Les vœux de la CCI Côte-d’Or Dijon métropole le 20 janvier dernier ont été particuliers. Et nous n’écrivons pas cela parce que, pour la première fois, ils se sont déroulés au sein de la Burgundy School of Business – dont la CCI est l’actionnaire majoritaire – afin de montrer à quel point cette école, ayant considérablement évolué, est devenue un véritable fer de lance de l’enseignement supérieur. Nous écrivons cela parce que le président Xavier Mirepoix a convié un magicien… Les tours (particulièrement réussis) de celui-ci n’avaient pas seulement pour objectif de divertir l’assistance. Loin de là… Ils sont venus illustrer les propos du président de la CCI 21 et, notamment, lorsque ce dernier a évoqué la fusion enclenchée avec la CCI 71. Xavier Mirepoix nous en dit plus…
Dijon l’Hebdo : Vos vœux ont été placés sous le signe de l’originalité. Et c’est un doux euphémisme puisque vous avez fait intervenir un magicien… Pouvez-vous nous dire pourquoi ?
Xavier Mirepoix : « Je voulais faire quelque chose qui sorte de l’ordinaire. L’idée du magicien revient à l’une de nos collaboratrices, Katia pour ne pas la citer, qui m’a proposé l’intervention d’un magicien adaptant différents tours à mes propos. L’idée était excellente. C’est une façon aussi de dire que je ne suis pas, pour ma part, magicien. Et, pourtant, il le faudrait tellement la Loi Pacte change la donne, avec de lourdes conséquences. Lorsque l’on nous supprime 85% de ressources fiscales entre 2013 et 2021, même si ce n’est pas notre unique ressource, cela nous impacte à hauteur de 50%. Toutes les CCI ne sont pas touchées au même niveau. Je prends l’exemple de celle de Nice Côte-d’Azur qui exploite l’aéroport de Nice avec de gros revenus. Pour elle, l’impact sur ses ressources de cette évolution fiscale est bien moindre ».
DLH : La présence de ce magicien s’apparentait ainsi à un message adressé à l’Etat…
X. M. : « On nous demande de faire de plus en plus d’efforts et nous le faisons, mais, à un moment donné, nous ne sommes pas magiciens ! De 2018 à 2021, pour l’ensemble des CCI, cela représente 100 M€/an. Pour la CCI Côte-d’Or, c’est un manque à gagner de 800 000 à 1 million d’euros net sur un budget en moyenne de 10 M€. Ajoutons à cela qu’avant cette taxe était prise sur l’ensemble du territoire, les grosses entreprises payant plus que les petites, et la mutualisation permettait aux PME d’avoir des services gratuits. Je tiens à rappeler que les CCI, qui sont des établissements publics, sont au service des entreprises. Là, la donne est modifiée… Je suis passé d’une recette fiscale à une recette commerciale. Nous devons changer véritablement notre culture. C’est là tout l’enjeu, c’est le challenge que nous avons à relever. Nous allons avoir une part de TFC (ndlr : taxe pour frais de chambre) qui va baisser, mais sur laquelle l’Etat nous demande tout de même d’assumer quelques missions régaliennes et nous devons trouver le reste. Ce sont les conséquences de la Loi Pacte… »
DLH : Quelle est votre stratégie afin de changer de logiciel ?
X. M. : « Nous devons à la fois faire des économies et trouver de nouvelles ressources. En ce qui concerne les économies, nous avons commencé et notamment dans le fonctionnement. Et nous continuons. Nous pouvons aussi nous interroger : la CCI fait telle mission, peut-elle la financer ? Est-elle en mesure de la poursuivre ? Parce qu’une mission doit devenir globalement rentable… Nous sommes dans le cadre d’un dilemme correspondant à celui que doit résoudre une entreprise. Nous avions dès 2014 réfléchi avec la Saône-et-Loire à mutualiser certaines choses pour faire des économies. Mon prédécesseur avait commencé par la gestion des ports. Nous gérions le Port de Pagny. Nous sommes restés actionnaires mais il est passé sous le contrôle de la CCI 71 qui a une véritable compétence en la matière avec Aproport, gérant les plateformes portuaires multimodales de Mâcon et de Chalon-sur-Saône. Nous avons développé la formation. Nous avons depuis 3 ans mutualiser toute la formation avec une seule CCI Formation, une seule directrice… Nous formons entre 5000 et 5500 personnes et cela fonctionne très bien. Nous tentons de répondre au mieux aux demandes des entreprises et des territoires, afin de créer des emplois non délocalisables. Nous avons également racheté les locaux de la CCI Bourgogne à la Toison d’Or que l’on a aménagés afin d’en faire un autre centre de formation et d’apprentissage. Globalement, cela nous coûte moins cher que lorsque l’on louait des locaux. Nous avons aussi dégagé deux étages au siège que nous louons à la CCI Bourgogne Franche-Comté. Nous en louons également un autre à la Caisse des Dépôts. Nous avons aussi avec la CCI 71 un seul service lié à la création d’entreprise… »
DLH : C’était ainsi le premier pas menant à la fusion intégrale avec la CCI de Saône-et-Loire…
X. M. : « En faisant tout cela, nous nous sommes en effet aperçus que nous nous entendions bien avec la Saône-et-Loire. Nous nous sommes alors dits : on enclenche. Cela peut être contestable mais je crois beaucoup à cette fusion. Au-delà de la mutualisation, nous réaliserons des économies d’échelle : un seul président, un seul directeur général, un seul bureau, un seul service administratif… Il faudra évidemment que l’on s’organise pour répondre au mieux aux attentes sur nos deux territoires mais le futur territoire, composé de Dijon, Chalon, Mâcon est dans la ligne de la métropolisation. Nous avons même des contacts avec la CCI de Lyon. L’utilité est manifeste et, en mutualisant, nous pourrons réaliser des missions que précédemment la CCI 21 ou la CCI 71, seules, étaient dans l’incapacité de mettre en place. Ceci devrait aboutir fin 2021. Pour ce faire, nous devons passer cette évolution d’ici la fin de l’année en assemblée générale régionale… Et nous avons notre premier bureau commun CCI 21 et CCI 71 le 18 février ».
DLH : Les freins à cette fusion ne risquent-ils d’être nombreux ?
X. M. : « Nous ne sommes pas très nombreux en France à faire cela mais j’y crois. Il faut inventer un nouveau modèle… et je suis totalement en osmose sur ce dossier avec mon homologue de Saône-et-Loire. Nous étions ainsi à nos vœux respectifs. Il y aura des problématiques à solutionner mais les avantages sont nombreux. Nous sommes deux CCI avec chacune notre typicité : nous sommes plus de services et la CCI 71 est plus tournée vers l’industrie. Il faudra trouver un nouveau président car ni moi ni Michel Suchaut ne nous représentons. Nous l’aiderons à réfléchir à la nouvelle organisation. C’est l’une de mes dernières missions : réussir cette fusion ! »
DLH : « Connectée, collaborative et agile… tels sont les trois qualificatifs que vous avez appelés de vos vœux afin de qualifier la future CCI. Connectée – avec la Smart City et le projet On Dijon –, collaborative – avec les deux structures qui, à terme, n’en feront plus qu’une –, nous comprenons. Mais qu’entendez-vous par agile ?
X. M. : « Cette fusion nous permettra d’être plus agiles et, de facto, plus efficaces. Il ne faut pas que l’on crée une usine à gaz. Ainsi avons-nous réfléchi à n’avoir que 50 élus au total pour la Côte-d’Or et la Saône-et-Loire… Les organisations patronales sont à l’écoute. Je pense que si l’on se met ensemble, ce sera une véritable synergie au service des entreprises. In fine, c’est l’attractivité du territoire qui sortira renforcée. Nous avons tout pour réussir ! »
Propos recueillis par Camille Gablo