Restauration : « Laissez-nous travailler tranquille ! »

 

C’est en ces quelques mots bien sentis, que le Président Général de l’UMIH Côte-d’Or Patrick Jacquier et son vice-président Lionnel Petitcolas, se sont adressés aux fonctionnaires de l’Inspection du Travail, concernant leur « interprétation partiale », de la Législation du travail sur les jours fériés. Certains restaurateurs dijonnais ont en effet reçu une visite surprise mardi 1er mai 2018… Une première dans la cité des Ducs !

 

Quelle n’était pas leur surprise lorsque des restaurateurs dijonnais ont vu arriver inspecteurs et contrôleurs de la Direccte ce mardi 1er mai. Et pourtant, si on se rattache seulement au Code du Travail, l’article L3133-4 est formel, « Le 1er mai est un jour férié et obligatoirement chômé ». Toutefois, l’article L3133-6 de ce même Code vient nuancer ce dernier en spécifiant que « seuls les établissements et services qui, en raison de la nature de leur activité, ne peuvent interrompre le travail, sont autorisés à employer leurs salariés ». L’inspection du travail était donc en droit de procéder à des contrôles ce mardi 1er mai.

Cependant, dans la convention collective nationale des hôtels, cafés et restaurants, datée du 30 avril 1997, l’article 26-1 prévoit cette possibilité d’ouvrir son établissement et de faire travailler ses salariés le 1er mai, sous réserve de leur verser une indemnité proportionnelle au montant du salaire correspondant à cette journée. Une disposition souvent remise en question et pourtant réaffirmée par la Direction générale du Travail dans une note destinée à toutes les Direccte en date du 16 avril 2012. Le sénateur Jean-Baptiste Lemoyne, aujourd’hui secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, avait lui-même interrogé la Ministre du Travail de l’époque, Myriam El Khomri, en novembre 2015 sur « la confusion qui règne autour de la réglementation relative à l’ouverture des restaurants le 1er mai ». Cette dernière avait d’ailleurs répondu affirmant que « les établissements de restauration de toute nature, du fait de la nature de leur activité, participent à la continuité de la vie sociale en concourant à la satisfaction d’un besoin essentiel du public. À ce titre, les établissements entrent dans le champ de la dérogation au chômage le 1er mai tel que défini par l’article L3133-6 du Code du Travail » (réponse publiée dans le Journal Officiel du Sénatle 4 août 2016, page 3428).

 

« En 40 ans de carrière je n’ai jamais vu ça »

D’après l’UMIH de Côte-d’Or, une vingtaine de restaurateurs ont subi ce contrôle à l’heure du déjeuner ce mardi 1er mai. « Des restaurateurs choqués par cette démarche, qui se sont vu menacés d’une amende de 750 euros par salariés présents », nous explique Patrick Jacquier, président général de l’UMIH de Côte-d’Or. 15 jours après ce contrôle, certains restaurateurs ont reçu un courrier par lettre recommandée avec accusé de réception de l’inspection du travail que nous avons pu consulter et qui leur rappelle leurs droits et leurs devoirs en application des articles L3133-4 et L3133-6 du Code du Travail. Ce dernier fait état d’une amende, en application de l’article R3135-3 du Code du Travail informant que « le fait de méconnaître les dispositions des articles L3133-4 à L3133-6 et D3133-1, relatives à la journée du 1er mai, est puni de l’amende prévue pour les contraventions de la quatrième classe. L’amende est appliquée autant de fois qu’il y a de salariés indûment employés ou rémunérés ».

« Sur le fond, l’inspection du travail remet totalement en cause les acquis qui existaient jusqu’alors dans nos métiers, et sur la forme, il est regrettable que les contrôleurs n’aient pas pris en amont l’attache de notre organisme », commente Lionnel Petitcolas, vice-président de l’UMIH de Côte-d’Or. Toutefois, l’UMIH, qui a adressé un courrier à l’inspection du travail le 23 mai, s’interroge sur une possible « interprétation partiale des inspecteurs ». De son côté, l’inspection du travail que nous avons essayé de contacter n’a pas souhaité apporter de commentaire.

Antonin Tabard


Pascal Richebourg (L’Émile Brochettes) : « J’avais 70 réservations ce jours-là »

« Quand l’inspection du travail est arrivée, je n’ai pas été surpris, ça arrive. Pensant qu’ils faisaient la chasse aux travailleurs non déclarés, j’ai d’ailleurs tout de suite sorti le registre de mes employés pour leur présenter. Ça doit faire le dixième 1er mai que je travaille, en m’appuyant sur la convention collective, je n’ai jamais pensé pouvoir être dans l’illégalité. À 11 h 30, lorsqu’ils sont arrivés, seulement quatre de mes salariés étaient en poste. Ils ont pris leur identité mais n’ont pas voulu celle des salariés qui arrivaient entre temps. J’ai tenté de discuter avec eux pour en savoir davantage … D’ailleurs, eux ont visiblement le droit de travailler. J’ai pensé à fermer l’établissement mais je ne pouvais pas laisser les clients face à un simple mot sur la devanture. J’avais 70 réservations ce jours-là. Donc, j’ai pris la position de rester ouvert. De toute façon, j’aurais tout de même dû payer mes employés. Je n’allais pas, non plus, perdre le chiffre d’affaires de la journée et risquer des avis négatifs de clients mécontents. »