Que retenir d’une cérémonie de vœux ? Telle est la question (et pas seulement shakespearienne) que tout journaliste se pose afin de rendre compte le plus fidèlement possible de ce type d’événement. « Informer, c’est choisir », selon la formule consacrée… aussi, comme vous pourrez le découvrir sur ces deux pages, nous avons décidé de vous informer en choisissant certains passages, qui nous ont paru plus « forts » que d’autres, du discours du maire de Dijon, François Rebsamen, devant plus de 2500 personnes réunies au Zénith le 10 janvier dernier. Certains, qui sait, auraient jeté leur dévolu sur d’autres éléments de cette allocution de 39 mn (soit bien plus courte que celle de l’année dernière) en fonction de leur sensibilité. D’autres auraient pu insister sur le prologue musical créé par Olivier Urbano et joué par l’Orchestre Dijon Bourgogne sous la direction de Joseph Bastian qui a accompagné des images de Dijonnais prises au cours des grands événements de l’année écoulée. Nous aurions pu, aussi, opter pour un inventaire (poétique) à la Prévert des grandes réalisations 2019 listées par le maire et président de la métropole : « Le projet OnDijon, la nouvelle usine d’ultrafiltration des eaux de la source de Morcueil, l’arrêté anti-glyphosate, la réouverture du musée des Beaux-Arts, la piétonisation des places Notre-Dame et Sainte-Chapelle et des rues des Forges, Verrerie et Longepierre, la pose de 1 000 arceaux à vélos dans le centre de Dijon, la piscine métropolitaine du Carrousel, la passerelle de l’Arquebuse, l’ouverture de l’école d’ingénieurs ESEO, l’ouverture de la bibliothèque municipale chaque dimanche, l’adoption du plan local d’urbanisme intercommunal – habitat et déplacement. Sans omettre (comment le pourrait-on !) la pose de la première pierre de la Cité internationale de la Gastronomie et du Vin ! Rien que la partie du discours mentionnant les réalisations 2019 aurait pu occuper ces deux pages.
Nous aurions pu, dans une approche littéralre, préférer inventorier les auteurs cités par le maire illustrant aussi parfaitement sa vision politique : Jacques Attali (« La ville est le seul être vivant capable de rajeunir vraiment »), François Mitterrand (« La France est notre patrie, l’Europe est notre avenir »), Alfred Sauvy (« Le déclin démographique est un poison lent »), Victor Hugo (« Je crois ce que je dis, je fais ce que je crois »).
Nous aurions pu aussi tout autant souligner la présence au premier rang du préfet de région, Bernard Schmeltz, alors que celui-ci avait déclaré « vouloir respecter la neutralité dans l’Etat dans la période de vigilance préélectorale ». Elections prochaines obligent, nous aurions pu vous exposer le positionnement (stratégique) des différents candidats aux élections municipales : Emmanuel Bichot (Agir pour Dijon) et Charles Rozoy (LREM) tout comme la tête de liste Sylvain Comparot dans le public, Franck Ayache (UDI) et Stéphanie Modde (tête de liste EELV) étant quant à eux sur l’estrade. A l’instar de Jean-Philippe Morel (qui lui n’est pour l’instant annoncé nulle part). Nous aurions pu aussi nous interroger sur les discussions passionnées et remarquées de certains membres de la société civile avec des élus de l’équipe de François Rebsamen quelques minutes avant son intervention (de là à en déduire que nous verrons leurs noms apparaître sur une liste municipale particulièrement attendue, il y a un pas que nous ne franchirons pas). In fine, et tout simplement, peut-être aurions-nous simplement pu commencer cet article par le fait que François Rebsamen n’a pas, lors de cette dernière cérémonie des vœux de la mandature, officialisé sa candidature à sa succession. Même si l’une de ses formules n’est pas passeé inaperçue : « Mon souhait le plus cher pour 2020, c’est que nous bâtissions ensemble une année de progrès durable ». Comme il a, à cette occasion, insisté deux fois sur le mot « ensemble », nous l’avons reprise comme titre…
Camille Gablo
« Le combat pour la liberté contre le terrorisme »
« Nous devons penser à nos militaires qui luttent contre le terrorisme, à l’extérieur comme à l’intérieur, et qui sont engagés sur tous les continents au service de la paix et des valeurs de la France. Et je veux saluer leur courage et leur abnégation, comme leur professionnalisme. Nous exprimons de nouveau notre émotion aux familles, aux proches et aux frères d’arme des treize militaires décédés fin novembre, en opération au Mali. Ils ont payé de leur vie le combat pour la liberté contre le terrorisme. Ils sont morts pour la France. Ce sont des héros ! »
« Le souvenir amer d’un été tragique »
« Je garde aussi le souvenir amer d’un été marqué par le décès tragique de mon collègue Jean-Mathieu Michel, maire de la commune de Signes dans le département du Var. Je ne le connaissais pas personnellement. Pourtant, nous nous sommes tous reconnus dans l’histoire que raconte sa vie faite d’engagements quotidiens, d’attachement indéfectible à un territoire. Rien ne pourra jamais justifier qu’un maire meurt d’avoir simplement empêché le dépôt sauvage de déchets dans sa commune ; rien ne peut justifier non plus qu’un sapeur-pompier, un personnel soignant, un gendarme ou un policier, soit agressé en sauvant ou protégeant des vies. Ce drame nous a vite renvoyés aux maux actuels de notre société marquée par un recul du respect d’autrui et à la défiance croissante envers toute forme d’autorité ou de règles collectives ».
« Etre Dijonnais, c’est être européen »
« Nous avons comme ambition commune de faire de notre cité au riche passé, dotée d’un patrimoine d’exception et d’une histoire singulière, à la fois une ville douce à vivre pour ses habitants au présent, et une ville tournée vers la jeunesse, c’est-à-dire qui relève avec succès les défis écologiques d’une métropole moderne. Alors, ce lien qui nous unit dans la même passion et le même amour pour Dijon se renforce par le travail que nous effectuons chaque jour, notamment pour dynamiser la ville-centre, développer la solidarité entre tous les quartiers, jouer résolument la carte de l’ouverture au monde comme c’est aussi sa vocation. Etre dijonnais, pour nous, c’est en effet être européens. Parce que nous aimons la France, nous le disons comme François Mitterrand et son pari pascalien : « La France est notre patrie, l’Europe est notre avenir ».
« Madame la Présidente (de région), vous avez raison… »
« Le déclin démographique est un poison lent », aurait pu dire Alfred Sauvy. C’est loin d’être le cas à Dijon comme vient de le révéler l’INSEE. Notre ville, dans un développement maîtrisé, gagne ainsi près de 1 000 habitants par an, sa population totale est donc de 160 000 habitants au 1er janvier 2017 et je pense que nous avons encore progressé depuis. Madame la Présidente (ndlr : de région), je crois que vous le savez mieux que quiconque, l’enjeu démographique est majeur. Et je vous le dis avec reconnaissance : vous avez raison de miser sur Dijon comme vous le faites ! Vous avez raison de miser sur un territoire qui a créé 800 emplois privés depuis début 2019 et dont le taux de chômage est aujourd’hui limité à 7% lorsque la moyenne nationale est à 8,4%. Vous avez raison de soutenir tous les projets de cette métropole à côté de laquelle vous auriez pu passer, si nous ne nous étions pas battus avec une conviction et une ardeur extrêmes pour obtenir ce statut ».
« La ville durable : le plus grand défi ! »
« Comment inventer la ville durable, la ville écologique, la ville qui s’allie avec la nature au lieu de la combattre ? Voilà le plus grand défi de la politique du XXIe siècle. Nous devons inventer un nouveau modèle de croissance, une croissance sûre qui concilie progrès social, progrès humain, progrès économique durable et lutte contre le réchauffement climatique ; où le progrès scientifique serve à maîtriser et à diminuer l’empreinte carbone des hommes sur la planète. C’est à dire l’exact contre-modèle de ce qui se passe aux USA, au Brésil et en Australie par exemple. Un mot sur l’Australie : c’est trop simple de faire croire que les dramatiques incendies qui frappent ce continent sont le produit du réchauffement climatique. Ils sont aussi la conséquence d’un capitalisme sauvage, prédateur, totalement débridé qui en est arrivé à transformer le sous-sol en gruyère pour des profits spéculatifs immédiats et – on n’arrive pas à le croire – à faire coter l’eau en bourse ! »
« Un maire : une sorte de chef d’orchestre »
« Un maire, c’est une sorte de chef d’orchestre, en charge de jouer une partition qui doit écouter toutes les voix, et pas seulement les plus fortes. Dans notre pays, les confrontations partisanes restent trop souvent enfermées dans des controverses du passé. Elles ont des causes profondes, structurelles, comme on dit aujourd’hui, liées notamment à un système centralisé à l’excès. C’est en étant ouverts sur toutes celles et tous ceux qui font vivre la démocratie sur le terrain, ces associations, collectivités, élus qui vivent et agissent aux côtés de leurs concitoyens, que l’on construira l’avenir de notre pays ».
« A Dijon, chacun doit avoir sa place »
« Face aux nombreuses difficultés que nous avons à résoudre, c’est la confiance qui nous donne la volonté nécessaire pour chercher et trouver les meilleures solutions aux problèmes du quotidien. La confiance nous permet de privilégier ce qui est et doit rester notre préoccupation principale : l’humain et la vie des gens. Dijon est une ville plurielle. On souligne la beauté de son patrimoine, sa douceur de vivre, son dynamisme. Mais je n’oublie jamais qu’elle abrite des situations humaines extrêmement disparates et qu’une ville n’est pas réservée à ceux qui réussissent. Nous devons sans cesse agir dans deux directions complémentaires : lutter contre les inégalités fiscales et sociales, et en même temps combattre la pauvreté (…) A Dijon, chacun doit avoir sa place, quels que soient son âge, sa situation sociale, ses talents et ses difficultés ».
« Bâtir ensemble… ensemble une année de progrès durable ! »
« Mon souhait le plus cher pour 2020, c’est que nous bâtissions ensemble une année de progrès durable. Une année qui soit aussi plus respectueuse des hommes et des femmes, dans laquelle chacun ait le sentiment de se sentir écouté et respecté. Je forme bien sûr pour les collectivités publiques, les administrations, les chambres consulaires, les institutions juridictionnelles, les organisations et syndicats professionnels, les entreprises, les associations, la société civile que vous représentez, mes souhaits les plus chaleureux pour cette nouvelle année. Voeux de santé, de prospérité, de bonheur pour vous-mêmes, pour vos familles et pour tous ceux qui vous sont chers ».
L’opportunité du retour de la politique au sens noble du terme
« Au plan national, les attentes des Français demeurent fortes en matière de dialogue social, de retraites, de services publics de proximité, de facilités de vie quotidienne. Les mouvements sociaux répétés, l’inquiétude sur l’avenir de la planète, sur le niveau et la qualité de vie, sur les inégalités sociales ont occupé en 2019 une très grande place. Et la hiérarchie, la centralisation sont contestées aujourd’hui car elles n’apparaissent plus comme protégeant suffisamment l’intérêt général (…) Il nous appartient à nous, élus, de répondre par une vision locale-globale de nos politiques publiques. Les politiques publiques décentralisées, construites par les territoires doivent être évaluées à l’aune de leur impact écologique, du bien-être social des plus fragiles, de l’égalité des chances assurée à tous et du soutien à l’innovation nécessaire pour inventer un nouvel avenir. C’est à mon avis l’opportunité du retour de la politique au sens noble du terme ».
« Restons attachés aux valeurs universelles de la République »
« Alors qu’en mars prochain, nous aurons un grand rendez-vous démocratique, je formulerai un vœu personnel : c’est celui que nous restions attachés aux valeurs universelles de notre République qui sont notre bien commun. Notre pays s’est notamment construit sur le dépassement des différences d’origines et l’adhésion à ces valeurs communes qui sont celles de l’échange et du dialogue des cultures, inséparable de l’affirmation claire et sans concession des valeurs qui font ce que nous sommes. Ne craignons pas en effet de l’affirmer avec force Dijon est une ville éprise de liberté, de fraternité et d’égalité. Une ville laïque, mais respectueuse des religions… »
« Pour être maire, il faut aimer profondément sa ville »
« J’ai fait le choix d’aimer Dijon. C’est la ville où je suis né, où j’ai grandi, où j’ai fait mes études. C’est la ville où je vis. Aussi loin que remontent mes souvenirs, la passion et le besoin d’engagement ont toujours été présents au cœur de mon identité. Vous ne serez pas étonnés, si je vous dis que mon attachement à Dijon est d’abord un attachement aux Dijonnais et que j’éprouve à leur égard une profonde reconnaissance de me permettre de partager aussi intensément un moment de leur vie et de leur histoire. Une belle et grande vie, c’est une vie mise au service de quelque chose de plus grand que soi. Pour être maire, il faut, d’abord, aimer profondément sa ville et ses habitants, j’ajoute, tous ses habitants. Et s’intéresser à l’histoire locale et régionale. C’est, je crois, le souci de quiconque aime une ville : qu’elle grandisse sans perdre son âme, son caractère, qu’elle prépare son avenir sans faire injure à son passé ».