Dijon : un défi… capitale

C’est fait ! On le sait depuis le 17 janvier, il n’y aura pas de surprise : François Rebsamen sera bien candidat à sa succession aux prochaines élections municipales de mars. Relax, souriant, confiant et en pleine forme… C’est un François Rebsamen plus que jamais déterminé que nous avons rencontré.

Dijon l’Hebdo : Vous avez annoncé votre candidature pour un nouveau mandat à la mairie de Dijon le 17 janvier dernier. A quel moment avez-vous pris cette décision ?

François Rebsamen : « Je me suis décidé avant les vacances de Noël après avoir mesuré les attentes de la population. Projet, envie, certitude de rassemblement autour de moi, poursuivre ce qui a été fait à partir d’un excellent bilan… Tout cela a forgé ma décision. Bien évidemment sur fond de guérison, c’est à dire de capacité à assumer pleinement la fonction. C’est cette conjonction de facteurs qui aura été déterminante ».

Dijon l’Hebdo : « En rencontrant Dijon, j’ai rencontré mon destin »… C’est la dernière phrase de votre livre « En toutes confidences » publié après votre passage au ministère du Travail, de l’Emploi et du dialogue social. Vous êtes toujours animé de cette volonté de rendre à Dijon ce qu’elle vous a apporté ?

François Rebsamen : « La ville, elle m’a apporté tout ce qu’on peut attendre d’une fonction municipale. De nombreuses satisfactions, des rencontres… Elle m’a permis surtout, avec mon équipe, de mettre en œuvre concrètement la façon dont j’imaginais cette ville de Dijon. C’est à dire une ville attractive, dotée des infrastructures nécessaires. Comme, par exemple, la Lino, vieux débat de 40 ans que j’ai tranché. La rénovation du musée, le tram… Une ville à vivre pour tous. J’aime bien cette formule qui traduit une réalité sociale et économique. Une ville à vivre pour tous, c’est une ville où tout le monde peut se loger, où les plus défavorisés peuvent se trouver un toit. Une ville écologique également ».

Dijon l’Hebdo : Et en la matière vous vous êtes inscrit dans le droit fil de votre prédécesseur à la mairie de Dijon ?

François Rebsamen : « L’écologie, elle était présente dès le début de mon élection. Est-ce que cela veut dire que je m’inscrivais derrière le premier ministre de l’environnement (1) ? Pourquoi pas… Mais si Robert Poujade avait traité cela dans un livre intitulé « Le ministère de l’impossible », moi je traiterais plutôt cela comme le « mandat du possible ». Celui qui s’ouvre… »

Dijon l’Hebdo : Quand vous avez quitté le ministère du Travail, de l’Emploi et du dialogue social en septembre 2015, vous avez dit : « Aujourd’hui, j’ai retrouvé la vraie vie ». Qu’est-ce que vous entendiez par là ?

François Rebsamen : « Quand on est ministre, on se coupe beaucoup plus vite qu’on ne le croit de la vie de tout le monde. Même si on essaie d’agir avec toute la bonne volonté du monde. On participe à de nombreuses réunions, on rencontre sans cesse des responsables nationaux… C’est ce que dépeignait Raymond Barre à l’époque : le microcosme. C’est très parisien et donc pas étonnant que la plupart des candidats à l’élection présidentielle ne savent pas quel est le prix d’une baguette de pain. Ils ne savent pas bien comment les Français vivent et ils ne voient pas surtout les difficultés qu’ils peuvent avoir pour joindre les deux bouts. Il faut bien reconnaître que c’est seulement quand on est sur le terrain que l’on peut mesurer efficacement les problèmes et les souffrances. C’est quand on est maire qu’on peut réaliser des choses pour les gens. C’est cela la beauté et la grandeur de ce mandat ».

Dijon l’Hebdo : Les Verts et les communistes ont décidé de ne pas poursuivre la route à vos côtés en mars prochain. Considérez-vous fâcheuse cette sécession ? Seriez-vous disposé à leur tendre la main au soir du premier tour pour assurer votre succès au second tour ?

François Rebsamen : « Ce n’est pas péjoratif de dire que cela n’a pas la même importance.

Tout d’abord, parlons du Parti communiste français. Il n’a pas voulu venir avec moi en 2008 et cela n’a pas empêché ses principaux responsables de rester dans mon équipe. Je pense à André Gervais, Michel Julien, Claude Pinon. Là, c’est un peu la même chose. Il y a un candidat communiste qui souhaite être à mes côtés. C’est quelqu’un de très bien et je suis sûr qu’il sera le nouvel André Gervais de la liste. Après tout, à part en 2001, je n’ai jamais eu le soutien du Parti communiste. C’est dommage mais c’est son choix. Pour résumer, je veux bien prendre le communisme mais je leur laisse le sectarisme.

Les verts, c’est autre chose. Europe Ecologie – Les verts était avec moi depuis le début. Et contrairement à ce que certains pourraient croire, c’est moi qui ai impulsé cette dynamique pour faire petit à petit de Dijon une ville écologique. C’est moi qui ai décidé qu’on allait être capitale verte européenne. C’est moi qui ai lancé la station d’épuration pour que les eaux rejetées dans l’Ouche soient propres. C’est moi qui ai mis le réseau de chaleur urbain en œuvre… Et ce n’est pas fini. Il n’y a qu’à voir nos propositions pour s’en rendre compte.

Les verts m’ont toujours accompagné parce qu’ils ont senti que j’étais écologiste au fond de moi-même. Mais un écologiste de la vérité. Je ne rejette pas le progrès scientifique qui doit être tourné vers la maîtrise du réchauffement climatique, de l’empreinte écologique. Donc on va continuer sans eux.

Je ne me projette pas dans un deuxième tour d’alliance. J’ai dit « qui m’aime me suive ». Ce n’est pas une fanfaronnade. Ils ont décidé de suivre leur parti. Moi, mon parti c’est Dijon. Chacun a fait son choix ».

Dijon l’Hebdo : Quels ont été les critères qui ont présidé à vos choix pour constituer votre liste ?

François Rebsamen : « Premier critère : la qualité des gens qui y figurent, qui portent avec moi un même projet, un contrat de confiance. Ce sont des membres de formations politiques -même si aujourd’hui ce n’est pas le critère numéro 1 -, des élus, des anciens élus, des membres de la société civile, des écologistes. J’ai signé une alliance politique avec le MODEM. Son représentant, François Deseille, est un partenaire fidèle avec lequel nous avons fait de bonnes choses. On continue ensemble dans le cadre d’un pacte municipal. On trouvera aussi des représentants de Cap 21, des radicaux… C’est une liste de rassemblement qui travaillera dans la sérénité, avec la volonté de respecter les autres.

Il y a 150 propositions et 7 défis à relever. C’est ça qui crée le ciment de cette équipe. C’est sur notre projet, nos qualités propres, notre vision de la ville que les gens vont nous soutenir ».

Dijon l’Hebdo : Une liste que vous avez intitulée « Dijon, c’est capitale »…

François Rebsamen : « Parce que ça l’est ! Dijon, c’est une capitale et il a fallu que je me batte pour qu’elle soit une capitale régionale. On l’a dotée des infrastructures nécessaires : le zénith, le tram, la piscine, le stade, la lino… Elle a désormais tout pour être une capitale régionale mais en plus c’est une métropole. Et c’est la seule de la grande région.

A travers « Dijon, c’est capitale », ce sont ses habitants qui sont « capitale ». Le coeur battant de Dijon, ce sont ses habitants et c’est pour eux qu’on agit ».

Dijon l’Hebdo : Qu’est-ce qui peut convaincre les électeurs dijonnais de voter une nouvelle fois pour vous ?

François Rebsamen : « Qui a fait fera ». C’est une formule un peu lapidaire que j’ai lancée dans les colonnes d’un journal en fin d’année dernière mais qui traduit notre état d’esprit. Nous, on a un excellent bilan sur lequel on s’adosse. Les gens savent ce qu’on est capable de faire. On a une équipe rassemblée et un projet capables de susciter l’intérêt des Dijonnais. Et puis ma personne même. En vous disant cela, je n’ai pas les chevilles qui enflent pas plus que j’ai la grosse tête.

Dans une société pleine d’inquiétudes, les maires ont une fonction qui est un point d’équilibre. Nous sommes quelque part des repères. Et les gens savent très bien qu’avec moi, mon équipe, et notre projet, Dijon va continuer dans le sens où elle est engagée. Je crois que cela leur plaît. Parce qu’on pense à eux. Parce qu’on les aime. Il y a des mots qu’il ne faut pas hésiter à employer. J’aime les Dijonnais, tous les Dijonnais.

Les autres ont à faire leurs preuves. Nous on les a déjà faites. L’expérience, c’est un atout. Je m’en aperçois avec le temps surtout quand on garde la capacité d’innovation, la volonté d’avancer. Si je devais résumer, je dirais, pour moi, que la politique, c’est faire ».

Dijon l’Hebdo : On ne va pas énumérer ici les nombreuses réalisations qui ont rythmé vos mandatures. Qu’est-ce qui peut encore faire rêver les Dijonnais dans votre projet ?

François Rebsamen : « Nous avons fixé 7 défis. Le premier, c’est de penser au pouvoir d’achat des Dijonnais. Toutes les mesures prises jusqu’à présent vont dans ce sens avec la gratuité d’un certain nombre de services. La gratuité, pour permettre à tous d’accéder aux mêmes potentiels.

Après, je dis « on n’augmente pas les taux d’imposition »… Beaucoup peuvent le dire. Et, parfois, avec beaucoup de démagogie, certains annoncent qu’ils vont baisser les impôts. Dans ce cas, ils baisseront les services publics. Nous, on ne veut pas baisser les services publics parce que ce sont des services qu’on rend aux gens. Les services publics, c’est le bien commun de ceux qui ont le moins. Et c’est pour ça qu’on n’y touchera pas. Mieux, on fera en sorte de les rendre encore plus accessibles ».

Dijon l’Hebdo : Vous annoncez que vous ferez la part belle à l’écologie…

François Rebsamen : « Le prochain mandat sera écologique. Il ne peut pas en être autrement. Il n’est pas question de revenir à la bougie. Il faut se demander comment on limite efficacement notre empreinte carbone. Pour cela on va adapter la ville. On va continuer à planter des arbres. Nous avons recensé 80 murs qui peuvent être végétalisés.

Dijon sera la première métropole hydrogène de France. C’est un bel objectif. La quatrième en matière de réseau de chaleur urbain. Voilà deux éléments, mais j’en ai d’autres bien sûr, qui feront de Dijon une capitale verte européenne ».

Dijon l’Hebdo : Qu’est-ce qu’une ville à vivre pour tous ?

François Rebsamen : « Il reste des gens qui n’arrivent pas à vivre avec ce qu’ils ont, qui demandent des logements. Il reste dans cette ville des poches de pauvreté. On doit s’en préoccuper. Ca c’est la ville sociale. J’ai à coeur qu’il y ait le moins de gens qui souffrent dans cette ville. J’ai à coeur de faciliter aux plus modestes l’accès au savoir essentiel ».

Dijon l’Hebdo : Par exemple ?

François Rebsamen : « Avoir des écoles qui permettent d’accueillir tout le monde dans de bonnes conditions. Investir 25 millions d’euros pour continuer à rénover les écoles dans le prochain mandat. S’il le faut, on construira des écoles. Baisser aussi le prix de la restauration scolaire pour les plus modestes.

Faire de Dijon une ville rayonnante par l’éducation, la culture, le sport, les loisirs. Permettre à tous d’accéder à la culture par des tarifs appliqués. La culture pour tous, ça reste un grand objectif politique au sens noble du terme. Visiter gratuitement nos musées, donner la possibilité d’aller à l’opéra avec des places à 5 €, ouvrir des ateliers d’artistes… ».

Dijon l’Hebdo : Et le sport ?

François Rebsamen : « Dijon est la troisième ville sportive de France. On paie les licences pour les gens qui ont le moins. On crée des endroits pour les jeunes qui, le mercredi, se livrent à des activités sportives. On l’a fait dernièrement pour l’USCD. Il y aura un nouveau terrain synthétique à Trimolet mais aussi un des plus grands skate parc de France… Permettre à chacun de s’épanouir par l’éducation, la culture et le sport, c’est un bel objectif.

Je souhaite, par ailleurs, faciliter la vie des gens. Pouvoir tout faire à 15 – 20 minutes à pied de chez soi. Pour cela, on a cherché à avoir des projets dans tous les quartiers pour que personne se sente à l’écart. Une ville unie, c’est une ville où tous les quartiers sont concernés par les projets de la ville. On imagine, par exemple, de faire du port du canal un nouveau poumon vert de la ville ».

Comment faire de Dijon une ville toujours attractive ?

François Rebsamen : « Ce qui fait le rayonnement de la ville, c’est son attractivité qu’il convient de renforcer en développant ses filières d’excellence dans le domaine industriel. Ca compte d’avoir des entreprises qui s’installent, c’est ce qui se passe aujourd’hui sur Dijon. Renforcer le tourisme. L’attractivité touristique de Dijon, c’est ce qui fait vivre le commerce, l’hôtellerie, la restauration. 2019 a été une année formidable. Amplifions dans les années qui viennent. Fixons nous l’objectif de 500 000 visiteurs au Musée des Beaux-Arts au lieu de 450 000, avoir un chemin des musées…

Quel programme ! 150 propositions ! C’est ça qui me motive et me fait me lancer dans la campagne.

Dijon l’Hebdo : A la veille de terminer votre troisième mandat, ne ressentez vous pas malgré tout une forme de lassitude face aux mille et un problèmes quotidiens qui remplissent les journées d’un maire ?

François Rebsamen : « De temps en temps, il peut y avoir une forme de lassitude, c’est vrai. Mais pas de lassitude de porter des projets, pas de lassitude d’agir. La lassitude, elle viendrait si j’étais seul. Or j’ai eu une équipe formidable autour de moi. Et je suis d’avoir la même avec celle qui va faire campagne avec moi. Si j’étais las, je ne serais pas candidat ».

Dijon l’Hebdo : Les lignes politiques bougent et avec elles les hommes et les femmes. Comment vivez-vous ces mutations vous qui avez été un fidèle serviteur du socialisme, de François Mitterrand à François Hollande. Vous sentez-vous encore de gauche ?

François Rebsamen : « Oui. Si la gauche c’est la justice sociale, si la gauche c’est la lutte contre les inégalités, si la gauche c’est un projet européen, alors oui je suis profondément de gauche. Et je le suis sans sectarisme. C’est à dire que si les valeurs républicaines font un socle commun, je peux discuter et avancer avec d’autres personnes. A condition que les valeurs de justice sociale, d’égalité, de lutte contre les inégalités et de laïcité soient partagées. La démocratie, je l’ai dit, c’est la recherche permanente du compromis. Le compromis, ce n’est pas la compromission. Dans les époques qu’on connaît où les clivages sont de plus en plus forts, où la violence monte, la richesse d’une République, c’est de chercher le compromis, de rassembler le plus possible. Ce n’est pas ce qui se passe en ce moment au plus haut niveau de l’État et je le regrette. Rocard avait une belle formule : il faut convaincre. Pas vaincre, convaincre de la justesse de ses propositions ».

Propos recueillis par Jean-Louis Pierre