Denys Chevillon : « Un notariat pour tout le monde ! »

L’étude des prix de l’immobilier, que vous pouvez découvrir dans ce numéro de Dijon l’Hebdo, émane de la Chambre des Notaires de la Côte-d’Or. Mais les missions et prérogatives de cette instance représentative du notariat sont multiples et variées. Entretien avec le nouveau président Denys Chevillon, qui détaille les enjeux majeurs de cette structure devant, elle aussi, d’adapter à « un monde en pleine révolution ».

Dijon l’Hebdo : Comment avez-vous composé la nouvelle Chambre des notaires de la Côte-d’Or ?

Denys Chevillon : « Nous avons dû tenir compte de nouvelles problématiques, à l’image de l’arrivée importante de notaires issus de la loi Croissance. J’ai voulu une Chambre jeune. La moyenne d’âge est ainsi de 45 ans… et je suis de loin le plus âgé. Il faut savoir prélever et écouter les forces actives de la profession. J’ai aussi voulu une Chambre féminisée. Nous sommes à 45,5 % de parité, sur 11 c’était tout de même compliqué d’être à 50/50. Cette mixité hommes/femmes n’est pas un gadget, elle est, a contrario, capitale pour la profession. J’ai souhaité également une Chambre pleinement représentative du tissu notarial : notaires individuels, associés, salariés et issus de cette fameuse loi Croissance. Il faut savoir tout de même qu’en Côte-d’Or, celle-ci a généré un nombre de notaires en hausse de 30%. Le département a ainsi enregistré 16 créations, si bien que nous sommes dorénavant 120. Cela change la donne pour l’exercice de la présidence ».

DLH : Une Chambre représentant 120 notaires, est-ce suffisant pour peser ?

D. C. : « Nous réfléchissons à l’interdépartementalité. Selon la carte judiciaire, notre organisation est aujourd’hui basée sur des compagnies en Côte-d’Or, en Saône-et-Loire et en Haute-Marne. Il y a également un conseil régional mais la création d’une Chambre interdépartementale pourrait supprimer ces 3 chambres et l’instance régionale. C’est une réflexion que nous menons afin de favoriser le rayonnement des chambres ».

DLH : Votre profession s’est fortement mobilisée contre la réforme dite Macron, destinée, en substance, à insuffler une pincée de libéralisme chez les hommes de loi… Est-ce dorénavant derrière vous ?

D. C. : « D’aucuns disent : c’était mieux avant. Non, le monde d’hier avait évidemment des côtés sympathiques mais il n’était pas mieux. Ce qui compte, c’est ce qui se passe aujourd’hui, c’est la réalité. Nous pouvons penser ce que l’on veut de certaines réformes mais elles sont là. Nous n’allons pas livrer un combat d’arrière garde et faire de la résistance. Notre tâche essentielle aujourd’hui est d’améliorer le système, de faire en sorte que cela puisse fonctionner mieux. Je ne dis pas que sur certains points nous ne devons pas nous battre : tout n’est pas admissible ! Compte tenu de l’agrandissement, la profession doit lutter pour son unité et son identité. Comme le disait le président du Conseil supérieur, il n’existe qu’un seul notariat. Cette unité passe par la connaissance des règles qui régissent la profession. Des règles qui sont en mouvement, en changement, ce qui est interdit aujourd’hui sera peut être autorisé demain, mais, en attendant, c’est interdit ! Je pense à la publicité, au démarchage… La déontologie représente notre ADN, tout comme la confraternité. C’est le ciment de notre statut d’officier public. Nous sommes les seuls détenteurs du sceau de l’Etat. En ce sens, notre responsabilité est grande. Le panonceau nous fait travailler, nous enrichit mais il crée des devoirs. Dans une société où tout un chacun se gorge et se réclame de droits, je rappelle que notre mission première est d’avoir des devoirs. Nous nous devons au service de l’Etat et du public comme nous nous devons, en tant que profession libérale, au service de notre clientèle ».

DLH : N’est-ce pas compliqué d’être uni alors que le notariat est divers et varié ?

D. C. : « Par la mission publique, par le maillage territorial, nous ne sommes pas que les notaires des riches. Nous préférons pour nos clients qu’ils soient riches – nous ne vivons pas dans un monde de bisounours, c’est certain – mais il y a une exigence auprès des démunis. S’il n’y a plus de notaires pour faire des petits actes, qui les fera ? Idem pour le conseil… Des gros mastodontes notariaux diront : les petits actes sont pour le notariat rural. Rappelons que l’écrêtement que l’on doit au Président équivaut à 32 000 € en moins pour certains. C’est dramatique… L’unité de la profession peut, peut-être, passer par une péréquation. Le notariat parisien et le notariat provincial sont fondamentalement différents. Quand vous vendez le m2 à 1500, 2000 € ou à 10 000 €, ce n’est pas la même chose ! Un notariat de proximité, c’est un notariat pour tout le monde ! »

DLH : Le rôle des notaires, notamment auprès des pouvoirs publics, est essentiel dans l’aménagement territorial. Celui-ci n’est-il pas mis à mal actuellement ?

D. C. : « Le maillage territorial est important pour l’unité et la cohésion du peuple français. Nous avons constaté que les nouveaux notaires s’installent plus dans les agglomérations que dans les campagnes. A l’instar du désert médical, il ne faut pas de désert juridique. Il faut que toute la population dispose de ce conseil de proximité ».

DLH : Les défis sont nombreux dans notre monde en perpétuel changement…

D. C. : « Nous devons, en effet, nous adapter à la révolution permanente. Nous vivons une époque de bouleversement total, avec une perte de repère, de méthodologie, etc. Il faut déjà appréhender cette révolution et puis s’adapter. C’est vrai pour l’accueil des nouveaux notaires, l’informatique notariale, la dématérialisation des actes, la visioconférence, la signature à distance… »

DLH : Antoine de Saint-Exupéry disait qu’il ne « s’agissait pas de prévoir l’avenir mais de le rendre possible ». Quels grands enjeux devez-vous appréhender pour rendre possible l’avenir notarial ?

D. C. : « Nous préparons l’avenir par la formation. Nous avons une exigence légale mais la formation est primordiale. Le notaire est un généraliste du Droit, certes, mais, de par la complexité, nous devons nous remettre en question perpétuellement : la maîtrise de l’outil informatique, le digital demain, la dématérialisation… Les entreprises notariales, où sont arrivés les premiers ordinateurs, ont toujours été en avance dans le domaine mais nous vivons aujourd’hui une véritable révolution. Nous devons nous adapter dans la sécurité juridique et la confidentialité qui s’y rapportent, je vous le rappelle. Nous avons aussi des créneaux nouveaux qu’il faut aborder, même s’il ne faut jamais oublier notre authenticité : même si nous avons toujours fait de la négociation immobilière, il nous faut être plus à l’écoute de la gestion des patrimoines de nos clients. Nous sommes aussi très attentifs à ce que peuvent faire la Justice, la Magistrature dans l’accompagnement, les conseils, les consultations gratuites, la participation à la Maison de la Justice à Chenôve… Nous sommes aussi passés d’un ou deux dossiers par an à une pratique presque quotidienne des dossiers ayant trait à l’international. En Bourgogne, où nous avons des Anglais, des Américains, des Hollandais, des Suisses… c’est encore plus manifeste et la tendance va s’accentuer. Imaginez par exemple une donation partage où l’un de nos clients précise qu’il existe une maison en Espagne… Nous devons acquérir les compétences internationales requises pour apporter les bonnes réponses à nos clients. Il nous faut également nous adapter aux évolutions liées à la mondialisation… »

 

« Un pur produit bourguignon »

Denys Chevillon aime se définir comme « un pur produit bourguignon ». Né à Nuits-Saint-Georges, dans la clinique obstétricale qui deviendra plus tard, « pour l’anecdote », la demeure d’un notaire (comme quoi sa voie était toute tracée !), il a fait ses « humanités » à Beaune avant de rejoindre la Faculté de Droit de Dijon. Avec son épouse qu’il rencontre sur les bancs universitaires, il prépare la magistrature. « Cependant, à l’époque, il était difficile de faire carrière pour un couple dans ce domaine car les mutations étaient légion ». Pendant que sa femme bifurquait du côté du Barreau, il décida de se lancer en 1980 dans le Notariat. Le 7 janvier 1987, il prête serment et s’implante à Beaune dans une étude de notaires associés dans laquelle il exerce encore. Denys Chevillon a occupé de multiples fonctions dans les Chambres avant d’être élu président le 15 mai dernier lors de l’assemblée générale, succédant, par là-même, à Didier Levray. Avec humour, précisant qu’il est issu d’une famille de viticulteurs, ce notaire exerçant dans la capitale des vins de Bourgogne souligne avoir « un pied dans le tonneau, un pied dans l’encrier ! »