L’homme a 57 ans. Il s’émerveille de sa nouvelle vie. Il n’y a d’ailleurs ni lieu de s’interroger sur ce point, ni de feindre d’avoir un doute : Thierry Coursin, l’ancien « dir cab » de François Rebsamen, a pleinement réussi sa reconversion professionnelle. On lui doit désormais (lire l’interview) le plus grand complexe tertiaire en construction bois de France qui sera prochainement élevé à Dijon pour le compte de la Caisse d’Epargne de Bourgogne – Franche-Comté. S’il faut vingt bonnes années à un chêne pour trouver sa place dans une forêt, il ne lui aura fallu que deux grosses années pour trouver la sienne, se découvrir l’étoffe d’un chef d’entreprise et s’imposer comme un nouvel acteur de l’immobilier d’entreprises dans toute la région Grand Est. Ceux qui ne voulaient pas miser sur ce « baliveau » en sont aujourd’hui pour leurs frais…
Nous sommes en 1989. Régis Passerieux est élu à 29 ans maire d’Agde. Il dirigera la cité de l’Ephèbe durant douze ans (1989-2001). Douze ans pendant lesquels il s’appuiera sur les conseils de son ami Thierry Coursin dont la réputation ne tarde pas à franchir le cadre du département de l’Hérault. Et c’est François Rebsamen, qui vient de prendre la succession de Robert Poujade à Dijon, qui lui propose la direction de son cabinet.
Thierry Coursin est loin de l’image que l’on pouvait se faire, à l’époque, de ceux qui incarnaient la fonction : lunettes sévères, front dégarni, chemise blanche sous costume sombre… Lui, c’est plutôt jean et veste Hugo Boss… Malgré un accent qui chante bon le sud et ses cigales, il reste sur sa réserve. Il n’est pas prêt à l’effusion avec le premier venu. Les décisions importantes passent par son filtre. C’est comme ça qu’on l’aime ou qu’on le déteste. Parce qu’il est de toutes les réunions, de toutes les décisions. Parce qu’il impose une distance à tous ses interlocuteurs, mais qu’il reste un passage obligé vers le maire. La fonction lui va comme un gant, à l’ombre des politiques, et plus particulièrement de la tutelle de son patron, dans le monde clos des cabinets qu’il n’aime pas quitter pour s’exposer. Dans ces cénacles fermés, on loue ses capacités et notamment celle de ne pas se faire passer pour le calife à la place du calife… Le rapport de confiance et d’intimité politique sera la clef de voûte d’une collaboration qui durera 11 ans avec François Rebsamen. Onze années qui lui demanderont un sang-froid de dompteur, exigeront des ruses d’Apache et une prudence de Sioux… Pour faire court, la meilleure des formations possibles sur le tas.
Juin 2012, il passe du terrain politique au terrain de la construction. Il prend la direction des Entreprises publiques locales d’ aménagement de l’Agglomération dijonnaise (SPLAAD-SEMAAD) à la place de Thierry Lajoie qui rejoint le cabinet de Cécile Duflot, ministre de l’Egalité, du Territoire et du Logement… et balaie d’un revers de manche les quelques commentaires peu appropriés qui accompagnent sa nomination. C’est l’occasion d’affirmer, cette fois au grand jour, loin des coulisses, une capacité à essuyer les critiques avec stoïcisme et à distinguer l’essentiel de l’accessoire.
En 2016, la SEMAAD (société d’économie mixte d’aménagement de l’agglomération dijonnaise) se transforme en une société privée de promotion d’immobilier d’entreprises, avec la Caisse d’Epargne Bourgogne – Franche-Comté pour actionnaire majoritaire. C’est la naissance de la Société Est Métropoles dont Thierry Coursin devient le PDG. Une entreprise qui n’a pas vocation à faire uniquement de la promotion immobilière mais à monter des projets qui contribuent au développement économique des territoires. Dernier en date, et pas le moindre, la prise en charge de la construction du nouveau siège de la Caisse d’Epargne Bourgogne – Franche-Comté et du parking silo mutualisé à Valmy qui formeront le plus grand ensemble bois de France.
L’homme de l’ombre assume aujourd’hui la vraie lumière. Derrière l’ironie légère, le sourire enjôleur, se cache un homme de caractère qui affiche l’autorité et la ténacité d’un leader, tout en contrôle, en maîtrise de soi, en tranquillité affichée et en énergie policée… mais sans le moindre angélisme. Et il n’a de cesse de mettre en avant les collaborateurs qui l’entourent. « Sans eux, rien ne serait possible ».
Le bois, patrimoine d’avenir ? Posez donc la question à Thierry Coursin qui pourrait d’ailleurs faire sien ce très joli propos de l’écrivain-voyageur Sylvain Tesson : « Les arbres nous enseignent une forme de pudeur et de savoir-vivre. Ils poussent vers la lumière en prenant soin de s’éviter, de ne pas se toucher, et leurs frondaisons se découpent dans le ciel sans jamais pénétrer dans la frondaison voisine. Les arbres, en somme, sont très bien élevés, ils tiennent leurs distances. Ils sont généreux aussi (…) ».
Jean-Louis Pierre