L’élu d’opposition Franck Ayache avait déclaré officiellement sa candidature aux élections municipales de Dijon avant de s’allier avec LREM et l’association Pour Dijon. Aussi sera-t-il présent en mars prochain sur la liste menée par Sylvain Comparot, dont le lancement de campagne se déroulera le 11 décembre prochain. Interview « sans langue de bois » d’un centriste… qui s’élance une nouvelle fois vers les urnes mais, cette fois-ci, en marchant.
Dijon l’Hebdo : Vous n’avez jamais eu la langue de bois. Vous avez déclaré, lorsque vous avez présenté votre candidature aux municipales, d’ « être loin d’être favori mais que vous alliez vous battre ». Ou encore que vous souffriez d’un « manque de notoriété ». Le parler vrai est-il votre marque de fabrique dans cette course aux municipales ?
Franck Ayache : « Il faut être réaliste. J’ai toujours dit – cela fait maintenant un an et demi – que si on y allait c’était pour gagner. L’objectif était de dire : nous nous préparons à y aller seuls mais, si une solution s’offre à nous qui nous permette de gagner, alors nous serions prêts à revoir notre leadership ».
DLH : Un retour en arrière s’impose : en 2014, vous étiez colistier d’Alain Houpert sur la liste de la droite et du centre et maintenant vous êtes avec Sylvain Comparot, au nom de LREM-UDI-Pour Dijon. Que de chemin parcouru !
F. A. : « Il y a eu en effet beaucoup de chemin parcouru. Aujourd’hui la République en marche fait partie du paysage. C’est la raison pour laquelle j’ai toujours demandé à ce que l’on arrive à faire une union allant de LREM aux Républicains modérés, compatibles. J’avais dit que si l’on échouait je me présenterais. Sachez que j’étais prêt, notre programme également. Mais j’ai préféré retirer ma candidature, m’allier avec LREM, la société civile… La porte reste ouverte pour que des personnalités de droite nous rejoignent, comme Virginie Voisin-Vairelles vient de le faire, mais aussi de gauche au demeurant. L’UDI n’a pas rejoint LREM et LREM n’a pas rejoint l’UDI. C’est une véritable liste d’union avec, à sa tête, quelqu’un issu de la société civile. C’est un ancien socialiste – nous avons discuté sur ce point, c’est vrai –, l’important, et il a clairement affirmé les choses, c’est que son adversaire soit aussi François Rebsamen, enfin pas lui ad hominem, mais la majorité actuelle. Ce sont nos adversaires politiques, pas nos ennemis ! »
DLH : Vous rejoignez une liste conduite par un ancien socialiste. Que répondez-vous à ceux qui estiment que vous trahissez votre famille politique d’origine ?
F. A. : « Non, parce que comme l’a dit Hervé Marseille (ndlr : président du groupe Union centriste au Sénat), c’est Wauquiez qui a rompu le lien par son positionnement sur l’échiquier politique, en étant trop à droite, en ne correspondant plus à nos valeurs humanistes. A Dijon, Emmanuel Bichot et moi-même n’avons pas non plus la même analyse. Le fait qu’il ait accueilli un ancien élu du Rassemblement national au sein son groupe l’illustre parfaitement. C’est une ligne rouge que je ne franchirai pas ! »
DLH : Humanistes, républicaines et européennes, telles sont les valeurs qui vous rapprochent avec LREM et l’association Pour Dijon ?
F. A. : « Ce sont les bases de l’UDI et, lorsque nous avons discuté sur les bases de notre union, nous nous sommes rendus compte que, malgré nos parcours différents, nous étions d’accord. Nous sommes en phase sur la philosophie, l’objectif et la façon de le mener ».
DLH : Dans ces colonnes, le président UDI du conseil départemental, François Sauvadet, a salué Emmanuel Bichot en expliquant qu’il « avait eu raison de mener un combat d’opposition, alors que François Rebsamen cherchait à le discréditer comme si l’opposition n’existait pas ». Il semblerait ainsi que vous ne bénéficiez pas dans votre démarche du soutien de l’ancien ministre UDI ?
F. A. : « Je n’ai pas ce sentiment. François Sauvadet a précisé avoir œuvré pour un rassemblement le plus large possible. Il l’a dit, il l’a fait, il a essayé d’apporter sa contribution la plus efficace possible afin de réaliser ce rassemblement. Mais il faut accepter lorsque l’on va à une table de négociation de lâcher quelque chose. C’est plus difficile d’abandonner sa candidature pour arriver à la meilleure solution. Je l’ai fait. Il est plus facile de dire : c’est moi le chef et tout le monde derrière moi ! Certains ont choisi la facilité, moi j’ai opté pour la difficulté, mais je pense que c’est le plus efficace quand on veut la victoire ! »
DLH : « Un projet zéro déchet à l’horizon 2035, une ville plus sûre et une ville plus simple à vivre… » Pouvez-vous tout de même nous en dire plus sur votre programme ?
F. A. : « Aujourd’hui, la demande est forte de verdure à l’intérieur de Dijon. Il y a des solutions à trouver pour éviter les problèmes d’îlot de chaleur. Nous voulons avoir des policiers municipaux partout dans la ville, de proximité… Nous voulons aussi une ville plus simple dans sa conception. Aujourd’hui, on a l’impression que les gens sont au service de la ville plutôt que la ville est au service des gens… Vous découvrirez que notre projet est transversal dans tous les domaines. Ainsi lorsque l’on parlera mobilités, nous n’évoquerons pas que les transports. Nous lancerons la campagne le 11 décembre et le programme sera dévoilé dans les semaines qui suivront… »
DLH : Quels sont les projets de l’équipe de François Rebsamen que vous fustigez le plus ?
F. A. : « Ce ne sont pas les projets en eux-mêmes que j’ai critiqués, à l’exception de quelques-uns, comme Teletech par exemple. J’ai pensé dès le début que cela allait être un échec et ce fut le cas. J’avais analysé le parcours de ce chef d’entreprise et cela ne me semblait pas solide. Je reproche, en fait, beaucoup d’effets d’annonce. Il aurait fallu avoir une politique plus humble mais plus efficace. Il y a eu aussi beaucoup de problèmes dans les financements. Il suffit de voir combien ont coûté les premières tribunes du stade ou encore le tramway. Il y aurait pu y avoir des économies d’échelle. Je n’ai jamais critiqué le projet du musée des Beaux-Arts, car il a été bien mené. On l’a défendu, comme la piscine olympique, où, à l’exception du carrelage, cela a été aussi bien fait. Je n’ai pas fait d’opposition systématique mais je pense qu’il manquait des personnes issues du privé pour tirer parfois la sonnette d’alarme. Cela a eu des conséquences comme les emprunts toxiques. Il y a eu des échecs, malgré ce que François Rebsamen peut dire… »
DLH : Placez-vous, comme nombre de ses opposants, les constructions au rayon des échecs ?
F. A. : « J’ai un vrai clivage avec François Rebsamen sur ce sujet. Je pense que c’est le développement économique qui fait venir les gens à Dijon. Lui dit : on loge les gens et après on verra ! J’aime ma ville Dijon, je suis né à Dijon, j’ai toujours travaillé ici, je n’ai pas envie de partir. Je me bats pour Dijon aujourd’hui. Mais c’est une ville à taille humaine et je veux qu’elle le reste. Je ne suis pas pour qu’elle rétrécisse mais que sa croissance se fasse en respectant l’harmonie des quartiers. Que se passe-t-il aujourd’hui ? Lorsque les gens se plaignent des constructions, il faut savoir faire une pause. Il y a des tas de friches industrielles où ils peuvent construire, mais pourquoi faire un PLUI qui permet de raser les maisons et de bâtir en limite de propriétés ! Un promoteur va d’abord construire où il est sûr de vendre… Nous n’arrêterons pas les constructions, nous baisserons les coefficients, réintroduirons des espaces verts, etc. Il faut que la paix revienne. Je garde en mémoire la phrase de Coluche : les gens se font la tête alors qu’ils ne se connaissent pas. Je veux qu’à Dijon les gens se disent bonjour le matin ! »
FLH : Croyez-vous réellement en la victoire ?
F. A. : « Bien sûr ! J’ai déjà deux mandats dans l’opposition, un en tant que société civile, le second avec l’UDI. Je n’ai pas envie d’en faire un troisième dans l’opposition. J’aspire à en faire deux dans la majorité. On fait un programme pour les 15 prochaines années, car nous ne le faisons pas que pour nous, on le fait aussi pour passer le flambeau. Et dans 12 ans, j’aurai à un an près l’âge de François Rebsamen ! Il sera temps que je m’arrête… »
Propos recueillis par Camille Gablo