Les quatre Maisons dijonnaises fabriquant la crème de cassis ont dévoilé une plaque rappelant l’invention du « blanc-cassis » en 1904 au bar Le Montchapet. L’occasion, 115 ans après, pour ces entreprises d’évoquer le présent et l’avenir d’une des filières emblématiques de Dijon. Mais avant, retour sur une histoire spiritueuse… qui peut parfois même être spirituelle.
C’est l’un de ses successeurs qui l’a rendu célèbre puisqu’il a été baptisé du nom du Chanoine Kir mais la paternité lui revient : nous voulons bien évidemment parler d’Henri Barabant et de la boisson à base de crème de cassis et d’aligoté… Beaucoup l’ont oublié mais la création de ce cocktail mondialement connu revient au maire SFIO du début du XXe siècle et non à Félix Kir, qui fut, rappelons-le, premier magistrat de la cité des Ducs de 1945 à 1968. Plutôt que dans l’alcool, c’est dans l’eau – avec le lac lui aussi éponyme – que le dernier parlementaire en soutane de l’Hexagone allait véritablement laisser son sillon.
Même si le chanoine Kir a popularisé cette boisson en la portant jusqu’au bar de l’Assemblée nationale et en la servant aux réceptions au palais des Ducs, c’est bel et bien Henri Barabant qui en est à l’origine. Une plaque commémorative, installée à l’initiative du syndicat des fabricants de cassis de Dijon, a été dévoilée le 15 mars dernier sur la façade du bar Le Montchapet afin de se souvenir du lieu de naissance du blanc-cassis. Les patrons des quatre maisons dijonnaises – L’Héritier-Guyot, Edmond Briottet, Gabriel Boudier et Lejay-Lagoute – étaient, en effet, réunis dans l’établissement de Claude Bartollino afin d’inscrire dans le marbre ce pan de l’histoire dijonnaise. Une histoire qui aurait pu ne jamais exister : « Henri Barabant vivait au-dessus de ce bar et il descendait traditionnellement pour prendre son apéritif, un verre de crème de cassis, qu’à l’époque l’on buvait seule. Un jour, en 1904, la serveuse se trompa et ajouta de l’aligoté. Il a tenu malgré tout à goûter ce mélange qu’il a apprécié. Le blanc-cassis était né », s’est remémoré François Battault, président du syndicat et à la tête de la Maison Gabriel-Boudier. La crème de cassis de Dijon, dont l’appellation fut, quant à elle, reconnue en 1923 a pleinement bénéficié depuis de « cette erreur ».
« Remettre le cassis au cœur de Dijon »
Produisant 20 millions de bouteilles par an, dont 47 % dédiées à l’export, les entreprises de ce syndicat embauchent 174 personnes (sans compter les emplois indirects) et réalisent un chiffre d’affaires de 65 M€, la crème de cassis étant la liqueur la plus vendue dans l’Hexagone après le Get. Et le P-dg de L’Héritier Guyot, Jean-Dominique Caseau, de préciser : « Les Maisons dijonnaises consomment 75% des baies de cassis produites en Bourgogne Franche-Comté (entre 1 100 et 1 250 tonnes, dont 600 à 700 t de Noir de Bourgogne), ce qui représente 40% de la production nationale. Le projet de pérennisation de la filière régionale du cassis vient d’être retenu par le conseil régional dans le cadre de son programme de développement rural, permettant de disposer des précieux fonds européens FEADER. Elle bénéficiera ainsi de 487 000 euros sur 3 ans afin d’adapter la production à l’agro-écologie et d’anticiper les changements climatiques ».
Le cassis de Dijon, qui a obtenu son Indication géographique (IG) en 2013, gage de qualité, devrait avoir ainsi encore de beaux jours devant lui. Surtout, comme Claire Briottet a insisté, que « les Maisons sont certes concurrentes mais pleinement associées dans ce syndicat grâce auquel elles réalisent des actions communes ». Elle a, notamment, listé la participation à la Foire internationale et gastronomique de Dijon, au Salon de l’Agriculture porte de Versailles à Paris, à un Salon d’envergure à Hong Kong…
Avec le dévoilement de cette plaque, ce syndicat pas tout à fait comme les autres a montré sa volonté de « remettre le cassis au cœur de Dijon » : « Comme nous le faisons avec le Brunch des Halles, les apéritifs sur la Tour Philippe-le-Bon ou encore la marque Just Dijon, nous appelons de nos vœux la Cité internationale de la Gastronomie et du Vin où nous aurons une présence très visible ». Une autre présence dans la ville sera également assurée par une vitrauphanie à découvrir chez les commerçants dijonnais… L’on peut notamment y lire : « Le cassis de Dijon, des siècles d’histoire ! » Celle-ci avait commencé avant le chanoine Kir et Henri Barabant puisqu’elle remonte à 1841 et à la recette du cafetier Auguste Denis Lagoute réalisée avec la complicité du liquoriste Claude Joly. Mais c’était dans un autre bar : Les Milles Colonnes, sur la place d’Armes (la place de la Libération aujourd’hui)…
Camille Gablo