Le musée des Beaux-Arts métamorphosé étant devenu, depuis le 17 mai dernier, l’attractivité culturelle numéro 1 de la Cité des Ducs, Dijon l’Hebdo vous dévoilera désormais régulièrement l’un de ses trésors. Pour cette première, gros plan sur l’une des superbes œuvres conservées dans les réserves du MBA, la « Vanité à la Chouette », celle-ci étant, comme vous le savez, l’oiseau emblématique de Dijon.
Dès le XVe siècle, les peintres ont eu la charge d’exprimer par l’image le contenu des méditations religieuses : penser la fin ultime, réfléchir à la vanité des biens de ce monde, mettre à l’épreuve la volonté de dépouillement face la séduction exercée par toute richesse.
Au XVIIe siècle, l’iconographie qui faisait allusion au détachement des biens terrestres et à la méditation sur la mort et la rédemption s’est fixée dans la formule d’un genre de peinture qui prit le nom de Vanité à la suite d’une citation du texte de l’Ecclésiaste très souvent représenté sur un phylactère, à côté d’un crâne : vanitas vanitatum omnia est vanitas.
Ce message de la vanité des choses de ce monde va s’appuyer dans les pays latins sur la figure du saint ou de l’allégorie antique, alors qu’il s’exprime, dans le Nord de l’Europe sous l’influence de la Réforme, dans la composition d’objet.
Le musée des Beaux-arts de Dijon possède une remarquable et rare « Vanité à la chouette » datée du début du XVII » siècle. Cette huile sur bois de 40 cm x 52 cm se trouve actuellement dans les réserves du Musée et mérite toute notre attention et notre admiration .
Henri Loevenbruck, remarquable auteur de romans policiers, l’avait repérée du temps qu’elle était exposée et l’évoque dans son roman « Le mystère Fulcanelli », à propos d’une toile de Juan de Valdès Leal « Finis Gloria Mundi » visible à Séville.
Ce tableau étonne du point de vue iconographique par l’abondance de ses notations : une chouette monte un crâne humain symbolisant la mort auxquels sont associés une mouche symbole de la putréfaction des chairs et une chandelle mouchée rappelant la fugacité de la vie.
« N’oublie pas de vivre ! »
La chouette domine ici les emblèmes de la mort et représente la nuit et ses deux enfants : le sommeil et la mort. Elle symbolise à elle seule la vanité de la vie face à la mort. Il est rare de la trouver dans de semblables peintures, ce qui donne à la toile dijonnaise un caractère exceptionnel. L’inscription « Cogita Mori » inscrite dans l’entablement de la niche est une invitation à méditer en partie recouverte par un billet tenu par deux cachets de cire sur lequel on peut lire difficilement une citation de l’Ecriture : « Finis coronat opus ». La pensée de la mort est sublimée par l’annonce que la vie de bien est couronnée par la perspective de la vie éternelle.
Les spécialistes se disputent l’attribution de cette toile anonyme penchant pour une œuvre de l’Ecole hollandaise ou d’un peintre allemand. Quoi qu’il en soit, cette œuvre superbe rappelle à l’esprit le geste matinal quotidien de Goethe qui avant d’enfiler ses chaussures y prélevait deux petits cartons placés là chaque soir par lui et sur lesquels il lisait à l’aube de chaque nouvelle journée : « N’oublie pas de vivre ! »
Pierre P. Suter