Chagrins d’amour du poisson rouge : l’humanité prend l’eau !

Où partir en vacances cet été ? Pourquoi pas Cuba, les Seychelles ou – vous êtes ric-rac côté fric – une chambre d’hôte à La Rochelle ? Le « hic », c’est que vous tenez à être « tendance ». Bingo ! Pliez-vous aux nouvelles tables de la loi sociétale : « Toujours à la plage sans smartphone, sans tablette et sans ordinateur ». Pigé ? Le tout est de bronzer déconnecté : les vacances… sans wifi, rien de plus « in »! Sûr, ça risque d’être un peu difficile à vendre à votre petite famille, mais l’expérience exaltante d’un ciel de juillet ou d’août sans «clouds », c’est le prix à payer pour passer à la rentrée pour un esprit audacieux. Et ce, grâce aux circuits-vacances dits « digital détox », assortis de leurs cortèges – onéreux certes, mais indispensables – de coaches, de diététiciennes, de masseuses zen ou de psy. Ce sont là les seules solutions susceptibles de redonner du ressort à un mental abusé par l’usage sans modération d’Internet au boulot, à table ou aux WC. Si vous surnagez à 30 jours de décrochage à l’araignée qui vous enferme dans la toile du virtuel, vous voilà enfin sur le chemin de la rédemption.

Car urgence, il y avait… Il vient en effet d’être mis en évidence que tout internaute invétéré, voire dévertébré, ne se concentre pas plus de 9 secondes sur le moindre concept, contre 8 secondes pour un poisson rouge dans son globe de verre. Dans son essai La Civilisation du poisson rouge paru chez Grasset, le spécialiste des médias Bruno Patino accuse les GAFA de nous faire tourner en rond tels des poissons rouges, orchestrant addiction ainsi que baisse notoire de l’acuité intellectuelle. Vous aurez beau vous bourrer de daphnies sur-vitaminées, si vous persistez à vous cogner dans les coins d’un cyber-aquarium, votre intellect finira par se fatiguer les nageoires. Et encore… Tout peut s’aggraver brutalement si on maintient le parallèle entre l’internaute et le poisson rouge, tous deux prisonniers de leur bocal respectif : le dit poisson rouge, s’il est éconduit par sa belle au profit d’un copain tropical plus beau et tout fluo, n’atteindra même plus le modeste seuil de 9 secondes de concentration mentale pour… cause de peine d’amour ! Trois chercheurs de la faculté de Dijon viennent de démontrer l’impact émotionnel négatif d’une séparation chez un poisson retourné à un célibat forcé.

Moralité de ce fabliau qui concerne la chaîne du vivant – du poisson à l’homo sapiens en passant par le bonobo dans sa cage ? Evitez la plage en mode « bocal Google/Amazone/Facebook » : une sirène peut surgir à l’horizon et… Et, floc ! Vous risqueriez d’échouer sur le sable avec les gros chagrins d’amour d’un poisson rouge et le mental à la dérive. C’était le conseil de l’été de Dijon l’Hebdo. Allez-allez, bonnes vacances !

Marie-France Poirier

 

De l’air !

Guillaume Dubois, l’un des responsables de « Voyages intérieurs », a lancé l’association « Voyage sans écran ». Un label où les vacanciers sont encouragés à se déconnecter. Les deux tiers n’arriveraient pas à tenir la durée du séjour. Pour éviter la débandade, un système de référents à prévenir en cas d’urgence a été mis en place. Les « rescapés » d’Internet évoquent, eux, un vrai soulagement. Le même Guillaume Dubois constate dans les groupes des échanges plus riches. Et des études indiquent qu’une déconnexion de quelques jours, à l’occasion d’une randonnée, par exemple, permet aux participants de restaurer leur potentiel cognitif. Affaire à suivre…