Que connaissait-on de Vercingétorix avant la magistrale biographie que lui a récemment consacré l’historien et archéologue Jean-Louis Brunaux, auteur de passionnants essais sur les Gaulois, les druides et leur civilisation dont il est un des plus éminents spécialistes ?
Du prince gaulois qui a défié César, on savait peu de choses : un célèbre inconnu en somme. Il est vrai que sa figure était peu apparue avant le XIXe siècle et le grand Michelet, lui-même, considérait que Vercingétorix n’existait pas, qu’il s’agissait là d’un titre équivalent à « généralissime » . « Le Vercingétorix » écrivait-il !
« La Guerre des Gaules » évidemment ; quelques monnaies à son effigie et son nom ; Dion Cassius, auteur grec postérieur de deux siècles à la bataille d’Alésia, qui apporte la contradiction à César et trouve ses sources chez les contemporains de l’Imperator : voilà toutes les traces, ou presque, d’un homme exceptionnel, athlétique, redoutable, chef de guerre et grand leader charismatique dont l’intelligence stratégique et politique était aigüe .
Digne héritier de Celtill, son père, lequel avait remis au premier plan la Gaule des Arvernes très affaiblis, « élève » de César dont il fut l’otage dans le quartier général du chef romain (comme caution de l’alliance entre les peuples), trois années durant lesquelles il observa et apprit le fonctionnement de la machine de guerre romaine, Vercingétorix va se battre pour la liberté commune de 45 peuples de l’Ouest voulant garder leur indépendance et leur liberté, à l’opposé des Eduens (dont le territoire couvrait l’actuel Morvan) soumis à la puissance romaine.
Il est le plus ancien exemple d’une résistance couvrant un aussi vaste espace géographique constitué par les territoires de dizaines de peuples dispersés issus de la Gaule, de Belgique, d’Allemagne et de Suisse rassemblés par la volonté d’un seul homme et son intelligence stratégique. Il lève une armée de 250 000 hommes aguerris au combat et courageux .
Courageux et méprisant la mort en bons élèves instruits par ces druides, philosophes proches de la pensée de Pythagore qui croyaient à la réincarnation. Si bien que peu avares de leur vie au combat les Gaulois furent de redoutables guerriers. Vercingétorix, préférant la mort à la servitude, n’éprouvera pas de difficultés à se rendre à César .
Reste à expliquer pourquoi et comment une telle force militaire, une société en plein essor économique, remuante et ouverte au monde, cédera finalement devant deux poignées de légions romaines.
Exploitant les découvertes les plus récentes de l’archéologie, Jean-Louis Brunaux apporte des réponses aux questions de nos origines et éclaire d’un jour nouveau l’histoire d’un personnage essentiel, symbole d’unité, jusque là « enfermé dans une histoire qui n’est pas la sienne ». En tout point passionnant.
Pierre Pertus
Vercingétorix, par Jean-Louis Brunaux.
Biographies Gallimard – 22 euros.
En vente chez Gibert Joseph.