Le 4 mai 1784, Armand Marie Jacques de Chastenet, marquis de Puységur (1751-1825), est conduit au chevet d'un jeune paysan malade : Victor Race. Colonel d’artillerie, issu d’une vieille famille de la haute aristocratie, Puységur devient ce jour-là le « père fondateur de la psychologie contemporaine de l’inconscient », selon la formule de Bertrand Méheust, docteur en sociologie et auteur des Miracles de l'Esprit. Il le « magnétise » selon la technique apprise directement du magnétiseur autrichien Franz-Anton Mesmer .
Ni crise, ni convulsion : le jeune homme tombe dans un étrange sommeil et se met à parler de sujets qui excèdent ses connaissances. Dans les jours qui suivent, Puységur poursuit l’exploration de cet état qu’il baptise « somnambulisme magnétique ».
« Une chose le frappe : Victor prédit ses crises futures, en donne avec exactitude le calendrier et les résultats. Mais il fait plus : il guide le marquis dans l’exploration de la nouvelle dimension qui vient de dévoiler » : le psychisme.
Après avoir écrit une thèse de médecine dans laquelle il abordait des théories antérieures sur le magnétisme – notamment celle de Paracelse –, Franz-Anton Mesmer (1734-1815) arrive à Paris en 1778. Il publie Mémoire sur la découverte du magnétisme animal dans lequel il expose sa doctrine.
Le médecin autrichien affirme qu’un fluide subtil emplit l’univers et relie tous les corps qui s’y trouvent. Pour Mesmer, la maladie est le résultat d’une mauvaise répartition de cette énergie dans l’organisme.
Il propose des « passes magnétiques », qui permettraient d’équilibrer ce fluide et qui provoqueraient des « crises de guérison » – des manifestations hystériques prononcées, dont les patients ressortent guéris.
En 1780, débordé par le nombre des demandes de traitements individuels, il a recours à la méthode dite du « baquet » : il magnétise un baquet en bois rempli d’eau, de verre pilé et de limaille de fer, auquel il relie de nombreuses personnes par des cordes.
Par la suite, il fonde la Société de l’harmonie universelle qui fait écho aux aspirations à l'égalité et à la fraternité qui sont en train d'enflammer la capitale et le pays . Le mesmérisme se répand : des poissonnières des Halles aux aristocrates, en passant par les futurs chefs jacobins qui veulent s'entretenir avec « le grand hypnotiseur », tous viennent se faire magnétiser.
Le succès est tel que Louis XVI charge deux commissions – de l’Académie des sciences et de la Société royale de médecine – d’examiner cette pratique qui vaudra à Mesmer une renommée fulgurante et beaucoup d'inimitiés tenaces.
Frédéric Gros, professeur de pensée politique à Sciences-Po, essayiste et auteur d'un premier roman à succès « Possédées »récidive en imaginant Mesmer, âgé de 81 ans, racontant dans une correspondance adressée à un certain Christian Wolfart les événements notables de sa vie et de ses recherches .
Un ouvrage passionnant à lire d'urgence pour découvrir la vie étonnamment moderne et la figure à la fois célèbre et trop mal connue de Franz-Anton Mesmer, « Le guérisseur des Lumières ».
Pierre P. Suter
Frédéric Gros
« Le guérisseur des Lumières »
Editions Albin Michel
176 pages - 17,90 euros