Refrain de l’été – au sens premier du terme, tant il nous fut rabâché – en prélude à ce « Clairon » de la rentrée… C’est l’été, le bel été vu sur TF1, France 2 and co. On baigne dans la métaphysique des escapades et des incartades de ces estives humaines 2018 !
– Le journaliste : « Vous voilà donc dans les bouchons, en pleine chaleur ? »
– Famille Quidam interviewée : « Oui, quelle horreur pour ce début de vacances ! En dépit des bouteilles d’eau, on a crevé de soif. Et puis, heureusement, on a pu s’arrêter ici et acheter des salades César pour nous rafraîchir un peu… On va arriver lessivés sur la plage ! »
Waouh ! César n’est-il plus que l’imperator de la laitue et des copeaux de parmesan ? Oui-oui. L’idée d’une France coupée en deux alimente les neurones des esprits de nos dirigeants dits « progressifs »: d’un côté, le Français lambda, ringard et bac -4, qui revient forci, béat, bronzé de ses vacances, alors que les visages pâles estampillés « gagneurs ENA ou Sciences Po » aperçus au sortir du premier conseil des ministres de rentrée sont un rappel à l’ordre moral du style « C’est qui le patron ? ».
Certes le gouvernement a bien du pain (noir) sur la planche : les épineux dossiers des retraites ou de la santé, la cascade de réformes liées à la révision de la Constitution ou encore à la refonte de l’assurance chômage. Autre gros souci de rentrée : comment dépasser cette phase de démolition et restaurer le lien de confiance avec la classe sociale moyenne, les petits patrons et le peu qu’il reste du monde ouvrier ? Que réserve septembre à un Jupiter chauffé à blanc tout l’été par une actualité torrriiide ?
Depuis Brégançon, sorte de Fort Boyard amélioré, notre fringant Président a eu à franchir bien des Rubicon. Tels que ? La piscine hors sol à 35 000 € – pour lui éviter les baignades à la plage. Première vague de maladresse au regard d’une diminution des allocations APL et autres que le Premier Ministre entend mettre en place. Quant à l’affaire Benalla – digne d’un thriller politico-barbouze qu’auraient pu publier… les éditions Acte Sud -, elle traduit l’incapacité du Président d’articuler intelligemment sa conception de « gagneurs » à l’exercice de la démocratie ainsi qu’à l’univers de travailleurs payés au Smic.
Une France sans usine est en marche. L’été indien de septembre va exposer dans sa lumière un tandem Elysée-Matignon empêtré dans la difficulté d’exercer le pouvoir. Notre brillante victoire à la Coupe du monde aurait dû augurer un âge d’or… Or, on se vient de se prendre un redoutable carton rouge : les experts annoncent « un trou d’air dans l’économie française avec une moindre croissance de 1,7 % ». Ce trou d’air, on va l’avoir dans l’avion, avec un… pion venu du froid – plagions John Le Carré. Les membres du conseil d’administration d’Air France – l’Etat y est représenté – ont attisé l’ire des pilotes, furieux qu’on ait misé sur un bandit-manchot nommé Benjamin Smith, l’ex-numéro deux d’Air Canada !
Au-delà de ce tribalisme des dirigeants fondé sur une idéologie de « gagneur à n’importe quel prix », l’été 2018 passera à la postérité comme celui où les pouvoirs – politiques, économiques ou religieux – se sont lézardés. Et ce, de par le vaste monde. Ainsi l’église catholique se trouve « séismisée » par les graves affaires de pédophilie en Irlande, en France et aux USA. Le Pape dénonce ce scandale ouvertement. Sera-t-il entendu? On assiste à une fronde de prêtres français qui veulent la peau, ou plutôt la mitre, d’archevêques coupables de n’avoir rien dénoncé.
Autres péchés mortels d’un soleil noir d’août, la liberté et l’autonomie des femmes. En Argentine, il y a ce refus du Sénat de légaliser l’avortement au grand dam de citoyens qui ont renvoyé leur certificat de baptême. Que dire également du triste sort des Saoudiennes qui, en dépit du droit de conduire récemment accordé, se trouvent incarcérées pour avoir cru à… un nouveau tournant ? Les courants religieux intégristes, la confusion des idées, la bêtise, l’inquisition, l’égoïsme ne sont pas prêts d’opérer une marche arrière.
Un si grand soleil génère-t-il un trou de neurone ? La culture et l’économie occidentales sont-elles frappées de burn out ? Moins belle, la vie ? Le monde trinque… Une triste nouvelle vient de tomber : même le petit verre de rouge quotidien, longtemps prôné par nombre de médecins – et notamment un éminent professeur de l’Université de Bourgogne – ne serait plus bon du tout pour la santé. Mon envie de croire aux fées n’a jamais été aussi forte …
Marie-France Poirier