David Vandroux : « Un marché de plusieurs milliards d’euros »

Dans lunivers de la Santé, NVH Medicinal simpose comme une véritable société davenir. Créée en 2008 au CHU, implantée dans lhôtel-pépinière dentreprises Hope, elle rayonne dans lunivers des biotechnologies, en confectionnant des collagènes de synthèse. Tout en poursuivant, entre autres, le développement dun médicament pour le traitement des hémorragies, elle a créé une gamme de cosmétiques, commercialisée sous la marque Innéis. Et celle-ci est en pleine croissanceLe président et fondateur, le docteur David Vandroux, qui a réussi une levée de fonds de quelque 3,3 Mdepuis le début de laventure, nous explique les enjeux de ce marché mondial.

Dijon lHebdo : Pouvez-vous revenir sur la genèse de NVH Medicinal ?

David Vandroux : « Biologiste de formation, docteur de lUniversité de Bourgogne, jai travaillé au cours de mon doctorat sur la compréhension du rôle de certains médiateurs dans la réponse de certains organes ou tissus à un stress, notamment le collagène. Lorsque mon doctorat fut terminé, javais dans lidée de créer ma société mais il me fallait du temps pour maturer le projet. Jai eu la chance d’être embauché au CHU de Dijon afin de conduire des programmes de recherche, dappliquer auprès des patients ce que lon avait trouvé, tout en mettant en place mon projet dentreprise. Au cours de cette période, nous avons travaillé et réfléchi autour du collagène ».

DLH : Tout un chacun a entendu parler du collagène mais pouvez-vous nous dire concrètement son utilité ?

D. V. : « Nous devrions plutôt parler des collagènes puisquils sont de 28 types différents. Cest la protéine la plus importante en quantité dans lorganisme. Elle est associée au mécanisme de régénération. Utilisée dans le domaine de la Santé depuis des décennies, lon connaît plutôt bien son rôle mais lon ne peut pas toujours lexploiter dans des produits de Santé pour une raison précise : ce collagène est un produit dextraction dorigine animale, avec un certain nombre de limitations. Plus de 90% utilisent le collagène de type 1, qui a comme particularité d’être fibrillaire et qui ne peut donc pas être utilisé dans toutes les indications. La question sest alors posée : comment répondre à certaines problématiques pour lesquels le collagène serait parfaitement adapté – et notamment celles de saignement grâce à la liaison entre le collagène et les plaquettes sanguines. Il faut savoir que le collagène est lactivateur plaquettaire le plus physiologique. Cest exploité depuis longtemps en chirurgie mais la problématique portait essentiellement sur les saignements non accessibles, à linstar des hémorragies intra-crâniennes…  Sa présentation fibrillaire ne permet pas son utilisation par voie générale ».

DLH : Doù le développement de votre collagène de synthèse

D. V. : « Par une technologie que javais développée, nous avons eu lidée, avec le CHU, de miniaturiser ce collagène tout en conservant ses propriétés hémostatiques. Cest là oùside toute linnovation… Toute la difficulté – et cela nous a pris du temps – était disoler chacun des éléments constitutifs du collagène naturel pour en recréer des nouveaux, une centaine de fois plus petits, avec une présentation non fibrillaire mais particulaire. Nous pouvons dorénavant imaginer les utiliser par voie générale. Nous aurions là le premier médicament à base de collagène. Cest notre objectif. Mais nous voulons également en faire un réactif de diagnostic car il peut être utilisé pour évaluer un patient avec une problématique plaquettaire ».

DLH : Quelle est la différence entre votre collagène et tous les autres que lon retrouve sur le marché ?

D. V. : « La plupart des collagènes développés aujourdhui proviennent de carcasses animales ou bien de déchets de la filière marine. Nous, cest un collagène biotechnologique, obtenu à partir de cellules que lon a travaillées. La biologie de synthèse se propose dutiliser des méthodes dingénierie pour créer, booster des structures biologiques existantes. Nous avons créé un collagène de synthèse ainsi que des cellules modifiées capables de produire le collagène sous forme dune triple hélice. Nous utilisons des levures, si bien quil est bio-sourcé. Nous sommes donc animal-free, de facto vegan, halal… »

DLH : Ce collagène est-il réellement unique au monde ?

D. V. : « Cela a fait lobjet de dépôt de trois familles de brevets dans 55 territoires. Aujourdhui, plus dune trentaine de brevets sont délivrés, qui protègent soit le concept de nos collagènes soit leurs applications, dans la partie thérapeutique et diagnostique. Ces brevets ont été délivrés aux Etats-Unis, en Europe et au Japon, qui représentent les principaux marchés… ce qui est très important pour nous. Le collagène fait énormément fantasmer aujourdhui mais nous sommes la seule société au niveau mondial à avoir ces collagènes de synthèse, recombinant (fabriqués à partir des cellules de levure) avec la fonctionnalité nouvelle que nous avons apportée ».

DLH : Ce collagène bio-sourcé représente donc lavenir

D. V. : « Aujourdhui lon parle d’édition génique, soit une nouvelle technologie apparue en lien avec la biologie de synthèse. Celle-ci permet de modifier, de reprogrammer une levure et de la rendre quelque part humaine afin quelle soit capable de fabriquer nimporte quel type de produits : des protéines, des bio-carburants mais aussi des molécules chimiques. Je prends un exemple : un anti-cancéreux, le Taxol, est fabriqué à partir dun arbre, lif, mais celui-ci est précieux. Demain on pourra le fabriquer par le biais de ces cellules-là. Cela préservera certaines ressources naturellesLa 2e génération sur laquelle des personnes travaillent déjà conduira à nourrir ces cellules non pas avec du glucose mais à partir de sucres extraits dune filière de déchets, comme la potasse qui apporte des éléments qui peuvent être métabolisés par la levure. Le coût sera diminué et lon créera une économie circulaire vertueuse. On pourra développer du collagène mais aussi concomitamment de lhydrogène. Le potentiel est très important. Nous savons que les protéines serviront à nourrir la population et que nous ne pourrons plus les obtenir forcément à partir du monde animal ».

DLH : Quelle est la différence entre vos cosmétiques et les concurrents à base également de collagène ?

D. V. : « En cosmétique, la plupart du temps, ce nest pas un vrai collagène qui est utilisé. Soit cest de la gélatine – une forme dégradée –, soit des hydrolysables ou des peptidesLe collagène fibrillaire ne pénètre pas la peau étant donné que cest une grosse structure. Le notre, plus réduit, représentait une solution, mais nous avons dû répondre à deux contraintes : lactivité devait se faire sur les cellules de la peau et il nous fallait un collagène très stable sachant que le produit se conserve à température ambianteCe qui est compliqué pour une protéine, car, normalement, elle se conserve à 4 degrés. Nous avons réussi et nous avons fabriqué un actif appelé Affinéis. Nous avons lancé un ensemble de produits sous notre propre marque Innéis… Cest le seul marché où nous sommes en B to C. Et cest la première traduction du potentiel de nos collagènes ».

DLH : Quel est le cap que vous vous êtes fixé en 2020 ?

D. V. : « Notre objectif sur 2020 est de proposer de la matière première, en lien avec linvestissement dans un outil industriel. Le collagène, en tant que matière première, représente un marché de 5 milliards deuros si lon considère la totalité des formes. Celui-ci se situe autour du milliard deuros pour le véritable collagène et de 600 Mpour la médecine régénérative. Notre objectif est de développer un outil industriel. Des investissements très importants sont nécessaires pour cette usine particulière de lindustrie 4.0. Il faut se positionner rapidement

DLH : Cet outil industriel verra-t-il le jour dans la métropole dijonnaise ?

D. V. : « Cest en réflexion… NVH restera à Dijon car notre centre de recherche est ici et nous avons un partenariat privilégié avec le CHU ce qui est assez unique en France. Lengagement des cliniciens comme des directions respectives du CHU est à souligner. Nous avons un partenariat avec Genève, avec la Franche-Comté sur la partie cliniqueet Dijon a comme avantage davoir dans 1 km2 lUniversité, les 2 hôpitaux, lINRA, la partie privée. Cest unique et cest une force.

Pour loutil industriel, il faut voir à la fois lattractivité économique pour faire venir des personnes à haut niveau de qualification pour ce type dactivités très spécifiques les places fortes sont Paris et Lyon et l’écosystème financier pour les investissements importants nécessaires. Il nous faut un écosystème qui a aussi de la plasticité, avec la possibilité de lancer les projets en 2 ou 3 ans et non en 5 ou 7 ansLe domaine des biotechnologies évolue à une vitesse folle. La visibilité sur des terrains disponibles ou sur d’éventuels locaux techniques à disposition est également cruciale. Ce sont des facteurs clés de décision » .

Propos recueillis par Camille Gablo