Mention passable

Le rapport Pisa nous envoie une fois encore des tomates au fronton de notre République laïque et égalitaire avec un « France élève médiocre, peut mieux faire » ! Dans l’enquête réalisée récemment auprès de 600 000 élèves âgés de 15 ans dans 79 pays et rendue publique début décembre par l’OCDE, il apparaît que le niveau de notre système scolaire se situe très légèrement au-dessus de la moyenne des pays de l’OCDE – tant « en compréhension de l’écrit, en culture scientifique » qu’en mathématiques. Soit au même niveau que l’Allemagne, la Belgique ou le Portugal… Mais loin derrière des pays plus performants, tels que le Canada, la Finlande ou encore l’Estonie et le Royaume-Uni. 
L’Asie rafle les premières places avec quatre provinces chinoises, la cité-État de Singapour, Macao ainsi que Hong-Kong. Plus grave à long terme, la France « fait partie des quatre ou cinq pays les plus inégalitaires ». Un élève français issu d’un milieu défavorisé a cinq fois plus de risques de se trouver en difficulté qu’un élève d’un milieu social plus élevé. La messe est dite, et Jules Ferry doit se retourner dans sa tombe !

Car, l’école a un rôle important à jouer dès la maternelle. Sa mission première serait de réduire les inégalités dans l’expression orale avant l’entrée au CP et le démarrage de l’apprentissage de la lecture. Le rôle et la responsabilité des enseignants se trouvent d’autant plus engagés que les enfants de milieux défavorisés ne bénéficient guère d’un climat familial susceptible de les aider à surmonter leurs difficultés. Or, et c’est là où leur horizon s’annonce bien sombre : toujours selon l’OCDE, les relations entre enseignants et élèves se sont particulièrement dégradées dans l’Hexagone ; l’indiscipline des scolaires y bat des records. D’ailleurs ces derniers dénoncent un manque de soutien et de disponibilité, voire de laxisme de certains professeurs des écoles ou des collèges. En clair, notre école est plongée dans le désarroi : faute d’obtenir le silence en début de cours, un certain nombre d’enseignants ne savent souvent plus très bien ce qu’ils ont à exiger en matière de comportement, ni non plus en matière de contenu pédagogique. 
Dans des écoles primaires ou dans des collèges relevant du réseau des zones d’éducation prioritaire, il semble difficile d’assurer – sans générer un tollé – les cours d’histoire, ceux d’instruction civique ou encore de sciences de la vie et de la terre… Non seulement l’exigible, et encore moins l’excellence ne sont plus de mise, mais les problèmes de discipline récurrents sont facteurs d’épuisement pour les enseignants. 
Enseignants, que leur formation laisse désarmés face aux défis posés par des programmes monolithiques dans un contexte sociologique tendu parfois jusqu’à l’extrême. Le rapport Pisa interroge donc sur le rôle de l’État-nation dans l’organisation, la régulation et le financement, voire les fondamentaux de nos systèmes éducatifs. 
Autre sujet de préoccupation de taille et peu en voie de résolution rapide : la constitution de toutes ces nombreuses ZEP – zones prioritaires d’enseignement – n’est-elle pas contre-productive ? N’est-elle pas en effet de nature à favoriser un phénomène de ghettoïsation et par ricochet d’exclusion scolaire ? Hélas, toutes les tentatives en France pour « dispatcher » les élèves dits défavorisés vers ce que Aragon nommait « les beaux quartiers » ont échoué sous le poids d’une opinion publique travaillée par un élitisme à courte vue, alors que c’eût été un facteur stimulant, un ascenseur…

Marie-France Poirier

(1) Le paradoxe du système éducatif français réside dans les faits suivants : des budgets très coûteux en soutien scolaire, en aide psychologique ou en séances d’orthophonie sont débloqués le plus souvent au coup par coup, élève par élève, sans une réflexion d’ensemble ou sans un plan d’action concerté au sein d’un établissement. Des sommes importantes sont ainsi débloquées en faveur de nombreux enfants ou adolescents en situation d’échec sans qu’ils en tirent le moindre bénéfice.