaire augmenté récemment de 12,5% pour atteindre 350 000 euros annuels. L’intéressée revendique cette somme au nom de l’équité en expliquant qu’elle ne peut pas gagner moins que le patron de Keolis. C’est vrai qu’un proviseur, par exemple, ne gagne jamais moins qu’un professeur.

Je découvre enfin que lSF, révisée à la baisse par le gentil Manu, ne serait pas indexée sur l’inflation. De quoi me faire pleurer sur le sort du pauvre Arnaud… qui ramasse environ 17,50 euros par seconde. Toucher à l’Argent et à ses dividendes serait, semble-t-il, un péché… capital. La plupart des observateurs et des dirigeants d’antan reconnaissent qu’ils n’avaient pas vu venir mai 68. Nous pouvons être tranquilles, car l’histoire ne se répète jamais. Quant à l’égalité, elle est aujourd’hui quasi parfaite puisque rares sont ceux qui ne bénéficient pas d’un passe-droit ou d’un privilège.

Alceste