C’est en quelque sorte un « jardin extraordinaire ». Pas celui de la chanson écrite par Charles Trenet qui décrit un parc empli de la magie des contes, avec des animaux qui parlent et des statues qui prennent vie… Mais un parc urbain qui modifie profondément la ville en faisant disparaître le béton. Un parc qui crée de l’harmonie et de la convivialité. Une sorte de « Central Park ». Ce projet, c’est à Chenôve qu’il verra prochainement le jour. Thierry Falconnet, le maire, en parle avec des yeux de Chimène.
Dijon l’Hebdo : Où en est le projet de requalification du centre commercial Saint-Exupéry et ses abords ?
Thierry Falconnet : « Une nouvelle étape vient d’être franchie. Après expertises technique et financière, nous avons retenu le cabinet Sequana Paysage. Sa responsable, Pascale Jacotot, qui est architecte paysagiste à Dijon, sera la maître d’œuvre du réaménagement de l’espace libéré par le centre commercial Saint-Exupéry. Elle portera la responsabilité de la conception et travaillera avec le cabinet Merlin et BED Ingénierie.
Notre choix a été évidemment fait dans le respect des dispositions réglementaires des appels d’offres. 11 équipes ont répondu dans le cadre d’un appel restreint. 5 ont été retenues et ont fait l’objet d’une présentation à la direction de la SPLAAD et aux élus de Chenôve qui ont travaillé ensemble à la rédaction du cahier des charges,
La ville a demandé à la SPLAAD de faire de la démarche de participation des habitants à la construction du projet un des critères de choix du lauréat du concours. Sans oublier bien sûr l’insertion dans le territoire de Chenôve. Il y a une vraie réflexion à mener sur la proximité des vignes, du coteau, sur les liaisons nord-sud, mais également est-ouest. Comment relier cet espace en devenir avec son environnement immédiat et plus éloigné avec le souci d’en faire un lieu convergence ?
C’est aussi un espace intermédiaire, un lien entre le Cèdre, l’Hôtel de Ville, l’esplanade de la République qui est aujourd’hui un espace très marqué « centralité de ville », avec la Cour Margot, et le parc urbain qui est le cœur du grand ensemble. Continuité, transition, lien… ont été clairement exprimés dans le cahier des charges.
Les travaux ne commenceront pas avant l’automne 2020. C’est le temps qui est nécessaire à la construction du projet avec les habitants. Ils dureront entre 18 mois et 24 mois. »
DLH : En quoi ce projet est-il aussi important pour Chenôve ?
T. F : « Il y a toute une philosophie et une conception de l’espace urbain mais aussi de la vie dans cet espace urbain qui président à ce projet. Vous l’avez compris, il n’est pas question de poser un parc dans un endroit où on ne saurait pas trop quoi faire d’autre.
Ce projet, c’est en quelque sorte notre marque de fabrique. C’est un axe majeur des orientations municipales actuelles et futures. C’est un projet qui sera exemplaire sur le plan environnemental et qui s’inscrit en droite ligne des actions qu’on impulse aujourd’hui : zéro phyto, pas de glyphosate, l’éducation à l’environnement… Toutes ces décisions qui contribuent à notre bien commun. « L’effet Central Park », c’est ça : un parc en cœur de ville, qui appartient aux habitants et qui sera, parce qu’ils se le seront approprié, un espace apprécié et respecté par tous.
DLH : Quels sont les enjeux de ce projet de réaménagement ?
T. F : « Ils sont multiples. D’abord, pour cet espace intégré à notre projet de centralité, c’est d’afficher une ambition pour les habitants du quartier. L’objectif est d’apporter du « bien vivre » à cet endroit. C’est un espace qui a été très longtemps marqué par le béton, par le bitume, par le fait urbain dans ce qu’il avait de plus « dysfonctionnant » par rapport aux grands ensembles des années 70. L’espace s’est organisé autour d’une activité commerciale qui a décliné au fil du temps pour devenir inapproprié à l’attente des habitants. L’idée a donc été de porter une ambition pour les habitants du quartier « politique de la ville », une ambition pour notre ville.
Nous voulons également ramener de la nature en ville, c’est à dire de renverser la tendance par rapport à ce qu’on a pu connaître et en faire un espace complètement différent. Et c’est ce qui nous a séduit dans l’offre présentée par le cabinet Sequana Paysage. On y trouve un effet « Central Park », toutes proportions gardées bien sûr. Un parc paysager, végétalisé, au cœur de la ville. Là où il y avait des pylônes, il y aura des arbres, là où il y avait du béton, il y aura des jardins.
Autre enjeu : ce projet doit être aussi un espace de rencontre qui doit répondre à cette idée de la centralité. Un espace où l’on va vivre, se promener, cheminer, se rencontrer à l’intérieur de la ville.
C’est aussi notre trame verte qu’on a imaginée depuis Kennedy en passant par le parc urbain pour aller jusqu’au plateau. L’idée est de créer une circulation douce et apaisée à l’intérieur de Chenôve en privilégiant la marche à pied et le vélo.
On le voit bien au travers de cette première esquisse proposée par le cabinet Sequana Paysage : c’est un changement radical de l’espace qui est proposé. L’ébauche construite à partir du cahier des charges est déjà très largement alimentée par les nombreux échanges avec les habitants dans le cadre des réunions publiques, des réunions ou visites de quartier, des permanences des élus.
DLH : C’est une particularité : vous avez souhaité que ce projet soit co-élaboré et co-construit avec les habitants ?
T. F : « C’est un enjeu et ce n’est pas le moindre : faire en sorte que ce projet soit porté par les habitants eux-mêmes. D’où la question de la concertation. Comment le cabinet d’architecte paysagiste compte-t-il mettre en œuvre la discussion, la concertation, la co-construction du projet avec les habitants ? Nous y tenons tout particulièrement : ce projet, avant même qu’il soit réalisé, doit appartenir déjà aux habitants du quartier, aux habitants de la ville. Car ce n’est pas seulement un projet de quartier, c’est un projet de ville. Cela correspond pleinement aux nouvelles orientations que l’on souhaite donner à Chenôve : le retour de la nature en ville, la convivialité et la rencontre. Cet espace doit être partagé dans l’harmonie. J’ai envie que les habitants des autres quartiers de Chenôve viennent s’y promener avec plaisir, comme on va faire le tour du lac Kir, comme on va sur le plateau de Chenôve.
La co-construction va se poursuivre y compris dans la définition du projet. L’architecte urbaniste a réfléchi à une première esquisse. Certaines choses vont se figer, d’autres vont évoluer, se modifier. Par exemple, à un endroit, est proposé un lieu de rencontre et de convivialité. Une sorte d’agora. Un café. Il reste à déterminer sa forme et ses fonctions. Un café associatif animé par les habitants ? Un café qui accueillera des événements culturels ? Un café porté par un entrepreneur privé qui en assurera la gestion ? Aujourd’hui, on ne sait pas. C’est cette co-construction avec les habitants qui va le définir dans sa vocation et son fonctionnement interne.
Même question pour les jardins. Seront-ils partagés, seront-ils en pied d’immeuble ? Là encore c’est aux habitants de dire ce qu’ils peuvent imaginer. »
DLH : Cette méthode de co-construction n’est pas nouvelle. Vous l’avez déjà éprouvée sur le territoire de la commune ?
T. F : « Oui avec l’espace libéré de l’espace de la tour 12 Renan. Les habitants nous ont dit, entre autre, qu’ils aimeraient bien y voir des arbres fruitiers. Il y a toute une réflexion, dans le cadre d’ateliers participatifs, qui a été menée sur les types de fruits, sur la façon dont ils seront cueillis. Et pour cette requalification paysagère du secteur Saint-Exupéry, ce sera pareil. Il y aura des diagnostics partagés. L’architecte paysagiste invitera les habitants à se promener dans le quartier avec elle pour alimenter sa propre réflexion. Les groupes scolaires seront également associés comme ils le sont déjà sur la Tour 12 Renan. Tout cela s’inscrit dans la définition du projet. Ce n’est pas un temps d’information qui sera mis en place, mais un véritable temps d’association des habitants au projet.
L’esquisse que nous avons sous les yeux nous a séduits, mais elle peut encore très largement évoluer. Bien évidemment dans l’épure et dans les orientations qui sont tracées. Par exemple, l’idée d’une agora, d’un lieu de rencontre, c’est une demande forte des habitants depuis la disparition du centre commercial. D’où cette idée de café que j’ai évoquée précédemment.
Pourquoi ne pas imaginer aussi dans la proximité du Cèdre un espace de spectacles en plein air ? »
DLH : Et cette fameuse dalle en béton, vous allez la faire disparaître ?
T. F : « Nous sommes sur un site qui est très contraint par la dalle de l’ancien centre commercial sous laquelle nous avons conservé le parking de 300 places. Nous avons aujourd’hui un déficit d’offre de stationnement pour répondre aux besoins du cœur de ville. Il y a donc nécessité de créer des places supplémentaires malgré le parking en sous-sol. Il est prévu de refaire l’étanchéité de cette dalle, comme envisagé mais abandonné en 2005, lors de la première réhabilitation du centre. Son emprise est impressionnante car elle couvre plus d’un hectare sur les quatre du périmètre de l’opération. »
DLH : Avec cette requalification paysagère, on est en plein « quartier politique de la ville » ?
T. F : « Complètement. Je souhaite que ce projet s’intègre dans nos préoccupations de « quartier politique de la ville ». Très clairement, nous aurons besoin de monter en gamme pour assurer l’entretien de ces espaces verts. Mon idée, c’est d’adosser un projet de formation à ce projet de ville. Pourquoi ne pas imaginer un accord avec un lycée agricole, un centre de formation d’apprentis, pour que les jeunes du quartier puissent éventuellement obtenir une qualification, un CAP Parcs et jardins, un bac pro ou technologique en horticulture tout en contribuant à l’entretien du parc ? L’idée serait de créer une forme d’éco-système autour de cet espace requalifié.
Je reste foncièrement convaincu qu’il faut de la qualité dans ce projet, comme il faut de la qualité dans tous les quartiers de Chenôve. »
Propos recueillis par Jean-Louis Pierre