François Rebsamen : « Je voudrais faire de Dijon la première ville écologique de France »

 

Certes, il a perdu quelques kilos qu’il dit vouloir reprendre rapidement mais le regard est toujours aussi vif et le propos toujours acéré. Le sourire aussi. Ce sourire très expressif qui ponctue souvent une phrase. François Rebsamen est de retour, plus heureux que jamais de faire cette rentrée. Entretien.

 

Dijon l’Hebdo : Après quelques semaines d’absence liées aux soins que l’on vous a prodigués, quel est votre état d’esprit en cette rentrée ?

F. R : « Je suis heureux de revenir. J’ai même fait ma rentrée scolaire ce lundi matin avec les élèves des écoles primaires, leurs enseignants. Je reprends le flambeau et ma place à la mairie là où je l’avais laissée. Je sors d’une épreuve et je voudrais remercier l’ensemble des habitants qui m’ont adressé par centaines des messages de soutien et d’encouragement. Cela m’a beaucoup aidé. »

 

DLH : Avez-vous envie de bouger, voire même de bousculer certaines choses ?

F. R : « De bouger, oui évidemment. De bousculer, oui car on a toujours envie d’améliorer les choses. Il y a une actualité qui nous interpelle. Actualité que j’ai eu l’occasion de subir, à savoir les grandes chaleurs, la sècheresse, les aléas du climat… qui doivent nous questionner sur nos propres politiques publiques urbaines. S’il y a une chose que j’ai envie de bouger et de bousculer, c’est bien sur ce terrain là. On fait déjà énormément mais je voudrais faire de Dijon la première ville écologique de France. C’est une nécessité. Une priorité. Il ne faudrait évidemment pas qu’il n’y ait que Dijon mais si on peut servir d’exemple dans ce domaine, ce serait bien. »

 

DLH : Pierre Pribetich, pour Dijon Métropole, et Nathalie Koenders, pour la ville de Dijon, ont assuré un intérim impeccable où l’esprit de fidélité à votre égard a prévalu. Ca devient rare en politique, non ?

F. R : « C’est pour moi une grande satisfaction. Nathalie a montré sa capacité à assumer cette fonction. Elle l’a fait avec toutes les compétences qu’elle a et je me dis que si un jour quelqu’un devait me succéder, ce serait bien que ce soit elle. Pierre Pribetich, c’est du solide. Je le savais et j’en ai eu confirmation. Je ne voudrais pas oublier tous les adjoints, tous les élus de la majorité qui ont fait bloc, quelque soit leur sensibilité, autour de Nathalie à la ville et de Pierre à la Métropole, et autour de moi d’une certaine manière. Cela a encore renforcé la solidité de ce bloc majoritaire que nous avons ici à Dijon. Merci à tous ces élus qui ont tenu leur place et leur rôle ensemble dans un bon esprit pendant mon absence. »

Le temps des élections municipales viendra mais ce n’est pas le sujet majeur des habitants pour le moment »

 

DLH : Les municipales de 2020 commencent à agiter sérieusement vos opposants de droite. L’un d’eux s’est déjà auto-proclamé candidat, d’autres aimeraient que Rémi Delatte, le député de la 2e circonscription, se lance… De votre côté, comment pensez-vous gérer politiquement les 18 mois qui restent avant cette échéance électorale ? Et puis, serez-vous candidat à votre succession ?

F. R : « Je suis maire. La question ne se pose pas pour le moment. Je serai maire au minimum jusqu’à la fin du mandat puisque je suis revenu pour ça. Donc, j’assume pleinement cette fonction là. Et ça va bien car je trouve les gens satisfaits.

L’équipe municipale et moi-même, nous sommes dans l’action. Les autres sont dans les élections. Le temps des élections viendra mais ce n’est pas le sujet majeur des habitants pour le moment. J’ai l’habitude de voir beaucoup de candidats potentiels à droite… C’est bien d’être candidat mais c’est encore mieux d’avoir un projet pour sa ville. Quand on est candidat, c’est pour porter un projet pour une ville et ses habitants, avec une équipe autour de soi. Si c’est juste une aventure personnelle, en général, ça fait flop. »

 

DLH : Deux manifestations dijonnaises ont connu des fortunes diverses en cette période estivale. La première, les Fêtes de la Vigne, n’a attiré que trop peu de spectateurs pendant les 5 représentations qu’elle a données au Théâtre des Feuillants. N’est-elle pas devenue une manifestation qui n’est plus en phase avec son temps ?

F. R : « C’est une question que je me suis posée il y a déjà fort longtemps. Ce dont je m’aperçois aujourd’hui, c’est que les Fêtes de la vigne place de la Libération, dans la rue, au contact avec la population, ça marche. Les gens sont contents de voir des groupes folkloriques venant de différents pays, de différentes régions, de différents territoires. Cela donne de la vie et de la chaleur à la ville. Par contre, ce qui ne marche pas, et ce n’est pas nouveau, ce sont les représentations fermées dans un théâtre. J’en avais parlé, en son temps, à l’ancien maire Robert Poujade. Les Fêtes de la vigne, elles doivent se faire dehors, dans la ville. C’est dans cette direction que cela doit évoluer. »

Je ne souhaite pas avoir un rôle actif dans le parti socialiste »

 

DLH : L’autre manifestation, elle fait le plein. C’est le Brunch des Halles qui, cette année encore, suscite un formidable engouement. De bon augure avant le lancement de la Cité internationale de la Gastronomie et du Vin ?

F. R : « Oui. C’est un succès qui me surprend car, même pendant la canicule, les gens allaient au Brunch. Cette manifestation a fait systématiquement le plein. C’est bien la preuve qu’il y a, à Dijon, une attente pour la gastronomie. Cela se traduit aussi par le nombre de restaurants qui ouvrent. Il y a même un étoilé de l’Yonne qui est venu s’installer à Dijon. C’est bon signe pour la Cité de la Gastronomie et du Vin. Je suis sûr qu’elle va marcher. »

 

DLH : Le fait que vous ayez ouvert l’Université d’Eté du PS à La Rochelle signifie-t-il que vous entendez jouer un rôle majeur dans la reconstruction du PS ?

F. R : « Oh non, je vais laisser ça à d’autres mais je tiens quand même à faire part de mon expérience. Je veux bien donner des conseils mais je ne souhaite pas avoir un rôle actif dans le parti socialiste. Je m’occupe déjà des élus en tant que président de la fédération nationale des élus socialistes et républicains. Je m’exprime. Quand je trouve que le Parti socialiste fait bien les choses,   je le dis. Si ce n’est pas bien, je le dis aussi. Je suis un homme libre. Encore plus maintenant. »

 

DLH : Il y a un peu plus d’un an, dans ces colonnes, après la défaite de François Hollande, vous aviez dit qu’il fallait « refaire le PS du sol au plafond ». Mais avant d’entamer et de poursuivre les travaux, êtes-vous bien sûr que la maison est suffisamment solide sur ses fondations ?

F. R :« Oui. Le nouvel endroit où va s’installer le Parti socialiste va bénéficier de nouvelles fondations… Plus sérieusement, c’est avant tout une question de convictions. Quelle est la place aujourd’hui de la social-démocratie, du socialisme de gouvernement qui accepte de se mettre les mains dans le cambouis pour redresser la situation – comme l’a fait François Hollande de 2012 à 2017, dans un pays comme la France ? Il y en a une entre le populisme et le néo-libéralisme d’Emmanuel Macron. Je ne parle pas de la droite qui s’acoquine avec le Front national. Il nous faut récupérer l’électorat qui, de bonne foi, est parti chez Emmanuel Macron pour éviter que ce soit Marine Le Pen ou Jean-Luc Mélenchon qui l’emportent à la dernière présidentielle. On verra ensuite ce que les époques fourniront comme hommes ou femmes capables de porter ces grands projets. Mais je suis convaincu qu’il y a une place à occuper. »

L’Europe est un espace de paix, de valeurs universelles et doit le rester sans céder à cette tentation de repli nationaliste »

 

DLH : Vous avez évoqué François Hollande. Son retour au premier plan est-il envisageable ?

F. R :« François Hollande, je le vois, on échange souvent au téléphone… il ne se pose pas la question comme ça. Il fait de la politique tout le temps. Il n’a jamais cessé de faire connaître ses positions, de prendre le temps d’expliquer, de reconnaître les erreurs qu’il a pu commettre durant son quinquennat. A contrario, quand on voit ce qui se passe avec Emmanuel Macron, cela permet de valoriser le bilan. Qu’il continue, il est utile quand il parle.

Quant à un retour au premier plan comme vous dites, cela sous-tend la présidentielle. Ce n’est pas le sujet aujourd’hui. Il y a d’autres élections d’ici là. On a le temps. »

 

DLH : Arrogant, méprisant, narcissique, amateur, soumis aux lobbys… Les qualificatifs peu amènes pleuvent sur Emmanuel Macron. Vous les partagez ?

F. R : « Je ne parlerai pas de l’homme. Je veux bien parler de la politique d’Emmanuel Macron mais je n’ai pas à qualifier le Président de la République. Je respecte la fonction contrairement à d’autres. »

 

DLH : Qu’est-ce qui vous gêne le plus dans la politique d’Emmanuel Macron ?

F. R : « Le fait qu’il ait trahi ses engagements. Le fait que la politique qu’il mène ne va pas dans l’intérêt de la France. Le fait qu’il ait contribué, par des décisions hasardeuses et mal préparées, à casser la croissance qu’on lui a laissée et à laquelle il avait d’ailleurs pris part. Je rappellerai que l’année dernière, contrairement à tous les oiseaux de mauvais augure, le déficit n’a jamais été aussi faible. Mais Emmanuel Macron a voulu immédiatement remercier ceux qui l’avaient soutenu, les banquiers et les gens les plus riches de ce pays. Il a ainsi pénalisé le pouvoir d’achat des Français au profit des plus riches, rompant par là-même une sorte de pacte républicain. La fin de l’ISF tel qu’il existait, c’est 35 milliards de moins pour le quinquennat dans les finances publiques et on en aurait bien besoin aujourd’hui plutôt que de demander aux retraités des efforts sur la CSG, par exemple.

C’est une politique néo-libérale. Ca ressemble à du Giscard de l’époque, sans l’accordéon. »

 

DLH : Les démissions des maires se multiplient depuis déjà quelques années mais elles s’accélèrent depuis l’élection d’Emmanuel Macron. Comment expliquez-vous cette situation pour le moins inquiétante ?

F. R : « Emmanuel Macron a un défaut majeur : il pense qu’il est meilleur que tout le monde. La verticalité qu’il a voulue mettre en place, c’est de s’attaquer aux corps intermédiaires. Les représentants des organisations syndicales, patronales, les médias, les associations… mais aussi les collectivités locales. Et là, franchement, il a tout faux. Certainement parce qu’il ne connaît pas. Il n’a jamais été élu auparavant. Il nous considère comme des corps intermédiaires inutiles, dangereux, voire dépensiers. Et c’est nous qui devons faire les efforts à la place de l’État. La contractualisation à la mode Philippe-Macron est un carcan qui s’apparente plus à un contrôle qu’à une initiative partagée comme nous l’attendions.

Beaucoup d’élus espéraient qu’Emmanuel Macron allait créer une nouvelle dynamique avec les collectivités locales. En réalité, ils nous demandent plus d’efforts que François Hollande et Nicolas Sarkozy en avaient demandé. 10 milliards d’euros ont été consentis sous François Hollande et là il nous demande 13 milliards dans un cadre qui, en plus, porte atteinte à notre liberté. Je ne taris pas de critiques sur cette méthode. Je n’ai pas manqué de le dire en personne au Premier ministre. Je pense que c’est mauvais pour la France.

Les villes, les départements et les régions n’ont pas le droit d’augmenter de plus de 1,2 % les dépenses de fonctionnement. Et, en même temps, on s’aperçoit que le déficit de l’État est passé de 65 à 82 milliards d’euros. Emmanuel Macron ferait bien de commencer par balayer devant sa porte et de respecter l’autonomie des collectivités locales. C’est ça mon combat. »

 

DLH : Les élections européennes se profilent. Pensez-vous qu’elles pourraient se traduire par un référendum anti-Macron ?

F. R : « Ca serait dommage, n’en déplaise à Jean-Luc Mélenchon. Je ne souhaite pas que l’élection européenne soit un référendum anti-Macron. C’est un enjeu important et Emmanuel Macron a beau dire « c’est moi ou le chaos populiste », il y a des alternatives à des politiques qui ont été menées depuis longtemps sans pour autant jeter l’Europe en pâture et en oublier les fondements. L’Europe, il faut le redire, ce que fait très bien d’ailleurs le Président de la République, c’est la paix. On a construit un continent où règne la paix depuis 70 ans. Les peuples qui discutent, les gouvernements qui travaillent ensemble, même s’ils ne partagent pas les mêmes sensibilités, ont cet objectif de paix. Et le nationalisme, c’est la guerre. C’est François Mitterrand qui avait eu cette formule au Bundestag. L’Europe qui se construit, avec tous ses défauts, c’est la paix. Je suis un Européen convaincu. J’aimerais une Europe plus proche des gens, plus démocratique… L’Europe est un espace de paix, de valeurs universelles et doit le rester sans céder à cette tentation de repli nationaliste qu’on voit apparaître en Italie, en Hongrie et même en Suède… et peut-être même chez nous bientôt. Soyons vigilants. »

 

DLH : Aimeriez vous qu’un de vos proches, élu dijonnais, soit candidat à ces élections européennes ?

F. R : « Si un de mes proches dijonnais souhaite être candidat, je le soutiendrai ».

 

DLH : A la différence de la région Bourgogne – Franche-Comté, Dijon et sa Métropole occupent toujours une bonne place dans les sondages et autres classements établis par les différents médias nationaux et ce quelque soient les thématiques. Vous devez en retirer une belle fierté ?

F. R : « Oui, c’est vrai. C’est même devenu une addiction. C’est un réel plaisir de découvrir comment est classé notre CHU, notre Université, la ville dans sa dimension sportive, culturelle, touristique, dans son offre de logement. Sur ce sujet, j’en profite pour dire à ceux qui critiquent notre politique en la matière, le logement va bien. Tous ces classements, même si chacun n’a évidemment pas la vérité révélée, montrent une belle dynamique et une grande fierté pour ceux qui y contribuent. »

Propos recueillis par Jean-Louis Pierre