2019 : année des célébrations du génie protéiforme de Léonard de Vinci dont la mort est survenue il y a cinq cent ans, à l’âge de 67 ans, le 2 mai 1519 au château du Cols-Lucé où il s’était installé en 1516 à l’invitation de son nouveau protecteur, François 1er.
La légende veut qu’il ait traversé les Alpes à dos de mulet serrant dans ses bagages trois toiles majeures dont La Jocondequ’il ne cessera jamais de reprendre et dont il refusera obstinément de se séparer.
A la fin de sa vie, Léonard revendiquera franchement une triple compétence : à celle de peintre il ajoute celles d’ingénieur et d’architecte. Dans un remarquable essai paru en 2013 chez Alma, l’expert en histoire des sciences et des techniques, Pascal Brioist, indique que Vinci fut le premier à développer une pensée technologique. La liste de ses « machines » est impressionnante.
Comme architecte, un projet l’obsède et marque la fin de sa vie. Celui de bâtir un gigantesque palais à Romorantin, à la fois cité idéale de la Renaissance et nouvelle capitale du royaume. Le chantier implique de creuser de nombreux canaux pour relier la Sauldre au Cher. Convaincu, François 1er ordonne le commencement des travaux préliminaires interrompus définitivement par la maladie puis la mort du génial concepteur .
Vinci s’est voulu aussi anatomiste mais il n’eut pas le temps de mener à bien le traité qu’il projetait d’écrire. Martin Clayton, spécialiste de Vinci et Ron Philo, expert en sciences de la santé, l’ont fait pour lui aux éditions Actes Sud. L’ouvrage est somptueux et passionnant. En associant leurs compétences, les auteurs mettent en parallèle les milliers de notes et les dizaines de planches gravées et dessinées de Léonard pour les confronter aux connaissances actuelles. On sait que Léonard de Vinci avait pu disséquer près de trente cadavres humains et des dizaines de dépouilles animales et l’on ne peut que s’extasier devant 87 reproductions parmi les plus belles planches retrouvées exposant les muscles, les os, les organes, les mains ou encore les visages aux expressions inégalées.
La cartographie de nos admirations esthétiques s’est modifiée au XXe siècle grâce à la redécouverte et à la réévaluation d’oeuvres anciennes oubliées ou ignorées qui eurent un effet bouleversant sur la création contemporaine elle-même. On pense, notamment, parmi des centaines d’autres oeuvres remarquables et étonnantes arrachées à l’oubli , au Cavalier de l’apocalypsede Honoré Fragonard (le cousin), exposé en 1946 au Palais de la Découverte à Paris et dont le couple d’écorchés formé par le cheval et le cavalier semble surgit tout droit de l’horreur qui vient cinq année durant de bouleverser les hommes et les consciences .
Gageons qu’avec leur (re)découverte les planches anatomiques de Léonard de Vinci traceront un sillage exceptionnel de l’histoire de la pensée et de l’émotion du début du 3e millénaire.
Manuel Première
Léonard de Vinci anatomiste
par Martin Clayton et Ron Philo
Editions Actes-Sud
256 pages illustrées. 39 euros