Le président de l’Association des maires de la Côte-d’Or, Ludovic Rochette, a été particulièrement présent cette année afin d’épauler les édiles municipaux mais aussi de porter leurs territoires. Il a véritablement au cœur la commune. Proximité oblige…
Dijon l’Hebdo : Au mois de novembre dernier, vous avez boycotté l’invitation du président Emmanuel Macron à l’Elysée lors du Congrès des maires. Cette position a-t-elle porté ses fruits ?
Ludovic Rochette : « Je pense que cette position a porté ses fruits parce qu’elle s’est intégrée dans un mouvement plus large de remise en cause de la relation entre l’Etat centralisé et les territoires. Nous étions dans l’émergence du mouvement des Gilets jaunes. Tout ce qui s’est passé au mois de novembre dernier a pu aider le président de la République à modifier sa perception des territoires et des provinces. Par conséquent, je ne regrette pas ma position. Si l’on a pu être l’un des acteurs de cette prise de conscience, tant mieux ! J’espère que, symboliquement, le président viendra au prochain congrès. Tout le monde a compris que l’on ne peut pas faire aujourd’hui l’économie d’un dialogue au fil de l’eau. Cela doit être absolument inscrit dorénavant dans la relation entre l’Etat et les collectivités territoriales ».
DLH : Vous avez également exigé que les maires soient parties prenantes du grand débat organisé par le président de la République. Ont-ils été, selon vous, entendus ?
L. R. : « L’Etat a enfin pris exemple sur les collectivités. Le dialogue dans une commune est complètement normal. Je pense aux réunions publiques, aux réunions de quartiers ; sitôt que l’on fait des travaux dans une rue, on associe la population. Il faut que, à l’avenir, l’on ait un souci encore plus régulier de l’avis des populations sur les projets communaux. Il y a l’élection mais il y a aussi, pendant le mandat, ce lien direct. L’Etat et le président de la République ont compris que le dialogue devait passer par ceux qui connaissaient le mieux les territoires : les maires. Je souhaite maintenant que ce grand débat ne soit pas qu’un coup d’épée dans l’eau mais qu’il soit en fin de compte normal. Comme cela se passe localement avec le préfet et les représentants déconcentrés de l’Etat… Ce que l’on fait localement, on doit le faire nationalement ».
DLH : Plutôt qu’un RIP (référendum d’initiative populaire), il faudrait, selon vous, organiser un référendum des maires…
L. R. : « Un référendum des maires, cela s’appelle plutôt les sénatoriales. On doit plutôt plus encadrer des initiatives de ce type. Mais l’élection est un moment important aussi. Les élections municipales de l’année prochaine s’apparenteront sûrement à 35 000 référendums ! »
DLH : Nombre de maires ont tiré la sonnette d’alarme concernant les conditions d’exercice de leur mandat. Pensez-vous qu’ils seront nombreux à ne pas y retourner en mars prochain ?
L. R. : « Nous aurons certainement un fort renouvellement, peut être un peu plus mesuré que ce que l’on craignait l’année dernière. Mais le mandat qui s’achève est sûrement celui le plus compliqué que j’ai vécu – et c’est mon 4e mandat. Il faut que, dès à présent, l’on assure aux prochains élus de 2020 un appui plus renforcé. C’est la raison pour laquelle le rôle de l’AMF va de plus en plus se tourner vers la formation. Un travail de formation est, en effet, indispensable en deux temps : au début du mandat, dans des domaines très pratiques, mais aussi au cours de l’exercice. Nous œuvrons actuellement à l’AMF dans la validation des acquis d’expérience, ce que la loi va permettre. Cela incitera peut-être des personnes actives à se lancer dans des expériences municipales, un peu comme une parenthèse et un complément de leur vie professionnelle ».
DLH : La baisse des dotations étatiques a tout de même totalement changé la donne au cours des 10 dernières années pour nombre d’édiles…
L. R. : « Il y a la baisse des dotations, la réforme de la fiscalité avec la taxe d’habitation, la question de la place dans l’intercommunalité qui, ici ou là, a pu être mal vécue. Je pense qu’il faut, au contraire, prendre le problème à l’envers. Le mandat 2020-2026 sera un mandat stratégique, alors que celui qui se termine était un mandat de réorganisation. Il a été plutôt frustrant. Le prochain sera passionnant car il sera un mandat de construction. Cela doit inciter pas mal de Françaises et de Français à se lancer dans l’aventure de la vie démocratique ».
DLH : Il semblerait que les communes reviennent quelque peu en odeur de sainteté…
L. R. : « Les Français ont exprimé une chose que l’on avait oublié : la nécessité absolue de la proximité. On avait perdu de vue en France cet élément de base. Dans notre pays, la proximité, c’est la commune. Nous devons donc être pragmatiques : les communes doivent continuer de faire ce qu’elles peuvent faire seules mais elles peuvent aussi évoluer. Les autres collectivités doivent prendre en charge ce que les communes seules ne peuvent pas faire. On voit ici ou là des EPCI qui rétrocèdent des compétences aux communes parce qu’elles s’aperçoivent qu’elles sont plus efficaces. Je l’ai fait, par exemple, dans ma communauté de communes (ndlr : Norge et Tille). On a le besoin en France, de proximité et de différenciation. On ne peut pas faire partout pareil. Prenons la Côte-d’Or : le Châtillonnais, ce n’est pas le Val de Saône, les problématiques sont différentes. Ce qui est fait en ville ne peut pas être fait à la campagne et inversement. Ajoutons une 3e notion importante : l’expérimentation. La Côte-d’Or a tout pour être un espace d’expérimentation car elle dispose de territoires d’une grande variété ».
DLH : Certains, et non des moindres, qualifient ainsi la Côte-d’Or de petite France…
L. R. : « Oui même si les littoraux sont assez rares et les montagnes aussi. Ce sont des espaces très différents mais qui se retrouvent néanmoins dans un faisceau de valeurs ».
DLH : Vous êtes le vice-président d’un département qui se veut, avec Futurs 21, un véritable laboratoire d’innovations pour la façon de vivre au XXIe siècle. L’avenir se construit ainsi aujourd’hui en Côte-d’Or…
L.R. : « On doit anticiper. Comment est-ce que l’on imagine les lieux de sociabilité dans les villages ? La modification des achats, le dernier commerce qui ferme… On peut imaginer de nouveaux lieux de vie de consommation, de démarche administrative… Nous devons aussi être audacieux en terme de mobilité. Nous avons un certain nombre d’enjeux fondamentaux dans la décennie. Mais les questions environnementales et, par conséquent, celles de mobilité, seront essentielles. Nous sommes dans un département où à partir de 2022 nous aurons le très haut débit partout. Nous aurons une base pour imaginer des politiques qui permettront, je l’espère, de défendre encore mieux le fait que les Côte-d’Oriens ont le droit de vivre là où ils veulent ».
DLH : Pensez-vous que nous allons pouvoir éviter une Côte-d’Or à deux vitesses… à l’instar d’une France à deux vitesses ?
L. R. : « Je crois que le XXIe siècle le permet ; le XXe siècle apparemment ne le permettait pas. Là, la société évolue, les technologies évoluent mais il y a une chose qui est constante : la volonté de proximité et du lien humain. Je crois paradoxalement que la structure moderne du XXIe siècle sera la commune ! »
Propos recueillis pas Camille Gablo