Marie-Thérèse Besson : « Expliquer qui nous sommes et ce que nous faisons »

 

La Grande Maîtresse de la Grande Loge Féminine de France,  première obédience féminine du monde, donnera une conférence ouverte au public (« La Franc-Maçonnerie féminine, un chemin de vie ») le mardi 3 avril 2018, à 19 heures, au Palais des Ducs et des Etats de Bourgogne, à Dijon. Rencontre avec Marie-Thérèse Besson.

 

Dijon l’Hebdo : Au delà de la présentation de la Grande Loge Féminine de France, quel est le message fort que vous souhaitez passer à celles et ceux qui assisteront à la conférence que vous donnerez à Dijon ?

Je veux leur dire que depuis 70 ans, la Grande Loge Féminine de France permet l’émancipation, le perfectionnement et l’autonomie des femmes qui se rassemblent autour des valeurs de la République : Liberté, Égalité, Fraternité. Hier comme aujourd’hui, la Grande Loge Féminine de France offre à ses membres un espace sans enjeux de pouvoir ou de suprématie afin de pouvoir oser penser, s’exprimer et échanger.

Les femmes qui rejoignent la Grande Loge Féminine de France s’engagent sur un chemin philosophique et spirituel authentique et intime, dans une démarche humaniste. Elles étudient les divers courants de pensées qui ont façonné les êtres en quête d’un sens à donner à leur existence. Le partage entre femmes, avec leurs différences et les confrontations fécondes qui en découlent, permet d’accéder à une meilleure compréhension de soi et du monde.

Réfléchir sur soi, contribuer à construire une société harmonieuse, équitable, responsable, fondée sur des valeurs de liberté, de tolérance, de respect de l’autre et de soi-même, telles sont les raisons de devenir franc-maçonne. La démarche philosophique, initiatique et humaniste des franc-maçonnes de la Grande Loge Féminine de France est laïque. Elles s’engagent pour l’égalité des droits et des devoirs de tous les êtres humains et en priorité ceux des femmes. »

 

DLH : Vous ouvrir ainsi au public, n’est-ce pas une façon de transgresser le secret qui régit le fonctionnement de votre ordre ?

« Si nous faisons des conférences publiques, c’est justement pour démystifier la franc maçonnerie, expliquer qui nous sommes et ce que nous faisons. Ce n’est pas du tout là que réside le secret. Vous savez, la Franc Maçonnerie est avant tout une expérience et une expérience. Cela se vit intérieurement, cela ne se raconte pas forcément. Ce qui est discret c’est cette démarche qui est intime à chacune. S’engager en maçonnerie c’est s’engager dans une démarche initiatique . Il faut à la fois du temps, de la persévérance et de l’enthousiasme. »


DLH : Faire connaître, faire savoir… c’est aussi une manière de susciter des demandes d’entrées au sein de la Grande Loge Féminine de France ?

« Comme je viens de vous l’indiquer il s’agit surtout de mieux nous faire connaître et de se débarrasser de fantasmes parfois bien ancrés dans les esprits. Si des personnes qui assistent à la conférence souhaitent ensuite nous rejoindre, elles le pourront mais cela leur appartient. »

 

DLH : Les loges de la GLFF sont composées à 100 % de femmes. N’est-ce pas un pied de nez à la parité qui s’installe solidement dans le fonctionnement de notre société ?

Nous avons toutes fait le choix en entrant en Franc-maçonnerie de travailler entre femmes, avec des femmes, en se construisant une identité de femmes, en se forgeant une parole de femmes. C’est un contrat singulier !
Effectivement, il faut être initiée. Être initiée, c’est se construire bien sûr, mais aussi agir, prendre position, c’est se sentir responsable du monde réel dans lequel nous vivons.
Entrer dans une obédience féminine, c’est aussi se battre pour celles qui n’ont pas la liberté de se battre, et se battre pour celles qui n’osent pas ou ne peuvent pas parler.
Nous, femmes de la GLFF, nous souhaitons nous différencier de la mixité profane qui n’est pas synonyme d’égalité, de parité, même sous ses dehors de modernité et de progrès social. Nous savons que nous devons être exemplaires par une attitude ouverte, équilibrée, tolérante et juste. Nous savons aussi, en tant que femmes, que nous ne pouvons compter que sur nous-mêmes pour faire changer et évoluer la conditions des femmes dans la société. »

 

Rassembler des femmes conscientes et responsables qui soient « libres et de bonnes mœurs » suffit-il à en faire des êtres d’exceptions capables de dominer le monde par la clairvoyance de leur pensée et l’exemple de leurs actions ?

Toutes celles qui intègrent la GLFF ont conscience de la nécessité de forger une véritable parole de femmes, car les femmes sont encore parfois prisonnières des représentations collectives et de l’imaginaire social.
S’engager à la GLFF permet de porter un idéal de dignité humaine, de justice, de démocratie pour tous les êtres humains. Ce ne sont pas que des mots pour la GLFF, notre Obédience est active sur plusieurs fronts et plusieurs chantiers liés à la transformation de notre monde. Nous luttons pour la laïcité, véritable socle de liberté, hors de tout dogme. Les francs-maçonnes de la Grande Loge Féminine de France portent une double responsabilité, celle de transmettre les outils et les valeurs qu’elles ont reçues : tolérance, respect de l’autre, fraternité et celle d’œuvrer dans la cité et dans le monde pour traiter une société plus consciente, plus fraternelle, plus juste, plus équitable et plus éclairée.
Riches de nos différences, nous sommes une force de proposition et d’évolution. Nous n’apportons pas de réponses toutes faites. Nous espérons un monde paix, un monde où la liberté absolue de conscience sera la règle, ou le respect de l’autre sera une évidence.Tel est notre idéal mais nous n’avons pas la prétention d’y parvenir immédiatement et intégralement. »

Propos recueillis par Jean-Louis Pierre