La capitale régionale est entrée dans une nouvelle ère avec le programme OnDijon. L’Open Innovation est dorénavant de rigueur : pour preuve, la métropole a lancé un Data Challenge afin d’expérimenter et de développer la mobilité sur le territoire grâce à l’ouverture des données. Objectifs : dynamiser le centre-ville, améliorer l’expérience des déplacements mais aussi mieux connaître les flux de circulation. Le Monsieur OnDijon, Denis Hameau, délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche de Dijon métropole, nous explique les enjeux.
Dijon l’Hebdo : La notion de Data Challenge peut apparaître absconse. Pouvez-vous nous expliquer en quoi cela consiste ?
Denis Hameau : « Après 3 ans de travail, nous avons lancé le 11 avril le projet OnDijon, qui a plusieurs dimensions. La gestion connectée de l’espace public est la première d’entre elles. Nous continuons à travailler tous les équipements, à l’image de ceux destinés à la mobilité. Je pense notamment à Prioribus. Partie prenante de ce projet, l’amélioration de l’éclairage public, avec l’utilisation de Led, possède à la fois une dimension environnementale et financière puisqu’elle alimente un modèle économique. Nous faisons des économies d’énergie et nous pouvons les réinvestir dans le projet. Ensuite, en ayant dorénavant intégré les 6 postes de pilotage de l’espace public, nous sommes en mesure de collecter un certain nombre de données, des milliards en réalité. Nous allons les thématiser. Nous avions une thématique déjà prête sur la mobilité sachant que la DSP (ndlr : délégation de service public) avec Keolis a été signée antérieurement. Keolis, qui dispose déjà de données de bonne qualité, va nous rejoindre et va prochainement entrer dans l’ensemble. C’est là où intervient le Data Challenge. A quoi cela sert-il ? A partir des données dont on dispose, l’idée est de les ouvrir dans une logique d’innovation à un certain nombre d’acteurs pour les valoriser et créer un modèle vertueux pour le territoire ».
DLH : Qu’entendez-vous par modèle vertueux ?
D. H. : « Donner de la valeur, cela peut être donner de la visibilité sur le sujet mais cela peut prendre des formes variées. La métropole connectée de demain n’a pas qu’une vertu technique et technologique afin d’améliorer les services aux habitants, elle a aussi une vertu économique. Là on le démontre… »
DLH : Combien de start-up se sont-elles positionnées sur ce Data Challenge et ont présenté des services innovants crédibles à partir des données ?
D. H. : « Concernant ce Data Challenge portant sur la mobilité, nous avons eu 29 candidats dont 25 ont été éligibles. Il faut qu’au-delà de l’idée intéressante les équipes soient suffisamment solides pour avancer rapidement. Nous sommes pragmatiques. Nous avons fait la ville intelligente en étant pragmatiques, nous ne sommes pas restés dans le simple concept, nous ne sommes pas partis du marketing. C’est ce qui nous a permis d’aller vite et de démontrer que l’on agit. Dans nombre d’endroits, beaucoup de choses qui concernent les Smart City restent du domaine du discours. Ici, sur Dijon métropole, c’est du tangible… »
DLH : Du tangible, avec donc la collectivité en soutien des start-up innovantes…
D. H. : « Je pars du principe que la collectivité est un facilitateur. Nous devons nous appuyer sur des expertises. Nous avons offert à un acteur local, les Docks Numériques (ndlr : accélérateur de start-up), de nous démontrer aussi son expertise. Le travail a également été fait en lien avec les membres du Groupement – les grands groupes partenaires du projet (1) – et nous avons pu avoir une vision croisée particulièrement enrichissante. Nous avons offert un vrai terrain d’expérimentation aux start-up qui va nous permettre de construire une gouvernance locale de la donnée. C’est tout l’intérêt de ce Data Challenge ».
DLH : Pourquoi avoir choisi les enjeux urbains liés à la mobilité ?
D. H. : « Encore une fois, nous sommes dans l’objectif que la Smart City soit vertueuse sur le plan environnemental, économique mais aussi sur le plan des usages. Elle s’adresse à tous les citoyens. Par la thématique mobilité, nous illustrons finalement les grands objectifs que nous voulons mener sur la métropole ».
DLH : Comment l’ouverture des données peut-elle réellement améliorer les choses ?
D. H. : « A partir de ces data, nous voulons que la ville devienne une ville facile à vivre à la fois pour les usagers mais que, dans le même temps, elle apporte un plus. Un exemple : sur l’expérience touristique, nous pouvons imaginer qu’un touriste, arrivant en gare de Dijon et montant dans le tram, où il règle grâce à l’Open Paiement, afin de se rendre dans son hôtel, puisse disposer d’un certain nombre d’informations sur son smartphone en consultant une application. En fonction de son profil et avec son accord, dans le respect de la vie privée, l’on pourra lui amener des informations : une visite du Jardin Darcy, en lui précisant qui était le grand hydraulicien de Dijon, pourrait intéresser un ingénieur ; le parcours mémoriel pour les personnes aimant l’histoire; les offres des commerçants pour les inconditionnels du shopping. Les nouveaux arrivants, qui ne connaissent pas encore notre système de transport ainsi que la ville, peuvent également être particulièrement preneurs ».
DLH : Parmi les trois champs d’intervention de ce Data Challenge, vous avez placé comme priorité « la dynamisation du centre-ville grâce à la mobilité ». L’ouverture des données peut-elle avoir une véritable influence à ce niveau ?
D. H. : « C’est l’un des enjeux particulièrement importants des grandes villes : faire vivre les cœurs de ville. Nous devons faciliter l’expérience des citoyens mais aussi des touristes dans le cœur de ville. Nous pouvons le faire grâce aux données dont l’on dispose. Nous avons beaucoup d’informations, en ce qui concerne les parkings, les déplacements, les livraisons, etc. Nous pourrions permettre aux commerces d’avoir une plateforme afin de mettre en avant leurs offres. Touts seuls, ils ne sont pas en capacité de le faire. Avec une société qui sait le faire, et nous en tant qu’opérateur, nous allons dynamiser le centre-ville, et en particulier les commerces. Là aussi, nous venons en soutien du dynamisme économique. Ce qui est intéressant, c’est que nous articulons différents moteurs. Lorsque nous faisons le musée des Beaux-Arts, nous créons une attractivité importante pour tous les gens aimant la culture – 200 000 personnes l’ont déjà visité depuis sa métamorphose – mais pas seulement. Comment accompagner au mieux ce mouvement, comment pouvons-nous donner à ces flux une opportunité beaucoup plus forte de développement ? Avec un dispositif performant leur distillant aussi des informations en fonction là encore de leur profil, ces 200 000 personnes peuvent aller, en fonction de leurs centre d’intérêt, voir tel ou tel commerce…
DLH : En offrant aux citoyens la connaissance de ces données, pouvez-vous influer aussi sur les flux de déplacement ?
D. H. : « Gérer les flux de déplacement représente, en effet, un sujet on ne peut plus important. Regardez les matches au DFCO. Je trouve très bien DiviaPouce. C’est du covoiturage, cela limite et le CO2 et les flux. Mais peut-être pouvons nous faire encore mieux ? Demain, en fonction des moments, les supporters ne pourraient-ils pas mieux gérer leurs déplacements en disposant des informations. Aujourd’hui les gens le font intuitivement. Mais en leur donnant accès aux données en temps réel, nous pourrons donner du confort, de la facilité et un côté agréable aux transports. Nous pourrons peut-être trouver des services supplémentaires, imaginer le transport différemment. Aujourd’hui les données sont seulement à la disposition des spécialistes et traitées de façon technique mais le détail fin de l’usage est devant nous. Le Data Challenge permet de faire cela concrètement ».
DLH : Ce Data Challenge se fait-il toujours en garantissant l’anonymat et la préservation des données personnelles ?
D. H. : « Dès l’origine, le projet a été calé pour être RGPD compatible (ndlr : Règlement général sur la protection des données). Avant même la loi, nous avions considéré avec les différents protagonistes du projet qu’il fallait trouver l’équilibre entre la protection des données personnelles – on anonymise – et la valeur qu’elles pouvaient avoir en terme de développement. Notre impératif est de protéger les libertés individuelles. C’est le modèle de notre société française et européenne, bien loin du modèle chinois, où, à partir de la technologie, le système est totalitaire, et du modèle de la ville Google, où l’humain n’est juste qu’un élément du processus. En tant qu’élu, nous sommes les garants de la confiance que nous ont fait les citoyens ».
DLH : Après la mobilité, allez-vous lancer des Data Challenge sur d’autres thématiques ?
D. H. : « Nous sommes en train de réfléchir à deux nouvelles thématiques. Comment améliorer les usages de l’espace public ? Les citoyens pourront alors, en fonction de leur usage, modifier les choses. Ils pourraient par exemple nous dire si la localisation des bancs est pertinente. Nous pourrions croiser cela avec les îlots de fraîcheur. A-t-on suffisamment de possibilités pour que les gens puissent s’y assoir ? Est-ce bien pensé pour toutes les catégories de personnes ? Comment avec les données dont on dispose peut-on imaginer de reconfigurer l’espace public à partir des éléments techniques mais aussi des éléments concrets d’usage ? J’aimerais également travailler sur les questions environnementales. Avec les données, nous avons là-aussi des choses à faire sur la façon dont les citoyens imaginent l’espace public. Cela peut aider à inventer une écologie urbaine. Un exemple : lorsque l’on éclaire moins, les chauve-souris se portent mieux, mangent plus d’insectes. Cela permettrait d’agir sur de la biodiversité, l’eau, toutes les ressources, la question des abeilles, etc. Nous pouvons croiser des savoir-faire scientifiques, des savoir-faire d’ingénieurs avec nos écoles supérieures où l’on peut tester des choses, inventer des capteurs, mais aussi le savoir-faire du Jardin des Sciences. Nous avons énormément de compétences dans la métropole. Nous avons candidaté pour être capitale verte européenne et nous allons y retourner car nous avons des atouts. Je pense que cette thématique est importante. Depuis 20 ans, le maire de Dijon et président de la métropole François Rebsamen fait de l’écologie urbaine sa priorité. Avec ces données, nous pouvons avancer toujours avec pragmatisme et en lien avec le réel ».
Propos recueillis par Camille Gablo
Bouygues Energie Services, Citelum, Suez, Capgemini