Le traité de Versailles signé le 3 septembre 1783 et préparé par le Dijonnais Charles de Vergennes constitue la plus belle réussite politique de l’Ancien Régime finissant. Affaiblissant l’Angleterre et sa marine alors dominantes, il impose en Europe un équilibre des forces particulièrement favorable au Royaume de France alors à son apogée. Cette gloire, c’est à Vergennes que Louis XVI la doit. En mettant fin à quinze années d’un conflit franco-anglais né de la guerre d’indépendance américaine, Vergennes permet au Royaume de récupérer certaines possessions territoriales perdues en 1763.
Diplomate de terrain, Vergennes est un grand novateur doué d’une importante puissance de travail, insensible aux modes, dévoué aux seules institutions de la Monarchie qu’il servira sans état d’âmes, ne répugnant pas au besoin aux basses œuvres. A l’hégémonie, il préfère « l’équilibre des forces ». Il s’appuie sur « le droit public » et estime que les traités commerciaux facilitent les relations internationales.
De sa nomination aux Affaires étrangères en 1774 jusqu’à sa mort en 1787, il est « la solidité » de Louis XVI, exerçant sur lui une influence presque sans partage sur le plan extérieur, ne parvenant pas à délivrer le Roi, sur le plan de la politique intérieure, de son indécision pathologique.
Né à Dijon le 29 décembre 1719, Charles Gravier de Vergennes fut, selon le jugement de l’historien Albert Sorel, « le plus sage ministre que la France eut rencontré depuis longtemps, et le plus habile qui se trouvât aux affaires en Europe ».
Il perd sa mère lorsqu’il n’a que quatre ans et son père, maître ordinaire à la Chambre des Comptes de Dijon se remarie en 1725 avec Bernarde Petit, issue du même milieu, celui des conseillers du Roi au bureau des finances de la ville. On sait peu de choses sur son enfance et il étudiera au collège des Jésuites de la rue des Godrans puis entreprendra des études de droit fidèle à la tradition familiale.
La marque de Vergennes c’est le sérieux plutôt que la séduction, le travail plutôt que les bons mots dans un temps qui en était avide. Et son habileté à durer. Madame de Sévigné impressionnée par sa froideur et son sérieux le surnommait « le nord ».
Vergennes, c’est l’alliance d’une vision des intérêts français et d’une vision de la société internationale, plaçant l’équilibre au service de la notion de droit public. « Il combine ainsi la fameuse raison d’Etat ou d’intérêt national, écrit son biographe Bernard de Montferrand, avec une idée supérieure de la société internationale dans une realpolitik du droit public … et ce qui est plus remarquable encore, est qu’il la met en pratique ».
Le grand œuvre de Vergennes, c’est d’avoir contribué de façon déterminante à la naissance des Etats-Unis. A l’occasion de cet anniversaire, suggérons une idée au musée des Beaux-arts de Dijon : passer commande à Yann Pei-Ming d’un portrait de l’illustre diplomate dijonnais qui pourrait figurer en bonne place au cœur des collections du musée…
Pierre P. Sutter