Le Musée Magnin fait partie des rares musées nationaux de province. Il est passionnant et spécifique à plus d’un titre. Installé dans l’hôtel particulier Lantin, l’un des plus beaux de Dijon, il abrite une collection d’environ 2 000 œuvres et objets d’art réunis au cours de leur vie par deux amateurs d’art, Maurice Magnin et sa sœur Jeanne. Il est doté de tout un potentiel à explorer. Voilà qui en fait un « musée d’avenir », pour reprendre l’expression de sa toute nouvelle directrice, Sophie Harent. L’un des tout premiers objectifs de la jeune femme, c’est de faire davantage connaître ce bel endroit des Dijonnais comme des touristes, grâce à une politique de dialogue et d’ouverture inédite.
Sophie Harent a quitté récemment le musée de Bayonne où elle était arrivée en 2011 : la réhabilitation des lieux comme leur réouverture demeurent problématiques. Elle a ainsi préféré aborder le terrain du musée Magnin en… pleine vie active ! Il n’empêche que ces deux musées présentent des similitudes, en dépit, certes, de disparités non négligeables. Tous deux ont été constitués à partir de collections privées d’amateurs ou d’artistes : Maurice et Jeanne Magnin pour le premier ; le peintre Léon Bonnat et les legs Howard-Johnston autour de Paul-César Helleu pour le second. Par leurs statuts, ni l’un ni l’autre ne peuvent prêter les œuvres.
A peine arrivée au musée de la rue des Bons Enfants, Sophie Harent n’a pas eu donc grande difficulté à prendre ses marques. La peinture italienne des 16 et 17es ne fait-elle pas, déjà, l’objet d’une nouvelle présentation, avec en vedette un merveilleux portrait de Bernardo Strozzi ? C’est là une belle réussite. D’autre part, la conservatrice envisage d’intensifier la portée de l’actuelle exposition des Fruits du Nouveau Monde consacrée aux artistes-voyageurs au 19e siècle, dont Jean-Baptiste Debret.
Tout au long de cet entretien, elle affichera clairement sa volonté de multiplier les conférences gourmandes et didactiques – animées par des chercheurs de l’INRA ou ceux du Centre des Sciences du goût et de l’alimentation, quitte à les ériger en rendez-vous plus réguliers : « J’envisage aussi d’élargir ce type de collaboration avec la future Cité internationale de la Gastronomie et du Vin, poursuit-elle. Cette politique d’échanges et de complémentarité avec d’autres acteurs du patrimoine culturel pourrait s’étendre – je le souhaite vivement – aux musées municipaux des Beaux-Arts, à celui de La Vie bourguignonne, ou encore au musée archéologique. Je noue même des contacts avec le Consortium. Le Musée Magnin doit, en effet, s’affirmer davantage sans se scléroser, afin d’établir un dialogue avec l’art contemporain ! La création d’un Dijon City Pass est à l’étude avec certains responsables du patrimoine payant de la cité. A nous, de saisir la balle au bond. Il faut réfléchir à une stratégie d’ouverture novatrice. »
D’autres chantiers envisagés par Sophie Harent ? En spécialiste du dessin européen et napolitain, elle entend offrir une plus grande audience à la remarquable collection de dessins acquise en grande partie à Drouot par les Magnin : « J’ai l’intention de m’attacher à organiser expositions et conférences ayant trait à notre département remarquable de dessins allemands, qui demeure trop méconnu. Nous allons procéder à un nouvel aménagement d’une partie des locaux, créer une bibliothèque d’études grâce à notre fond important de dossiers, manuscrits, de documentaires, de photographies, ou encore d’ouvrages rares. Sans oublier bien évidemment la récente et merveilleuse donation d’Arnauld Brejon de Lavergnée (1). Nous avons tout un travail à réaliser pour faire connaître nos archives. »
Sophie Harent se plaît à miser sur l’image d’un musée Magnin en devenir : « A très court terme, nous allons mettre en ligne notre catalogue sur le portail général de la Bibliothèque municipale », conclut-elle. On l’a compris : l’Hôtel Lantin s’offre une nouvelle et belle ligne de vie.
Marie-France Poirier
(1) Arnauld Brejon de Lavergnée est conservateur honoraire du patrimoine, ancien conservateur au musée du Louvre et du musée Magnin. Fin Avril, il a fait une visite de la peinture italienne absolument éblouissante pour le plus grand plaisir de l’assistance.