Les Bourgognes citoyens du monde !

La vente des vins des Hospices de Beaune se déroulera le 17 novembre. C’est l’événement-phare de la saison, car il dicte les cotations ainsi que les lois du marché des bourgognes à l’export comme à l’échelon hexagonal. Professionnels, connaisseurs du monde entier, célébrités des arts ou du cinéma ou encore riches amateurs de vins se donnent rendez-vous pour un long week-end d’affaires, ponctué de fêtes et de dégustations…

A en juger par les trompettes de la renommée et des chiffres au beau fixe, la Bourgogne vinicole est « la » citoyenne du monde par excellence  : 1200 climats inscrits au patrimoine mondial de l’Unesco depuis 2015, un vignoble de 29 500 hectares dont 25 000 en AOC, 4 000 domaines viticoles (dont 1 300 metteurs en bouteille), 250 maisons de négoce, 23 caves coopératives, 20 000 emplois directs et 100 000 emplois indirects (verrerie, tonnellerie…). La production annuelle tourne autour d’1,7 million d’hectolitres. Les vins de Bourgogne s’exportent bien, surtout à destination des Etats-Unis et du Royaume-Uni, comme le démontrent les chiffres communiqués par le Bureau interprofessionnel des Vins de Bourgogne pour les quatre premiers mois de l’année 2019 : Etats-Unis : + 8,2% de bouteilles (+11,7% en valeurs) et Royaume-Uni : + 18,7% de bouteilles (+18,5% en valeurs). Ces deux pays, avec respectivement 6 et 4,2 millions de bouteilles vendues sont, jusqu’ici, les meilleurs clients de la filière viticole bourguignonne. Oui, mais jusqu’à quand cette embellie ? Il convient de s’interroger sur un marché à l’exportation promu, semble-t-il, à un avenir plus problématique : Donald Trump vient de décider de relever de 25% les taxes sur le vin français. Quant aux zones de smog qui reportent aux calendes grecques le dénouement de l’inextricable feuilleton du Brexit – to be or not to be ? – il faut s’attendre là aussi à une réinstauration de taxes douanières et à un contrôle ainsi que des blocages des produits accrus aux frontières.

C’est donc tout le secteur des vins et spiritueux qui est gagné par l’inquiétude et par les raisins de la colère ! Les professionnels demandent au gouvernement et à l’Europe de « mettre immédiatement en place les mesures de soutien nécessaires à la filière et à ses entreprises ». Au même titre que le Bordelais ou les Côtes du Rhône… la Bourgogne redoute une dégradation de la situation économique. François Labbé, président de l’Intersyndicale des Vins de Bourgogne, s’était pourtant, fin septembre, montré très optimiste au micro de France Info à propos de la qualité des récoltes 2019 : « Nous sommes dans la ligne de l’excellence de tous les millésimes en 9 ». Et d’ajouter qu’en dépit des aléas climatiques, de la sécheresse estivale notamment en Côte-d’Or ou dans l’Icaunais (risques d’impacter les volumes des chablis), en dépit également des aléas politiques de la conjoncture internationale, la place des vins de Bourgogne sur le marché mondial devrait montrer du tonus, sinon de la… cuisse. 
Beau fixe oblige, on a eu très heureusement à déplorer fort peu de maladies dans les vignes : « C’est ce qui conforte notre engagement en faveur d’une réduction des produits phytosanitaires », a encore précisé François Labbé. Actuellement 20% des terres sont en viticulture bio. Ce chiffre est porteur d’avenir : les jeunes générations de vignerons affichent leur volonté de pratiquer des méthodes de viticulture raisonnées ou alternatives. Leur effort est très favorablement perçu auprès des clients français ainsi qu’étrangers. Le domaine viticole de Bourgogne, qui s’étend sur 250 km de long de l’Yonne au Mâconnais, occupe pour les rouges la 2e position après celui du Bordelais. La diversité de nos terroirs en fait plus que jamais un atout de taille pour les blancs. Où notre production occupe toujours une position n°1 sur le marché mondial… Nos Crémant, par leur qualité, font un carton dans l’Hexagone et hors frontières !

Le BIVB entend poursuivre la campagne de séduction sur le plan international, afin de contrer une montée en puissance des vins californiens, des vins sud-africains – voire australiens ou encore espagnols et italiens… Les exportations de vins de Bourgogne sur 2018 s’étaient stabilisées à + 0,2 %. En 2019, le chiffre d’affaires de la filière vinicole atteint une belle croissance chiffrée à 3,6 %, et dépasse les 3,5% du PIB de notre région. Dans la perspective du Brexit, les sociétés de négoce britanniques ont constitué depuis plus d’un an et demi des stocks-tampon importants. Voilà qui est à l’origine de l’impact très positif sur le volume des vins français à l’export de 2018 à 2019 – dont bien évidemment les bourgognes mais pas que… 
Le chaos politique générée par la gestion de la sortie de l’UE par Boris Johnson ainsi que le parlement britannique est tout sauf un facteur positif à terme pour l’import/export. D’autant qu’il va s’en suivre des zones de turbulence sur le cours de la Livre. D’où la crainte d’aboutir à court terme à un impact négatif sur les volumes des bourgognes au Royaume Uni, tout comme sur celui des bordeaux ou de tous les autres vins européens, d’ailleurs. Les USA « made in Trump », on l’a vu, n’offrent pas des perspectives alléchantes à terme ! 
L’excellence des bourgognes, ça va de soi et de soif ! Gageons que négociants, viticulteurs, propriétaires récoltants de Bourgogne sauront avancer judicieusement leurs pions sur l’échiquier mondial. Qu’on ne compte pas sur eux pour filer à l’anglaise !

Marie-France Poirier

Les bourgognes dans le monde

Les volumes exportés sont presque équitablement répartis entre les pays de l’UE et les autres continents. Depuis près d’une décennie, les cinq premiers marchés importateurs en volume sont identiques :

– Les Etats-Unis, nos premiers importateurs (mais gare aux menaces de Trump sur les taxes !)

– Le Royaume-Uni occupe le 2e rang. Attention, le Brexit débouche sur une ère d’incertitude.

– Le Japon, notre n°3 : un marché historique pour les bourgognes, avec un léger recul en 2017/2018 qui semble ne pas devoir se reproduire.

– La Belgique, voisin fidèle de toujours, demeure au 4e rang

-Le Canada, c’est notre n° 5 ! Les appellations Chablis sont en plein boum depuis 2016. Les Crémant de Bourgogne y font une percée notable.

– Quant à la Chine et Hong-Kong, ils demeurent dans le top 10 des principaux marchés en volume. Le marché chinois, s’il reste dominé par les vins français et s’avère toujours friand des grands bourgognes, se laisse aussi séduire par les vins étrangers. Il est 5e importateur mondial de vins.

– L’Australie, qui est le 5e producteur mondial de vins depuis 3 ans, n’en constitue pas moins un beau potentiel pour les vins de Bourgogne.

– La Norvège se distingue par un marché qui repart à la hausse : les exportations de bourgognes et en Chablis battent un nouveau record en valeur et en volume depuis plus d’un an.