Sauve qui peut ! La planète a ses chaleurs

A la mi-mars, quatre ONG regroupées sous la bannière « L’Affaire du siècle » ont introduit une procédure devant le tribunal administratif de Paris à l’encontre de l’Exécutif français pour « inaction climatique ». Dans la foulée, le quatuor avait appelé à rejoindre massivement « la Marche du siècle » le week-end de la mi-mars. Près de 150 000 très jeunes manifestants au coude à coude en France et des millions à travers la planète se sont échauffé l’esprit à coup de slogans dans les rues, sous l’égide de Greta Thunberg. Libérant ainsi dans l’air des millions de bactéries ou de particules fines… Espérons que ni l’Affaire ni la Marche du siècle n’ont pas fait grimper d’un poil la couche d’ozone…

Au-delà de cette remarque un rien acide, plusieurs questions se posent : quelle efficacité, quel poids doit-on en escompter ? Que pèse une manif de jeunes gens, par ailleurs addicts aux outils de leur quotidien virtuel et aucunement prêts à les abandonner ? Si cet appel à une prise de conscience a eu la résonance mondiale que l’on sait, c’est parce que l’affaire s’est propagée de façon virale sur Internet. Internet, dont smartphones et autres bidules sont hautement toxiques pour l’environnement, aussi bien au niveau de la fabrication qu’au recyclage…

Ajoutons que le pré où fleurissent ces jeunes tout en verdeur font le terreau des partis politiques écologistes dans la perspective des Européennes ! Bref, l’action d’un Maxime Lelong ou d’une Greta Thunberg sont louables certes, mais c’est toute la marche du monde qui reste à détricoter… Les chemins écolos sont-ils ceux d’un pays où on n’arrive jamais ?

Ne nous laissons pas gagner par la désespérance, et rendons hommage au « marcheur séculaire » qui a eu ce trait d’humour : « Elevons la voix, mais pas le niveau de la mer ». Le voilà promu à la même éternité que le flamboyant de mai 68 « Sous les pavés, la plage »… Marcher, protester, satisfaire religieusement au tri des déchets, avoir son compost « perso » et trois poules sur le balcon, s’interdire de jeter un chewing-gum ou une clope sur le trottoir, se vêtir de fibres en bambou ou de coton, glisser ses pieds dans des tennis en plastique recyclé, manger bio (voire vegan pour les anachorètes du siècle), c’est sympa, mais sans doute un peu naïf ou dérisoire au regard de l’inconduite immorale d’un grand nombre de chefs d’Etat, d’industriels, ou … d’armateurs.

Dans le contexte du tout récent et gravissime naufrage du Grande America, l’heure n’est plus à noyer son chagrin dans un océan de whisky à l’instar du Capitaine Haddock ou à confier l’opération de pompage de notre littoral aux Shadocks. Ajoutons à l’ivresse mondiale de l’économie un trafic aérien exponentiel, un tourisme de luxe qui n’hésite pas à transformer des îles à proximité des hôtels en dépotoirs géants. Sans compter que nous sommes des gaspilleurs préoccupés surtout de renouveler ad vitam aeternam ordinateurs, smartphones, automobiles, électroménager, mobilier… : « Nous sommes venus ici pour vous informer que le changement s’annonce, que cela vous plaise ou non », avait prévenu Greta Thunberg à la COP 24. Avant de conclure : « Le vrai pouvoir appartient au peuple. »

Les maires de quelque 120 communes de Bretagne ont sans doute tracé de nouvelles voies, et bien avant que la jeune Greta ne fasse son buzz : faute d’obtenir le soutien des banques pour des équipements collectifs prenant en compte l’environnement, ils ont emprunté avec succès de l’argent auprès d’un certain nombre de leurs administrés. Ce qui a impulsé l’effort considérable pour la population de se remettre en cause, de se doter d’une puissante motivation pour vivre, se loger, se déplacer, ou consommer « autrement ».

Qui osera suivre ces municipalités bretonnes qui se sont allées au Danemark pour s’inspirer de l’exemple de Copenhague ? Quels autres consommateurs occidentaux – tant qu’ils en ont les moyens de payer – cesseront de faire leur marché dans les pays émergents – les premières victimes du réchauffement climatique ? En un mot, avons-nous encore le courage fou ou encore la possibilité d’opérer cette évolution verte à plus grande échelle, sans retourner à l’ère préhistorique des silex bifaces ou devoir regrimper au sommet des arbres généalogiques de Tonton Cro-Magnon ?

Marie-France Poirier