Le coin du Miroir : inconnu à cette adresse

 

A Dijon, les rendez-vous se donnent encore rue de la Liberté, au coin du Miroir : un lieu qui n’a d’existence que dans la mémoire dijonnaise et qui perpétue l’existence d’une maison médiévale disparue.

Au XVe siècle, la maison du Miroir était un logis médiéval à la façade ajourée d’une galerie à arcatures et coiffée d’un curieux pignon à redents à la façon flamande.

Elle eut comme propriétaire le duc Robert II en 1279, puis les moines de la Chartreuse de Champmol en 1413. Elle avait une position privilégiée dans la perspective de l’église Saint-Jean et permettait à merveille de « mirer » les défilés, les spectacles et les entrées usuelles des princes à Dijon arrivant de la porte d’Ouche. Faut-il y voir l’origine de son nom ?

Revers de fortune, cet emplacement la condamna : la Ville acquit la maison du Miroir pour la démolir en 1767, afin d’élargir la rue. L’immeuble d’angle restant accueillit en 1831 une fabrique de chandelles, puis un magasin de rouennerie « Le Pauvre Diable », ancêtre de l’institution dijonnaise qui, avec les « Modernes » -les Galeries Lafayette-, sont deux piliers du centre-ville commerçant.

Nés au XIXe siècle, ces grands magasins démesurés en regard de la rue semblent vouloir en reprendre les formes à défaut de l’échelle. Comment ne pas voir dans ces angles d’immeubles arrondis couronnés de coupole une immense projection de l’échauguette de l’hôtel Millière bâti à la Renaissance ?  Autre voisine de carrefour, encore plus vénérable, la Maison aux Trois-Visages, construite vers 1470 par Jehan de Maulpas, aligne ses trois pignons à colombages.

En plein cœur de Dijon, ces maisons anciennes ont des raideurs et des grâces d’aïeules, un peu perdues entre fast-food et automobiles, et donnant le ton malgré tout : autour, la moindre arcade de pierre est restaurée ; les commerces disciplinent leurs vitrines et leurs enseignes ; les trottoirs s’élargissent, repoussant la circulation.

La politique menée par la municipalité depuis plus de cinquante ans a permis la mise en valeur de ce patrimoine exceptionnellement dense qui donne à Dijon une place privilégiée comme Ville  d’art et d’histoire, un label prestigieux obtenu en 2008. Patrimoine vivant qui mêle dans ce centre-ville les maisons médiévales, les hôtels classiques, les immeubles XIXe siècle, décor architectural que ses habitants et ses visiteurs rendent bonhomme et vivant.

Marie-Claude Pascal