Dijon l’Hebdo : Le ton n’a eu de cesse de monter ces derniers mois entre le Département et la Métropole au sujet du transfert des compétences. Pourquoi ne pas avoir traité cette question simplement, dans la stricte application de la loi ?
François Sauvadet : « Mais c’est bien ce que j’avais proposé à François Rebsamen quand je l’ai rencontré au début du processus. Je lui avais proposé de traiter ce transfert des compétences de façon intelligente, concertée et dans le strict respect des lois MAPTAM et NOTRé.
Jusqu’au bout, j’ai demandé à mes services de tout faire pour parvenir à un accord. Jusqu’au dernier moment. Personnellement, j’y ai cru jusqu’au dernier jour ».
DLH : Mais alors, pourquoi le processus a « coincé » ? Que s’est-il passé ?
François Sauvadet : « François Rebsamen a réclamé l’ensemble des compétences prévues par la loi. Il est le seul président de métropole à avoir réclamé les 8 compétences listées par la loi MAPTAM, y compris sociales. C’est son droit. Mais il a cherché sans cesse à aller bien au-delà de la loi !
François Rebsamen a toujours voulu la disparition du Département, comme François Hollande ».
DLH : Etes-vous arrivé à un point de non retour avec François Rebsamen ?
François Sauvadet : « Le cas dijonnais n’avait pas été prévu dans la loi. Nous avons dépassé les délais fixés. Pour ma part, je suis extrêmement serein. Je ne suis pas CONTRE la Métropole, mais POUR les Côte-d’Oriens, y compris ceux qui résident dans la Métropole.
Mais vous savez, quelle que soit la décision prise, il n’y aura pas de grand soir et de grand matin, ni pour le Département, ni pour la Métropole ».
DLH : Concrètement, les habitants de la Métropole vont-ils subir les effets de ces désaccords ?
François Sauvadet : « Non. Je le redis, et j’ai eu l’occasion de rassurer les agents du Conseil départemental en poste dans la Métropole. Le Département restera présent, quelle que soit l’issue du dossier, à l’intérieur de la Métropole.
Le Conseil départemental restera le garant des solidarités humaines et territoriales sur toute la Côte-d’Or, territoire métropolitain compris, au service de tous les Côte-d’Oriens, notamment des plus fragiles, y compris ceux qui habitent à Dijon et ses environs.
J’aime Dijon. J’aime Dijon et sa métropole. Mais j’aime Dijon en Côte-d’Or. Je dis oui à un travail serein avec la métropole mais non à une métropole repliée sur elle-même.
Moi j’aime toute la Côte-d’Or, y compris sa capitale mais pas seulement sa capitale ! »
DLH : Rappelez nous quelles sont les compétences que conserve le Département de la Côte-d’Or ?
François Sauvadet : « Le transfert de compétences concerne 8 points : le fonds de solidarité logement, le service départemental d’action sociale, l’adaptation et la mise en œuvre du Programme départemental d’insertion (PDI), le Fonds d’aide aux jeunes en difficultés, la prévention spécialisée, les actions sociales en direction des personnes âgées, le tourisme, la culture et la construction, l’exploitation et l’entretien des équipements sportifs. Sachant que les routes départementales du territoire métropolitain ont déjà été transférées par arrêté préfectoral.
Mais au Département, nous conservons le versement de toutes les prestations légales, l’Allocation Personnalisée d’Autonomie (APA), la Prestation de Compensation du Handicap (PCH) ou le Revenu de Solidarité Active (RSA) ainsi que la protection de l’enfance maltraitée.
La Métropole aura donc toujours besoin du Département, quelles que soient les compétences transférées.
En tout cas, nous resterons investis dans les zones urbaines dans lesquelles nous exerçons déjà nos compétences avec volontarisme. Le Conseil départemental demeurera toujours un acteur important de l’aménagement du territoire et de la solidarité de toute la Côte-d’Or, à la campagne et en ville ».
DLH : Les collèges relèvent toujours de votre compétence, y compris sur le territoire métropolitain ?
François Sauvadet : « Tout à fait. Le transfert de la compétence collèges était subordonné à l’accord du Président du Conseil départemental. J’ai, bien entendu, refusé le transfert ! Pour moi, il était inconcevable qu’on puisse avoir des collégiens des villes et des collégiens des campagnes.
Ma position est claire depuis le début : les 23 collèges du périmètre métropolitain resteront une compétence départementale quoi qu’il arrive. Je l’ai dit plusieurs fois à François Rebsamen.
Je pense qu’il est en effet primordial de maintenir une cohérence entre la gestion des établissements urbains et ruraux ».
DLH : A ce titre, vous avez lancé une grande consultation auprès des collégiens de toute la Côte-d’Or sur l’évolution de leurs territoires. Quelles sont les idées force qui sont ressorties ?
François Sauvadet : « Les collégiens d’aujourd’hui sont les citoyens de demain. Ce sont eux qui bâtiront la Côte-d’Or de 2040. Et le collège, c’est le dernier endroit où tous les jeunes d’une même classe d’âge se retrouvent. Après, certains partiront en apprentissage, d’autres continueront au lycée.
On a donc eu l’idée d’interroger les 24 000 collégiens de Côte-d’Or pour leur demander comment ils voyaient leur département dans une vingtaine d’années.
Le résultat de cette consultation est sans appel. Plusieurs milliers ont répondu. On voit des jeunes impliqués, préoccupés par la protection de l’environnement, très au fait des problématiques liées au changement climatique. Des jeunes hyper-connectés qui se préoccupent de leur cadre de vie.
Ils aiment leur département. Ils aiment leur commune, là où ils habitent. Beaucoup ont envie de faire leur vie en Côte-d’Or. C’est à nous, élus, de leur donner les moyens de réaliser leurs rêves ».
DLH : La création d’un accord de partenariat avec les pôles urbains de la métropole dijonnaise, votée en session le 24 juin dernier, est-elle une façon à peine voilée de montrer que Dijon et son agglomération ne peuvent pas vivre sans le Département ?
François Sauvadet : « Non, pas du tout. Encore une fois, je n’ai aucune animosité envers la Métropole et ses habitants. Nous sommes tous Côte-d’Oriens. Et je suis le Président du Conseil départemental de la Côte-d’Or. De TOUTE la Côte-d’Or.
Mais nous avons décidé d’adapter nos dispositifs de contractualisation « Cap 100% Côte-d’Or » au territoire métropolitain. Ce nouveau dispositif est le pendant urbain de ces contrats qui sont actuellement accessibles aux chefs-lieux et anciens chefs-lieux de canton.
Ils s’appelleront… « Cap 100% Côte-d’Or » ! Car les pôles urbains de la Métropole dijonnaise sont aussi des pôles urbains de la Côte-d’Or ».
DLH : Qu’est-ce que contient précisément cet accord de partenariat ?
François Sauvadet : « Ce nouveau contrat sera accessible aux sept « pôles urbains » définis par la Métropole, à savoir Longvic, Quetigny, Saint-Apollinaire, Talant, Chevigny-Saint-Sauveur, Chenôve et Fontaine-lès-Dijon.
Il permettra de financer des projets structurants, dans le respect des politiques départementales et des compétences du Département, à hauteur de 20 à 50%, avec un montant maximum de 1 million d’euros. Les mêmes dispositions que les contrats « Cap 100% Côte-d’Or ».
DLH : Vous avez « ciblé » sept communes de la Métropole pouvant bénéficier de cette nouvelle disposition. Pourquoi ne pas avoir pris en compte l’intégralité des communes de la Métropole qui peuvent, elles aussi, prétendre à des soutiens financiers ?
François Sauvadet : « Mais les communes de la Métropole, hors pôles urbains, ne seront pas oubliées. Nous continuerons de financer leurs initiatives et de les accompagner dans leurs projets comme nous le faisons pour toutes les communes de Côte-d’Or, au titre des aides sectorielles.
Je dis à tous les maires des communes de la Métropole : déposez vos dossiers au Département sur ce qui est de nos compétences. Nous les regarderons avec attention et bienveillance. Mais la Métropole devra, demain, assumer pleinement le financement des compétences qu’elle entend exercer ».
DLH : Vous avez tout récemment adopté le Pacte Solidarité Côte-d’Or. C’est un des premiers à être signé en France. Que contient-il précisément ?
François Sauvadet : « Le législateur a confirmé le rôle du Département comme chef de file de l’action sociale. Entre les grandes régions et les métropoles, les départements sont plus que jamais les garants des solidarités humaines.
Aussi, quand Emmanuel Macron a présenté son Plan pauvreté, en septembre 2018, j’ai voulu que le Département de la Côte-d’Or prenne ce dossier de la lutte contre la pauvreté à bras-le-corps. Nous avons donc œuvré pour préparer, en partenariat avec l’Etat, une déclinaison départementale de ce plan national.
Ce Pacte Solidarités Côte-d’Or a été adopté à l’unanimité par le Conseil départemental, vendredi 14 juin, et je l’ai signé dans la foulée avec Olivier Noblecourt, Délégué interministériel à la lutte contre la pauvreté des jeunes, et Bernard Schmeltz, Préfet de Côte-d’Or et de Bourgogne-Franche-Comté.
Au-delà des enjeux financiers de ce plan, qui prévoit 1 million d’euros supplémentaires, à parité entre l’Etat et le Département, c’est une nouvelle manière d’agir qui a été actée. Nous avons imaginé plusieurs actions concrètes pour remplir les trois objectifs que nous nous sommes fixés : soutenir les jeunes de 16 à 25 ans, mettre l’usager au centre de la démarche et favoriser l’insertion sociale et professionnelle des bénéficiaires du RSA.
Ce plan est novateur, volontaire, innovant et résulte d’un partenariat efficace entre les services du Département et de l’Etat ».
DLH : Vous avez voté le budget supplémentaire 2019. Evoluez-vous toujours dans un contexte financier et institutionnel à la fois contraint et incertain ?
François Sauvadet : « Lundi 24 juin, nous avons voté notre Budget Supplémentaire pour 2019. Il s’agit d’un BS limité au niveau des sommes engagées puisqu’il s’élève à 47,66 millions d’euros en mouvements réels. Mais il est caractéristique de la bonne gestion du Département.
Pourtant, nous agissons sous contrainte car que notre budget de fonctionnement ne peut pas augmenter de plus de 1,2% alors que, dans le même temps, les dépenses sociales imposées par l’Etat augmentent plus. Et maintenant, nous devons en plus faire face aux incertitudes liées à la réforme de la fiscalité locale. Le Gouvernement prévoit le transfert de la part départementale de la taxe sur le foncier bâti aux communes, pour faire face à la suppression de la taxe d’habitation.
Les départements récupéreraient quant à eux une partie de la TVA mais perdraient à la fois leur pouvoir de taux et le lien entre impôt et territoire ! Il va sans dire que l’Assemblée des Départements de France est vent debout contre ce projet ».
DLH : Au final, le Département de la Côte-d’Or respectera-t-il la trajectoire financière fixée par l’Etat ?
François Sauvadet : « Oui. Comme vous le savez, j’ai refusé de signer le « contrat de maîtrise de la dépense publique locale » avec l’Etat. Pour moi, un contrat, ce sont des droits et des obligations pour les deux parties. Or, dans le cas présent, l’Etat nous impose le plafonnement de nos dépenses !
J’avais assuré, dès le départ, qu’aucun euro des Côte-d’Oriens ne retournerait dans les caisses de l’Etat. L’objectif est rempli : le Conseil départemental de la Côte-d’Or a parfaitement respecté la trajectoire budgétaire notifiée par l’Etat au prix de sérieux efforts et sans augmenter les impôts, pour la 6ème année consécutive ».
DLH : Le dispositif Futurs 21 a été mis en place en 2017 pour permettre de dégager des idées nouvelles et innovantes et consolider l’image de « bouillonnement intellectuel » de la Côte- d’Or. Où en êtes-vous dans cette démarche ?
François Sauvadet : « Je suis persuadé que la Côte-d’Or est le cadre idéal pour le dispositif Futurs 21. Ce dispositif vise à dessiner la Côte-d’Or du 21ème siècle. Pour ne pas subir l’avenir mais le préparer. La démarche fonctionne à plein régime. Sur la dizaine de projets identifiés et actuellement à l’étude, quatre sont entrés dans une phase opérationnelle et mis en œuvre sur le terrain. Il s’agit des projets « smart citizen » à Genlis, « Open canal », en partenariat avec VNF, « laboratoire du maintien à domicile », avec Orvitis, et « smart village » à Flavigny-sur-Ozerain.
Nous avons récemment organisé le premier Forum Futurs 21 avec Nicolas Chabanne, fondateur de « C’est qui le patron ?! », en invité d’honneur, sur le thème des nouveaux consommateurs. La manifestation a connu un succès qui a dépassé nos espérances avec une forte présence d’acteurs locaux, chefs d’entreprise ou simples citoyens qui ont participé aux débats ».
DLH : Et vous êtes toujours aussi motivé pour faire de la Côte-d’Or le « laboratoire des modes de vie de demain » ?
François Sauvadet : « Plus que jamais. Je crois profondément à l’aspiration de nos compatriotes à une vie meilleure, dans un cadre apaisé et respectueux de l’environnement. Je suis par ailleurs intimement convaincu que le 21ème siècle sera numérique ou ne sera pas !
C’est le sens de notre démarche Futurs 21. Expérimenter aujourd’hui sur le terrain des dispositifs ou des initiatives qui nous faciliteront la vie demain ».
DLH : La couverture numérique de la Côte-d’Or est l’une de vos grandes priorités. Votre objectif affiché de fournir la fibre à la maison pour tous d’ici à 2025 sera-t-il tenu ?
Non seulement l’objectif de fournir la fibre à la maison pour tous est maintenu mais je peux même vous annoncer que le délai sera fortement raccourci. Le Département de la Côte-d’Or a en effet été le premier département de France à signer une convention relative à l’Appel à Manifestations d’Engagement Local (AMEL) lancé par l’Etat. C’était début juin, avec l’opérateur privé Altitude Infrastructure. Ce recours au privé va permettre d’accélérer le déploiement de la fibre puisque les foyers côte-d’oriens seront tous « fibrés » à domicile d’ici à la fin 2022. Avec cette opération, on a gagné trois ans !
Et ceci grâce au Département. Si le Département n’avait pas pris le manche du déploiement du Très Haut Débit (THD), qui l’aurait fait ? La Côte-d’Or sera couverte fin 2022. Engagement pris, promesse tenue ! »
DLH : De quelles façons le Département s’engage-t-il dans la lutte contre le réchauffement climatique ?
François Sauvadet : « Le réchauffement climatique est un phénomène global inéluctable. Plus aucune personne censée ne remet en cause cette évolution de notre climat. La canicule que nous vivons depuis plusieurs jours est symptomatique de ce phénomène. Elle pourrait devenir la norme dans un futur pas si lointain.
Il est important d’agir rapidement et fortement si nous ne voulons pas laisser, demain, une planète inhabitable à nos enfants et petits-enfants. Chacun peut agir au quotidien mais il est bien évident que les Etats, les entreprises et les collectivités locales doivent impulser les changements et mettre en place des politiques respectueuses de l’environnement, qui prennent en compte le réchauffement climatique.
Au Conseil départemental, nous conduisons depuis plus de dix ans des politiques respectueuses des ressources naturelles. Dès juin 2009, nous avons adopté un Plan départemental de l’eau. Et, il y a un an, en juin 2018, nous avons franchi une nouvelle étape en votant une Stratégie départementale d’adaptation au changement climatique.
Ce n’est pas un slogan. C’est plus qu’une véritable philosophie. Désormais, chaque dispositif, chaque politique, chaque initiative du Conseil départemental est pensée à l’aune du changement climatique et de la préservation des ressources naturelles. Il s’agit d’une démarche menée sous l’angle de l’aménagement du territoire et des ressources naturelles que sont l’eau, la biodiversité et les milieux naturels, la forêt, auxquels il faut ajouter les terres agricoles. Notre schéma prend en compte l’agriculture côte-d’orienne dans sa diversité, de la vigne aux grandes cultures en passant par l’élevage.
Dans les faits, le développement du bois énergie, le travail sur le stockage carbone et l’adaptation des essences via la politique forestière, l’accompagnement des agriculteurs pour le développement des circuits locaux, le soutien à l’amélioration thermique des logements et à l’éco-réhabilitation, la sensibilisation des agents et des publics sont autant d’initiatives portées par le Département pour agir contre le réchauffement climatique ».
Propos recueillis par Jean-Louis Pierre