Le Clairon – ’AQUARIUS’’ OU ‘’LIFELINE’’ : L’Europe brille ses vaisseaux

 

Le chiffre est parlant : soixante millions de personnes ont quitté leurs pays respectifs, bien souvent par voie maritime. Et, pour beaucoup, à bord d’embarcations pourries ou de rafiots d’infortune. C’est là un record. On s’en doute : leur destination n’était pas le Club Med ! A la veille des vacances, et sans vouloir accrocher un cumulo-nimbus à la météo de l’été, il serait salutaire d’observer un temps de réflexion et de se dire que le littoral ou la plage  n’a pas la même connotation, selon qu’on est adolescent français ou jeune réfugié libyen. Avec ou sans l’‘’Aquarius’’ et le ‘’Lifeline’’, l’émigration chronique à laquelle nous sommes confrontés, qu’elle soit d’ordre politique ou économique, est un naufrage. Et le quasi refus d’accueillir  ces bateaux dans nos ports va finir par envoyer par le fond cette vieille carcasse d’Europe avec son équipage désuni des 28 états-membres.

Regardons les choses en face : la gestion de l’immigration et de l’intégration en France est loin d’être un modèle de réussite. Selon un récent sondage du Figaro, 75% des lecteurs  se sont montrés favorables à la création de centres d’accueil des migrants, mais en dehors de l’espace Schengen. Voilà qui traduit la crainte de nous voir spoliés de la spécificité de nos villages gaulois, celtes ou vikings … Qui peut nous en blâmer ? Les média parisiens, les cercles des béats, les penseurs de salon qui jouent les bons samaritains, tant qu’on ne leur demande pas un engagement un tant soit peu personnel. Tel que, par exemple ? Loger chez soi un ou deux réfugiés, les accompagner dans l’apprentissage de notre langue et de nos institutions. Bref, c’est à qui s’indigne –  à juste titre d’ailleurs – du sort atroce de ces pauvres gens en déshérence totale… Qui osera dire que l’Occident est en partie le moteur de ces exodes massifs ? Qui osera poser un diagnostic et prescrire des remèdes qui ne manqueront pas d’amputer notre niveau de vie ainsi que notre confort? Dénonçons dans la foulée la politique interventionniste des états riches en Afrique pour protéger par leurs concessions d’uranium ou d’extraction des minerais, leurs cimenteries, leurs puits de pétrole ou leurs mines de diamants. Sans compter les ventes d’armes, d’avions de chasse, les liens économiques noués avec les potentats du Moyen-Orient ou du continent africain qui spolient leurs peuples. Sans compter aussi une Union Africaine – financièrement soutenue par l’ONU – qui tarde à prouver son efficacité en matière de maintien dans leurs territoires lesdites populations.  Ajoutez à la liste de ces errements, de ces méfaits – déclencheurs de l’émigration actuelle, notre besoin exacerbé de consommer toujours plus et par ricochet d’envoyer nos déchets se faire recycler dans les pays du tiers-monde. Et sans qu’on se soucie le moins du monde de polluer des populations entières, aggravant encore la misère locale …

Abordons deux autres facteurs aggravants liés aux guerres commerciales et technologiques entre les USA et le reste du monde: l’absence de volonté politique d’enrayer véritablement le réchauffement climatique ou celle d’endiguer la mainmise des consortiums européens, américains, indous, chinois  sur des territoires entiers- notamment en Ethiopie, Namibie, Côte d’Ivoire, Afrique du sud, ou à Madagascar… On en voit les effets notoires : privés de leurs terres, les villageois indigènes, les petits propriétaires ne peuvent plus pratiquer les cultures vivrières et sont ainsi chassés. Nous sommes les catalyseurs de ces exodes massifs, de cette géopolitique désastreuse. Nous, les pays riches, touchons à nos limites.  Car, l’Europe n’assurera pas l’avenir de la planète, en se bornant à l’installation de centres de rétention pour ces nouveaux boat-people, que ce soit chez elle ou de ses hors frontières. Attention, la côte d’alerte est atteinte! L’Europe brûle ses vaisseaux…

 Marie France Poirier