Philippe Icard : « Il faudrait plus de fédéralisme au sein de l’Europe »

 

Dijon L’Hebdo : L’Europe, un nouveau départ ? Pourquoi ?

Philippe Icard : « D’abord parce qu’il y a le Brexit. Il y a d’une part le départ de cet État, mais également à relancer une nouvelle politique globale de l’Union Européenne. Il y a des points qui ne sont pas résolus et qui font problèmes tels que l’immigration au sens large par exemple. Pourquoi pas envisager le nouveau départ de l’Europe en mettant davantage l’accent sur la solidarité entre les États membres. Parce que depuis 1957, le mot solidarité est inscrit en lettre de feu dans les traités mais en réalité, on s’aperçoit que des difficultés apparaissent, qu’il y a un espèce de repli entre les États et qu’on est toujours dans cette tension entre souveraineté et supranationalité. Et ce qui permet ce lien, c’est la solidarité. Et puis à moyen terme, une autre question pour un nouveau départ, en ce qui concerne la création et la mise en place d’une Union européenne qui serait enfin une puissance politique. Est-ce qu’il ne serait pas temps pour l’Union européenne de se positionner davantage dans la sphère internationale ? Le nouveau départ pourrait aussi être de dégager un intérêt commun européen sur le plan international qui ne serait pas seulement économique pour défendre une position alternative à ce que proposent les autres puissances mondiales. »

 

DLH : En somme une Europe puissante… qu’est-ce que ça signifierait ?

Ph. I : « Il faut peut-être remettre en cause les souverainetés des États. Qu’on ait une politique étrangère digne de ce nom. Ce ne seront pas les intérêts de chaque État membre, mais un intérêt qui sera déterminé par l’Union européenne en tant que tel et le seul organe susceptible de le faire serait le parlement européen, parce que c’est lui qui représente les citoyens de l’union. C’est là où se trouve la démocratie représentative. Peut-être pourrions-nous changer la donne avec une commission qui serait là pour gérer l’intérêt commun. »

 

DLH : Comment ce nouveau départ va-t-il pouvoir se matérialiser ?

Ph. I : « On va prochainement avoir des élections au parlement européen. Et c’est justement par-là que ça commencera. En temps normal, lors de ces élections, on ne défend jamais un projet européen. Mais ce n’est pas ça le but du parlement européen. Il représente les citoyens de l’union et donc un projet européen. Je pense qu’il faudrait débattre autour de positions européennes et avoir des choix européens par rapport effectivement à l’obédience politique des différents partis. Et je pense que pour atteindre cet objectif, il faudrait des listes transnationales. C’est à dire une liste de députés européens quel que soit leurs nationalités qui défendent un projet pour l’Europe. Il faudrait surpasser les clivages étatiques. Le problème aujourd’hui est que nous n’arrivons pas à mettre en place un intérêt européen avec des positions politiques différentes pour atteindre un certain nombre d’objectifs communs. Pour moi, il faut une réforme institutionnelle. Peut-être que le modèle fonctionnaliste tel que Monnet l’a proposé est aujourd’hui épuisé. C’était sans doute une bonne méthode en 1957 et jusque dans les années 1970, mais aujourd’hui à 28 et bientôt 27, ce n’est plus ce qu’il faut. Il faudrait plus de fédéralisme pour que la supranationalité ne l’emporte plus. »

 

Propos recueillis par Antonin Tabard