Ludovic Rochette : « En Côte-d’Or, plus de 60 communes ont changé de maire depuis 2014 »

 

« Arrêtons d’emmerder les collectivités. Ne remettons pas en cause leur autonomie financière. Cessons de vouloir faire toujours mieux et partout pareil. » En cette rentrée, Ludovic Rochette, le président de l’association des maires de Côte-d’Or n’y va pas avec le dos de la cuillère. L’élu de Brognon, vice-président du Conseil départemental de la Côte-d’Or, donne également dans cette interview son point de vue sur les prochaines élections municipales à Dijon et sur les sénatoriales qui suivront.

Dijon l’Hebdo : En France, un millier de maires ont volontairement abandonné leur fonction depuis 2014. Comment vivez-vous cette situation en Côte-d’Or ?

Ludovic Rochette : « Toutes ces démissions ne constituent pas véritablement une surprise. Il faut y voir une des conséquences de la loi NOTRé qui a mis en évidence deux types de communes : celles qui participent à des exécutifs dans les intercommunalités… et les autres qui n’y participent pas et dont les maires se sentent, d’une certaine manière, mis à l’écart. On peut donc comprendre qu’ils se sentent dépossédés de compétences mais aussi de décisions.

Les effets néfastes de la loi NOTRé, on les avait pressentis. Il faut que ces municipalités reprennent du poids dans les intercommunalités. Ces dernières doivent  être au service des communes et non pas s’y substituer. Il faudra, à un moment, un point d’étape sur les effets de cette loi. A force de vouloir faire trop grand, les habitants, les élus se trouvent souvent éloignés des décisions. Vous ajoutez les difficultés financières que rencontrent les communes et vous avez là les deux gouttes qui ont fait déborder le vase. »

DLH : Pensez-vous que certains de vos collègues pourraient lâcher prise dans les mois qui viennent ?

L. R : « En Côte-d’Or, on a constaté 37 % de plus de démissions de maires entre 2014 et aujourd’hui que lors du précédent mandat sur la même période (ndlr : 2008 – 2014). Au niveau national, c’est 55 %.

Dans le département, cela représente un renouvellement des maires dans plus de 60 communes. C’est là que je suis convaincu que des associations d’élus comme l’AMF ont un rôle « importantissime » d’alerte auprès de l’État mais aussi des parlementaires parfois un peu « hors sol » en raison de leur mandat unique.

Pour endiguer ce mouvement de plus en plus profond, il faut que l’État prenne la mesure de la situation et traite ce mal être. Il faut que la commune joue pleinement son rôle au sein de l’intercommunalité qui se doit, elle-même, d’être au service des communes. En cas de réforme territoriale, c’est plus qu’un retoilettage que nous attendons. On souhaite des réformes qui ne scindent pas nos territoires en différentes strates. »

DLH : Fallait-il pratiquer la politique de la chaise vide telle le 12 juillet dernier lors de la dernière conférence nationale des Territoires ?

L. R : « Il est utile de rappeler que toutes les chaises ont été occupées lors de la première conférence. Nous avions quitté cette réunion, organisée après l’élection du président Macron, avec un véritable espoir après le mandat de François Hollande durant lequel un effort avait été demandé à l’ensemble des collectivités. Effort que l’État, proportionnellement, ne s’imposait pas à lui-même. Il n’y a rien de pire que des efforts injustes.

Nous étions prêts à jouer le jeu. On y a cru mais on s’est vite aperçu que le dialogue faisait défaut.

Emmanuel Macron a fait un bon diagnostic d’ensemble mais sa méconnaissance du terrain local ne pouvait évidemment pas coller avec nos attentes. Imposer le principe du 1,2 % pour les dépenses a été mal perçues par les collectivités qui ont eu le sentiment d’être traitées comme des mauvaises gestionnaires. C’est aussi un non sens en terme d’investissements qui seront de facto limités. C’est aussi une mauvaise nouvelle pour les Travaux publics et le Bâtiment qui représente les 2/3 des investissements publics en France. »

DLH : Le prochain congrès des maires de France pourrait donc avoir une résonance bien particulière ?

L. R : « Le congrès des maires de France en novembre revêtira une importance particulière. Il se situera comme une éventuelle ligne de rupture. Est-ce qu’on a encore la chance d’avoir un Etat qui veut dialoguer avec ses collectivités ? C’est ce que l’on souhaite mais il faudra nous en faire cette fois la démonstration. Nous sommes en capacité de faire des propositions en terme d’adaptation. »

DLH : Les prochaines élections municipales approchent. Elles se dérouleront en mars 2020. N’y a-t-il pas un risque de carence de candidats dans les plus petites communes ?

L. R : « Je n’y crois pas. En France, on est attaché à sa commune et les bonnes volontés ne manqueront jamais. Dans les renouvellements opérés en Côte-d’Or depuis 2014, on voit apparaître beaucoup de femmes (57%). Par contre, je pense que l’on va inexorablement vers des rapprochements de communes et des créations de communes nouvelles. La commune doit rester la base de notre système même si on mesure la nécessité de la réformer pour la moderniser. »

DLH : A Dijon, les appétits s’aiguisent dans les rangs de la droite. Une candidature s’est déjà déclarée pour les prochaines élections municipales qui se tiendront en mars 2020. La situation est tout aussi complexe que compliquée avec de nombreuses divisions. Comment évaluez-vous la situation ?

L. R : « Le temps politique présente la particularité d’être très court ou très long. Je comprends que certains aient envie d’accélérer ce temps. Pour une élection municipale, il y a d’abord une base. Cela s’appelle un programme. Il ne faut donc pas prendre l’exercice à l’envers. Quel programme ? Avec qui ? Et « qui », c’est une équipe avec un leader. Que chacun ait de l’ambition, c’est bien, c’est sain. Moi je souhaite que le programme qui sera proposé aux Dijonnais ne soit pas un programme anti François Rebsamen. J’apprécie l’homme et je ne m’en cache pas. Je souhaite qu’on se penche sur la qualité de vie, le bien vivre ensemble, l’environnement, la mobilité, la sécurité… Si on arrive un programme qui prend en compte ces dimensions, l’élection, elle est gagnable.

On a besoin aujourd’hui d’une motrice, pas forcément tête de liste, pour organiser cette campagne en tentant de gommer les divisions. Celui qui me semble être l’homme de la situation, c’est bien sûr Rémi Delatte qui est le président des Républicains, le député de la 2ecirconscription. C’est le mieux placé pour donner le ton de cette campagne. »

DLH : Il y a des noms qui circulent. Le vôtre revient régulièrement pour conduire la liste de la droite et du centre en mars 2020. Vous confirmez ?

L. R : « C’est un compliment auquel je suis sensible. Mais je le répète : le moment n’est pas à des annonces personnelles. Le plus important, maintenant, c’est de se mettre d’accord sur la façon dont on imagine Dijon dans 10 ans, 20 ans, 30 ans… Je verrai ensuite si je participe à cette aventure. Vous noterez que François Rebsamen partage aussi cet état d’esprit. »

DLH : « Une autre consultation électorale suivra les municipales : les sénatoriales. Ludovic Rochette, président de l’association des maires de Côte-d’Or, ne serait-il pas tenté de rejoindre le Palais du Luxembourg ? Là encore, votre nom circule…

L. R : « C’est prématuré. Néanmoins cela pourrait être le moyen de défendre la conception que j’ai aujourd’hui de la commune… »

Propos recueillis par Jean-Louis Pierre