« François Hollande n’aimait pas les collectivités locales. Au cours de son quinquennat, jamais les dotations financières aux communes, départements et régions n’ont autant baissé. Pour le seul Département de la Côte-d’Or, le manque à gagner s’élève à 28 millions d’euros par an.
Et en matière de collectivités territoriales, Emmanuel Macron s’affiche comme le digne héritier de François Hollande. Il a décidé, lui, de mettre les collectivités sous tutelle.
Quand Français Hollande avait fait le pari d’une baisse des dotations, la méthode Macron est agressive et perverse sur la forme comme sur le fond.
Agressive parce l’Etat a fait le choix de plafonner le budget des 322 collectivités locales les plus importantes. Le montant des dépenses est fixé par les préfets à 1,2% de plus par rapport à 2017 alors que, dans le même temps, les dépenses sociales imposées par le Gouvernement augmentent de 3%. Avec cette contractualisation qui n’a de contrat que le nom, c’est le préfet qui notifie leur budget aux exécutifs locaux. C’est un recul incroyable de la décentralisation, un retour avant 1982, quand le pouvoir central décidait tout depuis Paris.
Perverse parce que sous couvert de limiter la hausse des dépenses locales, c’est l’investissement local qui va trinquer alors que l’Etat laisse filer sa dépense et continue de prélever toujours plus dans la poche des contribuables. Emmanuel Macron va ni plus ni moins obérer les investissements de toutes les collectivités locales. Et pas seulement des 322 plus importantes. Comment peut-on croire que les départements vont pouvoir continuer de soutenir les communes et les territoires alors même que l’Etat les remet sous tutelle et les étrangle financièrement ?
Or, les investissements des collectivités locales représentent près des trois quarts de l’investissement public. En limitant l’investissement public local, Emmanuel Macron pénalise toute l’économie et toutes les entreprises.
Voilà pourquoi j’ai décidé de ne pas signer ce contrat avec le représentant de l’Etat. J’ai refusé de parapher ce qui s’apparente à un marché de dupes, où la seule négociation possible était de déterminer la tension de la corde avec laquelle l’Etat veut pendre les collectivités.
Si je signe, l’Etat récupère 75% de la somme supérieure aux dépenses qu’il m’a notifiées. Si je ne signe pas, il en récupère 100%. Comme je n’ai pas signé, si les dépenses de fonctionnement du Conseil départemental de la Côte-d’Or dépassent de 100 euros la somme arrêtée par le Préfet, ces 100 euros seront reversés à l’Etat. Si j’avais signé, ce sont 75 euros qui seraient récupérés par l’Etat.
J’ai clairement affirmé, dès le départ, qu’il n’était pas question qu’un euro des Côte-d’Oriens retourne dans les caisses de l’Etat, ni que nous renoncions à nos missions.
Ce qui nous a conduits à faire des choix forts et courageux. Des choix rapides aussi, le budget 2018, voté en décembre 2017, étant déjà engagé aux trois quarts. Ces choix, je les ai rendus publics lors d’une conférence de presse, lundi 10 septembre, en présence de tous les élus de la majorité départementale et après avoir rencontré tous les maires du département à Fontenay.
Le préfet m’a finalement notifié un budget de 457 826 102 euros. Pas 458 millions d’euros. Non, exactement 457 826 102 euros. Il a fait le travail demandé par le Gouvernement, sans marge de manœuvre.
Ces 457 826 102 euros représentent très précisément le budget de fonctionnement de 2017 auquel on a ajouté 5,5 millions d’euros, soit la stricte hausse de 1,2% imposée par l’Etat.
Le problème, c’est que dans le même temps, nos dépenses vont augmenter, mécaniquement, de 16,5 millions d’euros, inflation comprise, et notamment les dépenses sociales, décidées par l’Etat. Citons, pêle-mêle, 4,3 millions d’euros de plus pour le RSA, 1 million d’euros de plus pour la prestation compensatoire du handicap (PCH), 1,3 million d’euros de plus pour les mineurs non accompagnés (MNA)…
L’équation est donc extrêmement simple : il va falloir trouver, dès 2018, 11 millions d’euros d’économies ! 11 millions d’euros d’économies à réaliser en quatre mois !
Nous aurions pu utiliser la technique du rabot et couper 10 % partout. Nous aurions également pu décider de fermer des structures territoriales ou renoncer à l’aide aux communes et aux associations.
Ce n’est pas la voie que nous avons décidé d’emprunter. Nous n’avons pas voulu d’un budget de repli.
La gauche ne le dit pas mais nous voulons d’abord clarifier nos relations avec l’Etat. Tout ce qui relève des compétences de l’Etat devra dorénavant être assumé par l’Etat. C’est le cas de la gestion des MNA qui deviendront adultes dans l’année. L’Etat devra les prendre en charge. Cela représente 59 jeunes.
Nous avons décidé de revoir toutes nos actions et politiques relevant de l’Etat. Ce travail sera affiné dans le cadre de la préparation de notre prochain budget. L’Etat doit savoir que, désormais, le Département financera uniquement ce qui relève de ses compétences.
Concernant notre présence territoriale, nous la maintiendrons. Nous ne fermerons aucun collège, aucun Accueil solidarité famille, aucun centre de secours, aucun centre routier mais nous veillerons à optimiser leur organisation. Les services du Département présents dans les territoires sont autant d’éléments qui participent à l’attractivité de la Côte-d’Or. Le Conseil départemental ne conduira pas une politique de déménagement du territoire.
Ensuite, nous allons poursuivre les efforts d’efficience engagés dans la gestion des services départementaux et de nos politiques. Je regrette que les économies déjà réalisées n’aient pas été prises en compte par l’Etat. Ces efforts devront être partagés par nos partenaires.
Dans le domaine social, nous allons renégocier tous nos contrats ou conventions pluriannuels. Pas « pour libéraliser et réduire l’action sociale au détriment des usagers et de la qualité d’intervention des travailleurs sociaux », comme l’affirme l’opposition, mais bien pour identifier les droits et obligations de chacun et optimiser notre gestion et nos engagements financiers. En un mot, s’assurer de leur pertinence.
Le Conseil départemental restera le garant des solidarités humaines mais également territoriales. Ainsi, il n’est pas question d’abandonner les communes et les territoires. J’ai dit aux maires et aux élus locaux que les dispositifs départementaux d’intervention en direction des communes et des groupements de communes seront sacralisés. Mais nous allons passer à une logique de projets. L’opposition appelle ça « saupoudrage » quand nous parlons d’aménagement du territoire et d’investissements structurants.
De nombreuses collectivités locales seront contraintes de réduire leurs investissements pour se conformer à la nouvelle tutelle financière de l’Etat. Le Conseil départemental de la Côte-d’Or entend, lui, continuer à investir. Même si nous serons obligés de lisser certains investissements dans une logique pluriannuelle.
Les investissements dans le très haut débit et dans les routes seront maintenus. Ils sont indispensables en tant qu’outils d’aménagement de nos territoires. Les travaux déjà engagés dans les infrastructures, rocade de Beaune, rocade de Mirebeau, pont de Lamarche-sur-Saône, seront menés à terme.
L’accent sera dorénavant mis sur l’entretien des équipements existants. Le Département ne peut plus faire davantage avec de moins en moins d’argent. Ainsi, le projet de musée archéologique d’Alésia est reporté. Ce beau et ambitieux projet n’est pas réalisable dans les conditions financières actuelles. Pour les collèges, là aussi, nous passerons d’une logique de guichet à une planification pluriannuelle des travaux.
En matière agricole, toutes les aides prévues dans le cadre de l’accord-cadre pluriannuel seront maintenues jusqu’au terme de l’accord. Pour l’eau et l’assainissement, le Département ne financera plus ce qui relève des agences de l’eau. Toutes nos futures politiques agricoles et environnementales seront désormais étudiées sous le prisme de notre Stratégie d’adaptation au changement climatique.
Dans le domaine culturel, une logique de projet succédera aux traditionnelles aides au fonctionnement. En matière de sport, l’accent sera mis sur le sport pour tous. Pour le sport de haut niveau, un effort sera demandé même si le Conseil départemental restera présent ponctuellement.
Le Conseil départemental a été amené à faire des choix courageux pour continuer d’être présent aux côtés des communes, des territoires et de tous les Côte-d’Oriens.
Reste que la méthode a des limites. En 2018, les décisions fortes que nous avons prises nous permettront de rester dans les clous imposés par l’Etat.
A partir de 2019, la situation pourrait devenir plus problématique. Alors que le Département est « à l’os », ce sont les investissements qui pourraient trinquer. Et c’est surtout cela qui est choquant et inadmissible. Car, oui, on ne peut pas faire durablement autant avec moins… »
François Sauvadet
Ancien ministre, Président du Conseil départemental de la Côte-d’Or