A croire que l’été 2019 a élu domicile dans une fabrique de violence ! Le soleil s’est abattu sur l’Europe à coup de schlague. Et l’actualité a eu la brutalité d’un coup de poing : plus que jamais la société a fait montre d’un incroyable déchaînement, érigé en culte par des groupuscules irresponsables et médiatisés. Avant de pousser plus loin mon propos, je voudrais rappeler que toute mort est infiniment douloureuse, qu’aucune n’est équivalente à une autre, et qu’enfin tout départ dans l’au-delà mériterait dans un temps premier le recueillement silencieux, le respect et la réflexion. Rien de tel à l’ère des réseaux sociaux ! Qu’il me soit donné de m’interroger sur l’exploitation de la mort tragique de Steve Caniço. Exploitation qui surfe sur une émotion dévoyée, car pourvoyeuse de haine. 1700 manifestants de tous âges ont ainsi défilé le samedi 3 août à Nantes dans un face-à-face tendu avec les forces de l’ordre : jets de projectiles, vitrines brisés, départs de feu. Et quarante-deux personnes ont été interpellées pour transport d’armes.
Je ne reviens pas sur les circonstances de la disparition du jeune homme, objet d’enquêtes à la fois de la justice et de l’IGPN – celle-ci d’ailleurs contestée. En revanche, qu’il me soit donné de m’interroger sur la finalité poursuivie par des contestataires rôdés à la guérilla urbaine. Sur la nécessité qu’ils affichent de détruire pour détruire, de mettre la société sous pression et d’ériger le chaos de nos institutions en loi absolue. L’époque est-elle aussi vulgaire, triviale et indécente ? En tout cas, elle est affligée d’une mémoire courte et fait preuve d’une célébration des morts pour le moins sélective. Qui accorde plus de 3 minutes d’attention aux quelque 850 émigrés, victimes en 6 mois de passeurs et de leurs embarcations pourries ? Qui songe à honorer les deux cents cinquante ouvriers qui ont trouvé la mort sur leur lieu de travail depuis janvier en France ? Qui s’en fait l’écho sur Internet, sur Instagram ou sur la voie publique ? Qui, hors du cercle de ses pairs et sa famille, perpétuera d’ici à un mois la mémoire du pilote-pompier Franck Chesneau décédé à Générac ou du maire de Signes mort dans l’exercice de ses fonctions ? Tous – de Steve Caniço, de Mamoudou Barry, universitaire franco-guinéen mortellement agressé jusqu’aux 250 travailleurs –, tous appartenaient à la France. Tous méritent qu’on laisse leur âme en paix, loin de la fureur et du bruit des hommes…
Marie France Poirier