Le président UDI du conseil départemental, François Sauvadet, ne mâche pas ses mots dans cette interview de rentrée politique. Dans son viseur : la politique menée à Dijon par François Rebsamen… Il appelle à un large rassemblement de la droite et du centre mais pas seulement – La République En Marche, les citoyens impliqués – pour les prochaines élections municipales dans la capitale régionale. Une chose est sûre : le Département met le cap sur Dijon…
DLH : Lors de la dernière session du conseil départemental, vous avez, à nouveau, adopté des mesures pour aider les agriculteurs, qui doivent faire face à une sécheresse record. Vous continuez ainsi à être le premier défenseur du monde agricole…
François Sauvadet : « Cela ne concerne pas que le monde agricole. Un nouveau plan de restriction a été pris par le préfet et tous les usages sont concernés. Nous sommes face à une problématique de changement climatique que plus personne ne conteste aujourd’hui. Les épisodes de sécheresse se succèdent les uns aux autres. Les enjeux économiques, écologiques mais aussi de développement sont majeurs. C’est un sujet sur lequel je travaille beaucoup notamment en tant que président du Bassin Seine-Normandie. Comme les membres du GIEC (ndlr : Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) avec qui nous œuvrons l’expliquent, des périodes marquées de sécheresse vont se répéter ainsi que, paradoxalement, des périodes d’inondation violente. En premier lieu, il faut prendre des mesures d’urgence parce qu’il y a un problème particulier avec la concentration de l’élevage dans l’Auxois-Morvan qui, à lui seul, compte les trois quarts des bovins de Côte-d’Or. Une vache et son veau consomment 100 litres d’eau par jour. On imagine aisément ce que représentent 160 000 bovins ! Ensuite, pour le moyen ou long terme, nous avons adopté un Schéma d’adaptation aux changements climatiques dans le département. Faute de pouvoir assurer une ressource en eau, des projets communaux d’urbanisme, de création de logements ne peuvent pas voir le jour. Le Département a décidé de prendre le pilotage d’une politique pro-active de l’eau. Il nous faut passer à la vitesse supérieure. Avec les agences de l’eau, nous allons prendre des maîtres d’ouvrage – je ne l’exclue pas – pour garantir des ressources en eau suffisante voire à en créer, afin de récupérer l’eau excédentaire l’hiver et la restituer l’été. C’est d’ores et déjà le cas en Espagne ou au Portugal qui sont en avance sur ces sujets ».
DLH : Depuis les élections européennes, tout le monde semble s’être converti à la défense de l’environnement. Cela vous surprend-il ?
F. S. : « Ce n’est pas une surprise. C’est une préoccupation partagée par l’ensemble de nos compatriotes. Les enjeux climatiques mais aussi ceux de la qualité de vie, de l’alimentation sont essentiels. Les jeunes sont aussi très concernés. Nous venons d’enquêter auprès des 24 000 collégiens pour savoir comment ils voient la Côte-d’Or de demain. Leur première préoccupation n’est autre que l’avenir de la planète. Très vite, nous nous sommes engagés dans ces domaines. Nous allons d’ailleurs poursuivre notre lutte contre le gaspillage alimentaire. Nous allons encourager les pratiques vertueuses, limiter le tout plastique. Je lancerai à ce sujet une action 0 plastique pour les usages du Département. Et nous ferons prochainement une opération afin de faire de tous nos collégiens des ambassadeurs du climat ! »
DLH : L’attachement à la Côte-d’Or n’était-elle pas la première préoccupation des collégiens ?
F. S. : « L’enquête qui sera restituée le 27 septembre au Zénith de Dijon montre effectivement leur attachement à notre planète mais aussi leur attachement racinaire. C’est à dire qu’ils sont attachés à leur quartier, à leur village, à leur ville, à leur territoire. Ce double regard, à la fois sur le monde et sur sa terre est une vraie promesse d’avenir. Cela justifie le sens de mon combat pour éviter la concentration urbaine… L’urbanisation galopante de la ville de Dijon est à contre-courant de tout ce qui se fait dans toutes les villes de France. Dijon continue de construire à tout-va, la moindre dent creuse est comblée d’un immeuble. Les quartiers nouveaux poseront autant de problèmes que les quartiers anciens, avec la même concentration urbaine même s’il y a quelques étages en moins. Ce n’est pas ce à quoi aspirent nos compatriotes. Dans toutes les grands villes qui sont écologiques, on utilise tous les espaces pour mettre du vert, des arbres, etc. »
DLH : 46 000 arbres à Dijon, comme rappelé encore il y a peu par la Ville, ce n’est donc pas assez ?
F. S. : « Tout cela, ce n’est que de la com ! Partout où je me promène dans Dijon, la physionomie change. Tous les espaces libres sont construits et les quartiers nouveaux ne correspondent pas aux standards de vie souhaités par nos compatriotes. Nous aurons des problèmes, notamment en matière d’insécurité. Ce n’est pas le standard des villes qui ont fait le choix de la qualité de vie et de la maîtrise de l’environnement. C’est un choix des années 60 et non du XXIe siècle. Je le regrette mais c’est le choix de François Rebsamen ! »
DLH : La ville de Dijon n’a-t-elle pas, pour autant, tout de même figuré régulièrement dans les classements des villes les plus écologiques de France ?
F. S. : « On ne peut pas nous vendre que Dijon est la première ville écologique de France alors que cela construit à tout-va. Les Dijonnais ne sont pas dupes… ».
DLH : Le projet de Dijon métropole Territoires d’innovation de grande ambition (TIGA) portant sur l’alimentation durable d’ici 2030 (1) n’est-il pas un exemple d’innovation environnementale ?
F. S. : « C’est la même chose avec l’autosuffisance alimentaire à laquelle il souhaite parvenir à Dijon d’ici 2030. Comment peut-on y arriver sur le territoire métropolitain ! C’est fantasmé. C’est le retour vers le passé. Il faut, plutôt, faire des plans alimentaires territoriaux, travailler en proximité sur les circuits courts, réaliser du développement endogène dans chacun des territoires de la Côte-d’Or. L’on n’a pas vocation à tout concentrer. Moi, je suis fier de la métropole, que l’on ait une belle ville à Dijon, que l’on ait de l’activité. Une métropole est une chance mais elle doit l’être pour l’ensemble du département. Il y a eu des bonnes choses de faites mais je pense que l’on peut faire mieux. On ne peut pas continuer, comme dans les années 60 où c’était Paris et le désert français, avec Dijon et le désert côte-d’orien ! C’est une conception archaïque de la ville. Ce n’est pas ma vision, cela a été mon combat permanent et je continuerai ! »
DLH : Est-ce la raison pour laquelle vous n’avez pas souhaité que le Département participe au financement de grands projets comme la Cité internationale de la Gastronomie et du Vin ou encore la nouvelle piscine du Carrousel ?
F. R. : « Monsieur Rebsamen est d’une ambiguïté folle. Il revendique toutes les compétences du Département qui sont transférables, le social, la culture, le sport, et en plus il voudrait que l’on finance ce qu’il revendique. Ce n’est pas sérieux. Soit nous sommes des partenaires, et dans le cadre du transfert des compétences, nous aurions pu en discuter de manière sérieuse pour savoir qui fait quoi. Il est resté sur les schémas hollandais et lyonnais. C’est à dire avec la métropole d’un côté qui érige des remparts autour d’elle renvoyant le Département au territoire rural. Ce n’est plus le schéma d’actualité. Les choses ont changé. Au XXIe siècle, il y a une interdépendance entre la ville et la campagne. Il faut travailler ensemble. Regardez les plans de circulation. On ne peut plus rentrer dans Dijon et il n’existe même pas de parking de délestage. Le tram dessert quelques quartiers mais quand vous venez du Nord de la Côte-d’Or, mais aussi du Sud, vous tombez sur des impasses ou des remparts. Il ne peut pas faire de sa ville un nouveau Duché. Nous avons changé d’époque, nous ne sommes plus au temps des Ducs. J’attends qu’il vienne me voir pour présenter les projets mais le Département n’est pas le tiroir caisse de la métropole. Je veux pour ma part une Côte-d’Or qui vive à 100% de son territoire et non une métropole qui concentre tout ».
DLH : L’on voit bien là que vous prendrez toute votre part à la campagne des élections municipales à Dijon. Et c’est un doux euphémisme…
F. S. : « Ce n’est pas un problème d’échéance, c’est un problème de vision de l’avenir. Que l’on concentre les compétences dans un endroit, à l’image du CHU, de l’université… c’est évident, mais tout ce que l’on peut éviter de concentrer, évitons-le ! De ce point de vue, la Côte-d’Or est symbolique de la France. Il faut une vision d’équilibre territorial. Je poursuis ce rêve pour en faire une réalité. C’est la raison pour laquelle nous investissons massivement dans le très haut débit, dans les stratégies du futur. C’est aussi pour cela que je ne voulais pas qu’il y est des collégiens des villes et d’autres des campagnes. Cela aurait accéléré le processus où la ville incarnerait l’avenir et la campagne le passé. Je pense le contraire ! Avec le déploiement du très haut débit, dans les communes les plus lointaines, je constate que les choses changent. La vie commence à revenir dans les campagnes ».
DLH : Pensez-vous que la droite et le centre doivent tenter un large rassemblement en vue des municipales à Dijon, notamment en se rapprochant de La République En Marche ?
F. S. : « Je pense qu’aujourd’hui l’aspiration des gens au changement ne passe plus par les partis politiques qui, on le voit bien, sont en train de chercher une nouvelle voie. Cela vaut pour toutes les formations politiques qui peuvent faire perdre ou qui ne sont plus en situation de faire gagner un projet. Face aux enjeux, j’ai toujours dit qu’il fallait un large rassemblement borné par l’extrême droite contre laquelle j’ai mené le combat tout au long de ma vie politique et de citoyen. L’autre borne, c’est l’extrême gauche. Dans cet espace-là, il faut que tous ceux qui veulent un autre projet pour Dijon se rassemblent et qu’ils se choisissent le meilleur candidat ».
DLH : Après les divisions qui ont miné la droite et le centre ces dernières années à Dijon, pensez-vous réellement que cela soit possible ?
F. S. : « Je l’espère. J’appelle chacun des acteurs qui souhaitent compter dans ce changement à se retrouver et à bâtir un vrai programme alternatif pour Dijon car nous en avons besoin. Emmanuel Bichot a mené un combat d’opposition réel. Alors que François Rebsamen cherchait à le discréditer en permanence, comme si l’opposition n’existait pas, Emmanuel Bichot a eu raison et je tiens à le saluer. Il faut maintenant que chacun dépasse sa chapelle pour qu’il y ait un large rassemblement autour de compétences : En marche, Les Républicains, l’UDI, tous les citoyens… J’espère que la sagesse l’emportera et qu’ils se choisiront le meilleur candidat. Si je peux apporter une contribution pour les aider à y parvenir je le ferai mais je ne suis pas candidat à Dijon. J’ai choisi ce que je voulais poursuivre. C’est un combat pour la vision de la Côte-d’Or. J’aspire au même vœu pour la Région demain. Là aussi j’espère que l’on y parviendra… »
DLH : Vous croyez réellement que l’ère des partis politiques, dont vous avez été aussi l’un des acteurs, a vécu…
F. S : « Les partis politiques ne sont plus en mesure de répondre seuls aux attentes actuelles. Il y a une aspiration du citoyen à vouloir participer à son destin, à être entendu. Je pense que la vraie réponse est la proximité institutionnelle. D’ailleurs c’est pour cela que le Département, que Monsieur Rebsamen voulait supprimer quand il était au pouvoir, a trouvé une nouvelle vigueur. Parce qu’entre les grandes régions et les métropoles, les maires, les élus locaux se tournent vers le département. C’est l’institution la plus proche. C’est celle qui fait le plus pour l’équilibre territorial aujourd’hui ! »
Propos recueillis par Camille Gablo
(1) Cette interview a été réalisée quelques heures avant que le gouvernement ne retienne le projet dijonnais parmi les 24 projets sélectionnés