L’hydre et le cheval de Troie

On a beau évoluer dans une société qui nappelle plus un chat un chat et se confit en dévotion dans le culte du non-dit, a contrario le verbe du Très-Hautentendez lElyséedonne lillusion de ce pouvoir magique et cathartique qui régissait les cités-états grecques.
Quon aime ou non notre macro(n) Jupiter, soyons objectifs : lhomme est un Hercule du verbe et de la culture. Et, il a fait mouche avec le mot « hydre islamiste » lors de lhommage rendu aux quatre fonctionnaires de la Direction des Renseignements de la préfecture de police tombés sous les coups de lun de leurs collègues acquis à un islam radical. Notre chef dEtat sest montré parfait tacticien du langage et familier de lolympe. Il nempêche, cette référence présidentielle au monstre marin aux sept têtes immortelles terrassé par Hercule/Héraklés ne suffit plus : sept Français sur dix ne font pas confiance à Christophe Castaner, selon le récent sondage Odoxa-Dentsu. Or, il est urgent quon nous apporte des réponses, quon fasse connaître les dispositifs enfin mis-en-œuvre pour restaurer dans son efficacité un appareil dEtat infiltré par les « ennemis de lintérieur ». On déplore depuis la présidence Hollande labsence totale de décision qui suit de tels discours, ainsi que lincurie dun pouvoir exécutif plus enclin à se défausser que prompt à combattre avec rigueur lavancée de lislamisme radical. Rappelons le tollé suscité à l’époque, quand Manuel Vals fustigea avec rudesse le totalitarisme religieux. Lactualité tragique fait que lex-Premier ministre serait aujourdhui en phase avec une opinion publique en plein doute et désarroi.
Un constat simpose depuis le 3 octobre : lappareil dEtat est fragilisé et ébranlé jusque dans ses fonctions régaliennes. Comment ne pas sinterroger sur les manquements au sein de la hiérarchie de la préfecture de police de Paris ? Que dire dun imam de Gonesse sous le coup dune expulsion datant de trois ans et toujours sur notre territoire ? Que dire dun arsenal juridique emberlificoté et rarement appliqué ? Que dire de cet appel du chef de lEtat à instaurer une « société de vigilance sans soupçon », alors que cest lexécutif et lui seul qui a failli dans sa mission de nous protéger ? Sil est une chose inadmissible, cest bien la navigation à vue de nos dirigeants successifs. Et ce, depuis l’équipée meurtrière de Mohammed Merah dans une école juive, les attentats contre Charlie Hebdo, le Bataclan ou lhyper-casher ou encore lacte terroriste perpétué à Nice.

Nos démocraties modernes se trouvent sous le feu de combattants aux croyances frelatées, et au centre dun combat financé en sous-main par Daech ou des régimes théocratiques du Moyen-Orient. De surcroit, elles se sont désarmées par loffensive à haut risque dErdogan contre les Kurdes de Syrie. La France, lEurope sont bien seules devant cette gangrène quasi planétaire, dautant quen décidant d’exclure le terrorisme de la compétence de la Cour pénale internationale au motif que cette infraction n’était pas définie, les Etats ont renoncé – au moins provisoirement – à l’instauration d’une réponse pénale universelle au terrorisme. Les disparités nationales qui en découlent sont dommageables pour les Etats et leurs populations, donnant ainsi libre champ aux auteurs et complices de crimes de terrorismeNous voilà, en cet automne, devant « la » question fondamentale : jusquoù sommes-nous prêts à accepter quon crible une partie de la population et à faire fi de la liberté dexpression ?

Marie France Poirier