Le président de la CAPEB Bourgogne Franche-Comté, Alfred Morais, n’a pas sa langue dans sa poche. Et c’est un euphémisme… Elu également au mois de janvier dernier à la tête du RSI (Régime social des indépendants) de Bourgogne Franche-Comté, il nous explique le glissement de ce régime vers l’URSSAF.
Dijon l’Hebdo : Le RSI a longtemps été la bête noire des artisans. Les dysfonctionnements sont-ils derrière vous ?
Alfred Morais : « Le RSI a eu une mauvaise image eu égard à certains dysfonctionnements. Ce n’était pas le système qui était en cause. Le regroupement des trois caisses originelles, qui ne travaillaient pas de la même façon, qui n’avaient pas le même système informatique, représentait un mariage forcé. C’était en réalité trop tôt… Aujourd’hui les dysfonctionnements sont véritablement à la marge ».
DLH : Que répondez-vous à ceux qui fustigent le montant des cotisations RSI ?
A. M. : « Beaucoup de gens ont dit que le RSI coûtait trop cher. C’est faux. Le coût est de 48% de ce qu’ils gagnent. Mais il ne faut pas oublier que dans ces 48% il y a la CSG. Lorsque tu passes dans une société où tu es salarié, ce n’est pas 48%. Un salarié dans le bâtiment, c’est par exemple pratiquement 28% de charges toutes confondues. Sans compter la partie société, donc c’est beaucoup plus cher. Il faut en avoir conscience. Les critiques étaient nombreuses mais beaucoup confondaient le système avec le fonctionnement. J’ai constaté qu’il y avait un manque d’information. Nous avons réussi à décrocher un budget promotionnel à Paris. Beaucoup ne connaissent pas encore le système, certains qui sont dans le besoin ne se tournent pas vers nous par fierté… »
DLH : Comme se passe le glissement progressif vers l’URSAAF ?
A. M. : « Les fusions font toujours grincer quelques dents. Il y a plus de 75% du personnel du ex-RSI qui vont intégrer l’URSSAF. Dans l’ensemble, cela se passe bien. Des discussions se poursuivent sur les biens immobiliers qui seront, eux aussi, repris par l’URSSAF. C’est, selon moi, logique… Au sein de la Commission sociale du RSI, les dossiers sont anonymes, ce qui n’est pas le cas à l’URSSAF. Les discussions se poursuivent pour savoir s’ils le resteront ou non mais nous tenions à ce que cette commission perdure, et ce sera le cas. Et le président du RSI qui n’avait pas droit à l’origine d’y siéger pourra le faire. C’est l’une des choses que nous avons obtenue. Il faut que les indépendants gardent les avantages du système précédent, et notamment ceux qui rencontrent des difficultés. Un exemple : nous avons examiné un dossier dans cette commission où un indépendant s’était cassé le pied en faisant de la marche. Il n’avait qu’un salarié. Le manque à gagner a été important. J’estime, pour ma part, qu’il faut l’aider ».
DLH : Quels sont les autres grands enjeux de ce transfert vers l’URSAAF ?
A. M. : « A partir du 1er janvier 2020, le transfert débutera. J’ai, comme président, un mandat de 3 ans, et ce transfert devra être finalisé à l’issue. Les enjeux sont de pouvoir garder certains acquis qui étaient, à l’origine, ceux des artisans et des commerçants. Nous devons aussi tout faire pour que le transfert des personnels se passe dans les meilleures conditions. Mettons toutes les bonnes choses ensemble afin de pouvoir avancer ! »
DLH : Pourquoi vous êtes-vous présenté à la présidence du RSI ?
A. M. : « Je me suis toujours battu pour les plus faibles. J’ai vécu la dictature au Portugal. C’est la raison pour laquelle, à l’âge de 17 ans, j’ai quitté le pays, laissant derrière moi mes parents. J’ai vu trop d’injustices durant cette dictature. J’ai quand même vu mon père condamné à de la prison ferme pour un chien qui n’était pas vacciné. Lorsque tu as 13 ans et que tu assistes à cela, tu te révoltes. Je suis arrivé seul en France en 1968, je ne parlais pas la langue. Au début ce n’était pas évident, loin du foyer familial. D’où cette volonté farouche d’avancer… Ma candidature à la présidence du RSI s’inscrit dans mon souhait de continuer, longtemps plus tard, à aider les plus fragiles. Je ne suis que de passage et je suis ici simplement que pour le bien des artisans, des commerçants et des professions libérales qui nous ont rejoints. La gloire ne m’intéresse pas ».
DLH : Vous avez également une typicité puisque vous avez transmis vos entreprises à des jeunes. Pourquoi ?
A. M. : « Lorsque j’étais jeune, j’aurais bien aimé un coup de pouce. Je peux le faire alors je le fais. Les jeunes sont notre avenir et tous ceux que j’ai choisis étaient dans mes entreprises. J’ai commencé de vendre la première il y a 10 ans et je l’ai accompagné. Cela fait 4 ans qu’il possède 100% de la structure mais on continue d’échanger. C’est essentiel ! »
Propos recueillis par Camille Gablo