Comme dans nombre de grandes villes de l’Hexagone, Europe Ecologie-Les Verts (EELV) présentera une liste autonome aux élections municipales à Dijon en mars prochain. Ainsi en ont décidé leurs adhérents à l’unanimité, mettant, par là-même, plus qu’un coup de ciseau dans le contrat de mariage qui les liait à François Rebsamen et au groupe majoritaire. Une façon de capitaliser sur leur bon score des élections européennes, la liste de Yannick Jadot ayant obtenu 13,48% des voix au niveau national et… 16,72% dans la capitale régionale, récoltant même la 2e place. Nous voulions interroger la présidente du groupe écologiste au conseil municipal, Catherine Hervieu, pour savoir ce qui avait réellement conduit à cette rupture avec François Rebsamen. In fine, c’est Olivier Muller, co-secrétaire départemental et co-porte parole d’EELV qui répond à nos questions…
Dijon l’Hebdo : Nous avions souhaité interviewer Catherine Hervieu. Pourquoi ne nous a-t-elle pas répondu et pourquoi est-ce vous qui êtes mandaté pour le faire ?
Olivier Muller : « La raison pour laquelle la communication est recentrée autour du secrétaire départemental et du porte-parole d’EELV 21 réside dans le fait que nous sommes une équipe et non des individualités. Nous souhaitons maintenir cette dynamique d’équipe et communiquer et comme un seul homme, ou une seule femme pourrais-je dire, sur notre projet et sur notre stratégie afin de gagner cette élection ».
DLH : Comment et pourquoi a été effectué dans vos rangs le choix d’une stratégie d’autonomie en vue des élections municipales ?
O. M. : « Au cours de la réunion un peu formelle, avec un vote à l’unanimité, nous avons eu un débat sur le fond et la stratégie. La question s’est posée : part-on avec la majorité actuelle dont le bilan est tout de même positif ? Il y a eu évidemment des avancées au niveau écologique à la Ville de Dijon parce que l’on a des élus en place qui ont fait du bon travail. Je pense à la cantine scolaire, aux déplacements à vélo… Ces évolutions n’auraient peut-être pas été à ce rythme-là sans nous mais nous avons aussi fait le constat qu’il fallait aller plus vite, plus loin, plus fort en matière d’écologie à Dijon. C’est une stratégie nationale que l’on retrouve dans beaucoup de villes importantes. Notre objectif est de peser plus fort dans le débat public. C’est bien, tous les partis politiques se mettent à parler d’écologie mais nous faisons également le constat que seuls les écologistes font de l’écologie. Les autres en parlent en terme de communication parce que c’est une préoccupation citoyenne de plus en plus forte. On le voit bien : il y a des manifestations pour le climat, une inquiétude sur les pesticides, une contestation sur le pouvoir d’achat… Sachez que pour nous le pouvoir d’achat et l’écologie sont indissociables. J’en ai assez d’entendre que les écologistes ne représentent que l’écologie punitive ou encore qu’écologie égale taxes. Ce n’est pas vrai : les taxes ne sont pas dans nos programmes. Et s’il y a besoin de corriger la fiscalité, cela se fera de manière à ce que les gens ne perdent pas leur pouvoir d’achat. C’est pour cela que notre liste est écologiste et solidaire ».
DLH : Partir seuls vous a ainsi semblé comme le meilleur moyen de vous faire entendre ?
O. M. : « Oui parce que je ne sais pas si le maire actuel a pris réellement conscience des enjeux écologistes actuels. Nous n’en sommes pas persuadés. Certainement a-t-il la fibre mais, dans le doute et vu l’urgence climatique ainsi que les besoins des citoyens aujourd’hui en matière d’écologie tout à fait légitimes qu’ils expriment, nous pensons que la meilleure stratégie est de partir seuls et de parler réellement d’écologie. Dans une équipe municipale, il y a des arbitrages, des concessions à faire, c’est la politique… »
DLH : La solution, pour vous, était donc dans le rapport de force devant les électeurs…
O. M. : « Nous allons en effet dans le rapport de force et seuls les électeurs pourront trancher. Nous espérons qu’ils vont comprendre cette stratégie et voter selon leurs aspirations dès le premier tour sur ce qu’ils veulent pour Dijon. C’est notre souhait, notre espérance. Mais ce sera leur choix ».
DLH : Le maire de Dijon, François Rebsamen, a tout de même reçu la Marianne d’Or de l’environnement. Dernièrement, pour ne pas être trop long, il a pris un arrêté anti-glyphosate. L’on ne peut pas dire qu’à Dijon l’écologie ait été absente…
O. M. : « C’est le maire qui a pris l’arrêté mais qui a pris le vœu anti-pesticides ? C’est nous. Si nous ne sommes pas là pour établir le rapport de force et impulser les politiques publiques en matière d’écologie, il n’y pas d’écologie. Je ne le suspecte pas de ne pas être écologiste, je ne fais pas de procès d’intention à n’importe quelle force politique puisque tout le monde en parle. Tant mieux. Je suis ravi que tous d’ailleurs parlent de l’écologie dans leurs programmes. Mais je veux juste passer le message que seuls les écologistes font de l’écologie puisque, nous, cela fait 30 ans, 40 ans, qu’on en parle. Notre décision montre en tout cas que nous ne sommes pas sur les postes. Si nos élus dijonnais voulaient un poste, une situation politique, des indemnités, ils seraient restés avec l’équipe en place. Il faut prendre conscience finalement que nos élus mettent en jeu leur situation actuelle. C’est courageux de leur part et il est important de le noter. Ce n’est pas anodin ! »
DLH : A contre-champ, on peut se dire que vous vous êtes désolidarisés parce que le nombre de postes que vous avez demandés sur la prochaine liste de la majorité actuelle n’a pas été satisfait…
O. M. : « A contre-champ, ce que l’on peut dire, c’est que ce n’est pas une histoire de nombre de postes ou de programme uniquement. C’est aussi en rapport aux moyens donnés pour appliquer la politique. On peut avoir une très belle délégation mais si, sur le papier, il n’y a pas de moyens opérationnels pour réaliser la politique, cela ne sert à rien. Il faut plus qu’une délégation, il faut des services, des moyens financiers, un budget climatique, tout ce qui fait un peu de pouvoir dans une ville. Si nous ne l’avons pas, si c’est juste pour afficher dans le programme l’écologie et ne pas l’appliquer, cela ne nous intéresse pas. Ce n’est pas une histoire de nombre, c’est lié à la qualité politique ».
DLH : La désignation de votre tête de liste sera-t-elle votre prochaine étape ?
O. M. : « Oui, la prochaine étape sera la désignation de la tête de liste mais j’ai envie de dire que c’est presque anecdotique. Cela fait plusieurs mois que nous consultons les citoyens, qu’on va à leur rencontre afin d’écouter leurs besoins et d’entendre leurs idées, car les Dijonnaises et les Dijonnais ont de très bonnes idées. Nous allons continuer à agréger leurs idées et les compétences des citoyennes et des citoyens venant de la société civile qui auront toute leur place sur notre liste. Nous trouverons des personnes des entreprises privées, indispensables pour comprendre le monde économique… Il y aura une grande diversité et nous sommes en train de construire cette dynamique. En réalité, la prochaine étape est la poursuite de cette consultation citoyenne sur les différents thèmes qui nous intéressent. Et nous n’aborderons pas que l’environnement dans cette campagne. Il y aura aussi l’aspect sécurité qui inquiète les Dijonnais… Nous proposerons des solutions dans le programme sur ce sujet-là entre autres ».
DLH : Les élections municipales sont, tout de même, beaucoup plus personnalisées que les européennes. Ne nous dites pas que la tête de liste est anecdotique…
O. M. : « Ce ne sont pas les mêmes élections, ce ne sont pas les mêmes enjeux au niveau des domaines de compétence, ce n’est pas le même niveau de décision. Nous en avons parfaitement conscience. Après, même si c’est personnalisé, nous avons des enjeux citoyens importants. Et puis, j’ai envie de dire que François Rebsamen avant d’être maire… n’était pas maire ! Et nous aussi, nous avons aujourd’hui des élus reconnus pour leur travail dans l’agglomération ».
DLH : Cela signifie-t-il que vous y allez pour gagner ?
OM : « Evidemment. Nous partons à l’élection dans l’hypothèse de gagner. Telle est la stratégie nationale. Ce que l’on veut, c’est le scénario de Grenoble à Dijon. Nous voulons que le maire de Dijon soit un maire écologiste ! »
DLH : Donc vous ne serez pas seulement présents au 1er tour des municipales afin de négocier au mieux en vue du 2e tour ?
OM : « Notre sujet, c’est de porter l’écologie. Non, nous ne sommes pas que là pour négocier entre les deux tours. D’ailleurs, nous ne pouvons pas emmener 59 citoyens motivés et leur dire : nous prendrons que quelques-uns et merci de votre service ! Non, nous sommes partis pour gagner ces élections. Et, lorsque l’on regarde les premiers sondages, qui ne sont certes que des sondages, dans les grandes villes de France, ils sont quand même encourageants. Cela nous laisse espérer que les électeurs vont voter peut-être pas pour une personne aussi connue et sympathique qu’elle soit, ce n’est pas la question, mais pour un programme, ce que l’on va faire. C’est quand même le plus important pour les 6 ans qui suivent ! »
Propos recueillis par Camille Gablo