La Saint-Valentin et son lot de traditions sociétales et commerciales plus ou moins rejetées puis finalement acceptées, obstruent souvent l’essence même de l’amour. Comment tombe-t-on amoureux ? Est-ce qu’il existe plusieurs types d’amours ? Est-ce que l’amour peut vraiment durer toute une vie ? Thierry Vigneron, psychanalyste dijonnais et président d’AREA nous donne quelques pistes.
Dijon L’Hebdo : Est-ce que le coup de foudre existe réellement ?
Thierry Vigneron : « Il existe effectivement un phénomène entre le corps et le cerveau qui délivre sérotonine et dopamine et qui déverrouille différents loquets plus ou moins consciemment : cette personne-là avec ce physique-là me plaît ou m’attire. Mais il n’a pas toujours existé, le terme de coup de foudre émerge au XVIIIe siècle, après l’apparition de la question du choix du partenaire, question qui ne se posait pas avant car tout se passait au sein de familles ou communautés.
DLH : Est-ce que le regard seul peut suffire ?
T. V : « On suppose que oui, d’ailleurs nous sommes les seuls à employer ce terme de coup de foudre, dans les autres langues on dit « tomber amoureux au premier regard ». Il peut effectivement se passer quelque chose à première vue ou avec la voix uniquement. Dans la littérature, Dante voit Béatrice et « ce regard le rend amoureux toute sa vie durant », quant à Rousseau, il tombe amoureux d’une voix entendue derrière un rideau. »
DLH : Mais est-ce un amour durable ?
T. V : « Il faudrait distinguer les différents types d’amours. C’est en tout cas le début d’un amour passion et celui-ci a une durée de vie limitée, certains parlent de quelques mois, d’autres de quelques années. Vient ensuite l’amour raisonné car toute une vie avec la même personne suppose des évolutions régulières, appelées crises mais il faut les envisager comme des crises positives, des ajustements, c’est tout ce qu’il y a de plus normal. Donc oui, si on accepte l’idée d’évolution, le coup de foudre peut être le début d’une relation durable. »
DLH : Aussi imprévu que soit le coup de foudre, est-ce qu’il y a en lui une part de conditionnement ?
T. V : « Dès le départ il y a chez l’être humain une dénaturalisation de l’amour car il n’y a pas ou plus d’instinct, contrairement aux animaux, dès lors que nous sommes civilisés. Ensuite, effectivement, selon notre éducation, notre milieu, notre enfance, il y a bien sûr un conditionnement qui peut se manifester dans l’attirance vers une personne ressemblant à un être déjà aimé, à l’inverse le rejet d’une catégorie de personnes suite à un traumatisme ou encore en fonction du modèle parental, qui nous façonne également. Même si tomber amoureux est plus fort que nous, il y a une part d’acquis. »
DLH : Est-ce qu’il y a une différence entre hommes et femmes ?
T. V : « Le sentiment amoureux est le même mais certains hommes ont un côté fétichiste et s’attachent à des détails comme les talons ou les bas, qui deviennent prétextes à l’amour, ce qu’on rencontre moins chez les femmes qui sont plus attirées par les sentiments amoureux. Ça n’est pas une règle générale bien sûr et les différences entre hommes et femmes tendent à s’atténuer aujourd’hui. »
DLH : Est-ce que les enfants peuvent-être amoureux ?
T. V : « Si on parle d’amour comme désir, il y a un amour ressenti dès l’enfance pour la mère ou le père oui, quand l’enfant est dans sa phase oedipienne. Ensuite, cela commence à la puberté quand l’amour est lié à la sexualité et les sentiments amoureux peuvent arriver très tôt en effet. »
DLH : Est-ce que certaines situations favorisent l’amour ?
T. V : « Il y a ce qu’on appelle le transfert c’est à dire l’amour qui naît d’une situation dans laquelle interfèrent le savoir ou l’admiration. Les plus fréquentes sont entre le professeur et l’élève ou le médecin et le patient. Ces situations ne sont pas idéales d’un point de vue pratique mais c’est tout de même de l’amour, ce n’est pas une illusion, Jacques Lacan disait que « cet amour-là n’est pas fait d’un autre bois que l’amour véritable ».
DLH : Qu’est ce qui est propre à notre époque ?
T. V : « La confusion entre désir et demande, qu’on retrouve dans les sites de rencontre. Avant il y avait les agences matrimoniales mais elles s’adressaient plus à des personnes mûres en recherche d’un partenaire ou d’une compagnie. Aujourd’hui, les applications ou sites de rencontre attirent tous les âges et pour des raisons très variées. Cette pratique évite le coup de foudre puisque le premier contact n’est pas physique et d’ailleurs la rencontre des corps est déterminante puisqu’une seule entrevue peut mettre fin à des mois de relation épistolaire, pourtant passionnée ! On peut déplorer l’absence de romantisme dans cette évolution mais elle est aussi synonyme de plus grande liberté, il y a moins de tabou, moins d’hypocrisie aujourd’hui. »
Propos recueillis par Caroline Cauwe
Ca leur est arrivé…
Denise et Jacquesse croisent pour la première fois sur le pont du paquebot France alors que celui-ci quitte le sol européen pour rejoindre les Etats-Unis. Les cinq jours de traversée permettent aux deux jeunes gens de faire connaissance, et si bien qu’ils se marient dès leur arrivée.
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Jeune retraitée, Odileaccepte à contrecœur de se rendre à un voyage organisé par une amie, celle-ci l’a suppliée de compléter le groupe car un désistement de dernière minute menace d’annuler le séjour. C’est peu enthousiaste qu’elle monte dans le bus, s’assoit à la seule place disponible, à côté de Philippe,jeune retraité également. La conversation s’engage et leur amour « est une évidence »…
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Margot et Matthieutombent amoureux dès le 1er regard pendant un voyage en Asie. Ils réalisent après quelques jours qu’ils viennent tous les deux de Dijon, du même quartier et qu’ils ont fréquenté les mêmes écoles, tout ça sans jamais se croiser…
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Alors qu’il est encore étudiant, Yves travaille dans des stations de ski pendant les vacances d’hiver : posté en bas des pistes, il aide les gens à s’installer sur les télésièges. Le travail est bien monotone jusqu’à ce qu’il remarque un visage qui devient familier, celui de Martine, une jeune fille qui ne descend et remonte que cette piste-là…
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Célestine remarque pour la 1ère fois Ernest pendant la kermesse de l’école, ils ont… 9 ans. Elle n’oublie pas ce garçon qui avait tout fait pour la faire rire et le recroise quelques années plus tard dans le quartier Montchapet alors qu’il se promène en solex. Après être passé et repassé maintes fois devant elle, une histoire d’amour débute alors qu’ils ne sont qu’adolescents, et dure depuis près de 50 ans…
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Il y a plus de 40 ans, Xavier, pilote d’avion, est depuis plusieurs heures dans les airs quand il entend une voix derrière lui : « voulez-vous un café monsieur ? », il se retourne et croise le regard de Nathalie, l’hôtesse qui s’est adressée à lui. « On s’aime depuis cet instant-là ».
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Peu après la guerre, Joseph, un jeune chirurgien d’une grande timidité, refuse toujours d’opérer en présence des rares filles de la fac de médecine. Une externe décide un jour de le tester et s’introduit dans le bloc opératoire comme aide. Au grand étonnement du reste de l’équipe, Joseph accepte pour la première fois une présence féminine et exécute l’opération sans broncher, c’est que Anne-Marie semble « ne pas être comme les autres ». Une histoire d’amour qui a longtemps vécu. (Le patient aussi).
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Pendant ce qui devait être un bref échange linguistique en Angleterre, Hélène fait tomber son sac de course sur le trottoir, un jeune anglais vient alors l’aider à tout rassembler. À ce moment-là elle ne bredouille que trois mots d’anglais et Mark pas un seul de français, pourtant Hélène n’a plus quitté ni l’Angleterre ni Mark depuis…
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Cécile se remet difficilement d’une déception sentimentale et patiente dans la file d’attente d’un magasin quand elle entend une voix lui demander ce qui ne va pas. Christian insiste pour qu’elle ne garde pas son chagrin pour elle et pour cause, il vit lui aussi une rupture difficile. Une heure plus tard, Cécile et Christian repartent ensemble et promettent de ne pas se quitter. Promesse tenue.
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Micheline et Jacqueline sont deux jumelles absolument identiques et qui jouent de leur ressemblance dans les soirées du Casablanca des années 50. Pendant une escale dans le port, Jean, un jeune officier de marine ne se trompa pourtant pas et après avoir invité la première à danser, il invite la seconde puis la demande en mariage deux jours plus tard seulement, juste avant de lever l’ancre pour plusieurs mois. « Identiques pour tout le monde sauf pour moi… ».