David Liot : « Il faut voir le MBA comme un écosystème »

Avec 60 M€ d’investissement et des travaux qui se sont étalés sur 17 ans, la métamorphose du Musée des Beaux-Arts restera, c’est certain, comme l’une des plus grandes œuvres dijonnaises de ce début du XXIe siècle. David Liot, directeur des musées et du patrimoine de la Ville de Dijon, nous fait remonter le temps. Mais pas seulement…

Dijon l’Hebdo : Que de chemin parcouru depuis le XVIIIe siècle et l’ouverture de ce musée destiné à abriter les œuvres de l’école fondée par François Devosge…

David Liot : « Ce premier musée avait, en effet, pour vocation d’être un lieu d’éducation des jeunes artistes qui passaient par l’école. Certains d’entre eux ont eu une carrière nationale, voire même ont séjourné à Rome, d’où ils envoyaient des œuvres. Ce premier musée est ainsi constitué d’antiques. D’où la fameuse salle des statues, qui s’apparente au cœur du réacteur de la grande histoire des musées. C’est une vraie référence… »

DLH : Avec Yan Pei-Ming, hôte exceptionnel du MBA pour sa réouverture, qui est aussi passé par l’école des Beaux-Arts de Dijon, c’est un véritable clin d’œil à l’histoire…

D. L. : « C’est extrêmement émouvant et cela a beaucoup de sens par rapport à l’histoire culturelle de la ville de Dijon. C’est extraordinaire de voir qu’aujourd’hui l’on retrouve ce lien entre l’école, le musée et ses collections. Avec Yan Pei-Ming, l’on renoue avec ce dialogue. C’est une chance inouïe car rappelons qu’il a aussi séjourné à Rome dans le cadre de la Villa Médicis ! »

DLH : Pourquoi avoir mené de concert la métamorphose du musée en lui-même et le « chantier des collections » ?

D. L. : « Tout en étant un lieu culturel et d’éducation, un musée représente d’abord des collections. Celles-ci se doivent d’être conservées pour pouvoir être transmises aux générations futures. Au tout début des années 2000, les collections étaient en très mauvais état. Il fallait les restaurer et c’est la raison pour laquelle le chantier des collections fut lancé. Cela a conduit à voir le nouveau MBA comme un tout, un écosystème avec, à la fois, un espace métamorphosé de présentation des œuvres au sein du palais mais aussi des réserves externalisées considérées comme une référence à l’échelle nationale. Ce sont des réserves vivantes car elles permettent, entre autres, des rotations d’œuvres du fonds permanent ainsi que le travail de chercheurs ».

DLH : Quelles sont les principales difficultés que vous avez rencontrées au cours de ce chantier titanesque ?

D. L. : « Lorsque je suis arrivé, il y a 4 ans, tout était huilé, au égard au professionnalisme des équipes ayant travaillé sur ce projet d’envergure depuis l’origine. Mais je me suis aperçu que nous étions face à 6 siècles d’histoire. C’était vertigineux et cela a obligé à penser d’abord au monument historique, à l’architecture du palais des Ducs et ensuite de mettre en musique les collections. C’était un dialogue assez complexe à mettre en place… »

DLH : Ecrin de la culture, le MBA bénéficie lui aussi d’un écrin, à savoir le cœur historique de la ville, rénové ces dernières années. J’imagine que c’est une chance à vos yeux…

D. L. : « Le palais des Ducs et des Etats de Bourgogne structure la ville. A l’image de ce que nous avons vu avec d’autres villes, comme Paris, il s’apparente à certaines cathédrales qui sont au cœur des cités. C’est le point 0 ! Il permet des passages entre des univers totalement différents, un voyage dans le temps absolument incroyable. Il offre aussi des espaces de rencontres, tel la cour de Bar qui se révèlera une véritable agora. La piétonisation mettra en lumière et valorisera pleinement ce complexe architectural ».

DLH : Vous aimez qualifier le MBA de « phare culturel » mais faut-il exporter ses œuvres pour qu’il rayonne encore plus ?

D. L. : « Un musée, qui représente un projet, une démarche, n’est pas un lieu fermé et se doit de sortir de ses gonds. Les œuvres se doivent d’être les ambassadrices du musée, aussi sont-elles partagées sur un plan international, notamment dans le cadre d’expositions ou de dépôts d’œuvres. De par l’importance de ses collections, le musée de Dijon est en permanence sollicité et les demandes sont nombreuses »

DLH : Si vous aviez trois œuvres du MBA à retenir, quelles seraient-elles ?

D. L. : « Les Pleurants, qui suscitent une émotion vertigineuse au sein du Logis ducal de Philippe le Bon, représentent un peu notre Joconde. Ensuite, dans l’art moderne, je citerais l’Homme ouvert de Fautrier, une œuvre d’une très grande force plastique, qui nous renvoie au contexte trouble de l’entre-deux guerres. Elle nous incite à réfléchir sur la stabilité ou l’instabilité du monde. Enfin, étant né au Havre, je choisirais l’évocation d’Etretat par Claude Monet, où l’on sent vraiment les reflets, la capacité à évoquer l’atmosphère avec des couleurs d’une grande puissance. Mais il y a tellement d’œuvres que je pourrais évoquer… »

Propos recueillis par Camille Gablo