A quelques jours de la fin de cette année, François Rebsamen, maire de Dijon et président de Dijon Métropole, porte un dernier regard sur 2017 : l’élection d’Emmanuel Macron, le bilan des premiers mois de son gouvernement, l’inquiétude des maires face aux dotations mais aussi tous ces sujets qui ont occupé son quotidien dijonnais comme sa majorité municipale, son opposition, la Cité internationale de la Gastronomie et du Vin, le Musée des Beaux Arts, les réunions avec les habitants, la préparation des budgets 2018…
Dijon l’Hebdo : Voilà déjà 7 mois que les Français ont élu Emmanuel Macron. Quel bilan tirez-vous de l’action de son gouvernement ?
François Rebsamen : « Un bilan nuancé. J’apprécie l’engagement international d’Emmanuel Macron. C’est un vrai européen, avec des convictions. Je souhaite qu’il réussisse à convaincre l’Allemagne pour qu’on avance vers plus de solidarité, de justice sociale à l’intérieur de l’Europe. Sa démarche est bonne.
Pour ce qui concerne la politique intérieure, je dirais qu’il est très libéral sur l’économie en faisant beaucoup de cadeaux aux gens les plus aisés. Il y en a quand même pour 7 milliards d’euros… Les retraités, quant à eux, vont mesurer, dès le 1er janvier, l’effort qui leur est demandé avec la perte de 1,7 % de leur pouvoir d’achat. Je trouve assez bizarre de rendre des milliards d’impôts sur les grandes fortunes et de demander en même temps aux offices HLM de baisser l’APL de 5 euros…
DLH : La croissance est quand même un bon signe ?
F. R : « Emmanuel Macron a dit qu’on jugerait son action dans un an et demi, deux ans… On verra. Aujourd’hui, l’économie va bien avec 2 % de croissance. C’est une bonne nouvelle. C’est quand même un peu le produit de ce qui s’est fait avant. Cette croissance, il ne faudrait pas qu’il la casse avec un certain nombre de mesures, notamment sur le logement social et sur tout ce qui concerne le secteur du bâtiment.
Je trouve Emmanuel Macron assez moderne sur les questions sociétales même s’il affiche une grande prudence. Il est jeune, dynamique. Il faut lui donner sa chance et c’est ce que font les Français pour le moment.
En tant qu’élu, je suis satisfait d’un certain nombre de mesures. Par exemple, la bonne idée d’avoir des classes de 12 élèves dans les quartiers concernés par la politique de la Ville. Par contre, le fait de faire juger nos finances par les services de l’État s’apparente à de la recentralisation. Je n’apprécie guère cette tutelle. »
« Il y a aujourd’hui un espace entre un Président de la République qui me fait un peu penser à Giscard par certains côtés, bien à droite sur l’économie, et une gauche totalement protestataire qui ne propose pas d’alternative »
DLH : Partagez-vous la forte inquiétude exprimée par votre collègue socialiste André Laignel, maire d’Issoudun (Centre-Val -de-Loire), 1er vice-président de l’association des maires de France, après ce décret examiné par la commission des finances de l’Assemblée nationale annonçant l’annulation de 48 millions d’euros de crédits pour la dotation de soutien à l’investissement ?
F. R : « Il y a un décalage entre ce que dit Emmanuel Macron président et ce que fait Bercy, le ministère gestionnaire des comptes publics. Quand on écoute le Président de la République au congrès des maires, à la conférence nationale des Territoires, à Roubaix quand il a fait son discours sur la politique de la Ville… je n’ai quasiment rien à redire et je suis d’accord avec les grandes orientations. Le problème, c’est que derrière il y a une mesure qui vient contredire ce qu’il a dit. Je l’invite à faire attention au décalage entre les belles paroles et le actes qui sont en contradiction. »
DLH : C’est ce qui vous a poussé, avec six autres présidents de nouvelles métropoles (1), à exprimer votre inquiétude tout comme votre incompréhension à propos du financement spécifique dédié aux métropoles qui n’a pas été confirmé, le gouvernement ne souhaitant pas d’individualisation d’enveloppes…
F. R : « Il faut savoir que l’enveloppe est menacée pour tout le monde. C’est à dire qu’on va tous être traité de la même façon. J’ai reçu l’engagement que les 22 métropoles seront mises sur le même pied d’égalité. Je regrette cependant qu’il n’y ait pas eu respect de la parole donnée par Bernard Cazeneuve en matière de dotations.
J’étais présent, au premier rang, du congrès des maires de France, à la Porte de Versailles… J’étais présent, à Strasbourg, pour la conférence des Métropoles avec Gérard Collomb… En tant que vice-président de France Urbaine, je suis très impliqué dans les questions qui touchent aux finances locales. Il y a des mesures qui peuvent être comprises et je ne m’oppose pas à la contractualisation entre l’Etat et les collectivités locales. Mais cela doit se faire sur la base d’égalité et pas dans le cadre d’un contrat léonin comme le dit André Laignel. »
DLH : Comment interprétez-vous le fait que les élus « En Marche » n’aient pas cherché à constituer un groupe au sein de votre majorité municipale ?
F. R : « Qui vous dit qu’ils n’ont pas cherché à le faire ? Je n’empêche personne de créer un groupe. Regardez à droite, ils ont créé six groupes. J’encourage même la droite à continuer. Peut-être y en aura-t-il bientôt un septième ? Au-delà des plaisanteries, je considère que rien n’empêche les élus qui sont engagés dans « En Marche » de créer leur propre groupe. Ce qui est sûr, c’est que si des personnes de l’exécutif, c’est à dire des adjoints ou des vice-présidents, veulent faire partie de ce groupe, ils perdront leur statut au sein de l’exécutif. C’est simple. Je mets en garde en amont. Il y en a qui l’ont fait a posteriori, moi je préfère prévenir avant. Je rappelle qu’il n’y avait pas de candidats « En Marche » quand nous avons conclu l’accord municipal. »
« Je trouve assez bizarre de rendre des milliards d’impôts sur les grandes fortunes et de demander en même temps aux offices HLM de baisser l’APL de 5 euros »
DLH : Et la gauche, et le parti socialiste dans tout cela… Comment peuvent-ils se reconstruire efficacement ?
F. R : « Il faut du temps, travailler, être humble. Le Parti socialiste, c’est encore 35 % des élus en France. La reconstruction partira de la sincérité et de l’engagement des élus des territoires. Les élus socialistes ont montré qu’ils étaient capables de rassembler, de passer des compromis, de porter des politiques de progrès, de justice sociale. Je crois que c’est à partir d’eux qu’on peut reconstruire une force sociale-démocrate appelée à gouverner. Le Parti socialiste, c’est un parti de gouvernement. C’est la différence avec Jean-Luc Mélenchon et d’autres.
Il y a aujourd’hui un espace entre un Président de la République qui me fait un peu penser à Giscard par certains côtés, bien à droite sur l’économie, et une gauche totalement protestataire qui ne propose pas d’alternative.
DLH : Giscard n’a fait qu’un mandat…
F. R : « Oui mais il était de 7 ans… »
DLH : Quels sont les meilleurs profils qui se dessinent au sein du Parti socialiste pour prendre une part active à cette reconstruction et, plus particulièrement, succéder à Jean-Christophe Cambadelis ?
F. R : « Au Parti socialiste, il y a beaucoup de jeunes talents qui vont émerger dans les prochaines années. Peut-être trop même. Boris Vallaud, Olivier Faure, Najat Vallaud-Belkacem, Matthias Fekl, Luc Carvounas… Mais il en faut un qui puisse cristalliser, rassembler. Et là, je pense que Stéphane Le Foll est à même de le faire. Il faut tout à la fois de l’expérience en même temps que le soutien de cette jeune génération qui prendra bientôt, d’ici deux à trois ans, la place qui lui revient.
DLH : Revenons à Dijon. Quels auront été vos principaux motifs de satisfaction en cette année 2017 ?
F. R : « Ma plus grande satisfaction, c’est la place que Dijon et la Métropole ont pu prendre au niveau national et international grâce à ces grands projets qui vont faire rayonner la ville que ce soit la gestion centralisée de l’espace public, qu’il faudra que j’explique bien, la Cité internationale de la Gastronomie et du Vin, le Musée des Beaux-Arts… Dijon est une Métropole d’équilibre qui prépare son avenir. »
DLH : Et qu’est-ce qui vous a le plus contrarié ?
F. R : « Il y a beaucoup de choses qui me contrarient, notamment de ne pas avoir de visibilité sur les finances publiques locales sur les prochaines années. C’est une véritable inquiétude, pas que pour moi, mais pour tous les maires. A notre niveau, c’est très angoissant quand on gère 3 000 personnes et de grands projets. »
DLH : Les engins de chantiers ont commencé la démolition des bâtiments de l’ancien hôpital général qui précèdera la construction de la Cité internationale de la Gastronomie et du Vin. Il était temps… ?
F. R : « On avance. On avance même très vite à Dijon et sur la Métropole. Nombre de collectivités n’ont pas encore réussi à vendre ou trouver un projet autour de leur hôpital général qui a été abandonné pour la construction d’un nouveau CHU. Tout comme nombre de bases aériennes sont devenues des friches. Il y a 1 650 gendarmes qui vont être rassemblés sur l’ancien site de la BA 102. Il y aura bientôt plus de gendarmes qu’il y avait d’aviateurs. J’ai pu obtenir cela quand j’étais ministre. J’en suis fier. Vous voyez : nos projets avancent malgré les obstacles qu’ont pu faire apparaître certains. »
« Je rappelle qu’il n’y avait pas de candidats « En Marche » quand nous avons conclu l’accord municipal »
DLH : Vous faites allusion aux recours ?
F. R : « Le dernier recours de Bichot a été rejeté par le tribunal administratif. J’appelle cet élu, conseiller municipal, à arrêter de jouer contre la ville de Dijon. Pourquoi se battre toujours contre les projets que nous portons ? »
DLH : « Ensemble, parlons de Dijon »… Vous avez souhaité, comme chaque année, organisé des réunions publiques de proximité autour du budget 2018. Quelles seront les priorités de ce budget ?
F. R : J’ai organisé ces réunions parce que je voulais discuter en amont. Ecouter les gens, répondre du mieux possible à leurs questions, à leurs souhaits. Et leur annoncer que, pour la deuxième année consécutive, les impôts n’augmenteront pas. En 2018, je suis content de faire 0 % d’augmentation à la ville et 0 % à la Métropole, tout en maintenant un fort niveau d’investissement. A Dijon, par exemple, ce sont environ 35 millions d’euros. C’est une grosse année pour le financement du Musée des Beaux Arts, avec près de 12 millions d’euros, dont la fin des travaux est prévue en mai 2019.
35 millions d’investissements à la ville, on baisse l’endettement, 0 % d’augmentation d’impôt… Franchement, je serais un élu de l’opposition, je vois pas comment je pourrais voter contre le budget. Je pense même que c’est le meilleur qu’on ait fait depuis 30 ans ici à Dijon.
DLH : Et à la Métropole ?
F. R : « A la Métropole, ce sera un fort niveau d’investissement qu’on va maintenir. On a décalé certains projets comme Prioribus (2) qui devrait être inscrit cette année. La piscine du Carrousel avance bien. 2018 sera aussi une belle année pour la Métropole avec 0 % d’augmentation pour les entreprises.
DLH : La circulation dans le centre-ville et le prix du stationnement suscitent des commentaires négatifs. Quels sont vos arguments pour convaincre ?
F. R : « Je n’arrive pas à comprendre. Avant, l’amende pour un stationnement dont le prix n’a pas été payé, était de 17 €. Demain, l’amende sera de 17 €. Beaucoup de villes ont augmenté. A Lyon, c’est 30 €. A Paris, c’est 50… L’amende majorée, si on ne payait pas dans un délai de trois semaines, s’élevait à 33 €. Désormais, si on ne paie pas dans un délai de 72 heures, ce sera…
Par contre, le stationnement de très longue durée sera augmenté dans la dernière demie-heure, de manière exponentielle, pour éviter que les voitures ventouses gênent le commerce.
Quant à la circulation, franchement, elle n’est pas si mal que ça à part, peut-être, le matin à 8 heures et vers 17 heures l’après-midi. Ce sont pas moins 140 000 personnes qui viennent travailler quasiment tous en même temps à Dijon… J’ai envie de dire à tous les Dijonnais qui râlent sur cette question : « Allez voir comment ça se passe dans les autres villes »
« Je ne désespère pas d’avoir avec le conseil régional de Bourgogne – Franche-Comté un contrat exemplaire »
DLH : Le protocole d’accord pour la réalisation par Constructa d’un programme de 300 logements quai des Carrières blanches vient d’être officiellement signé. Cette opération pilotée par la SPLAAD s’inscrit dans le cadre du processus de renouvellement urbain du quartier Fontaine d’Ouche et la requalification des berges. Dijon, ville solidaire, reste un de vos principaux chevaux de bataille ?
F. R : « C’est une très bonne nouvelle et une très belle opération. Le fait que cette entreprise qui a fait, notamment, les Docks de Marseille, se soit intéressée à la Fontaine d’Ouche pour y lancer un programme de construction, par étapes, de 300 logements, dans des petites structures tournées vers l’eau, montre que le quartier présente aujourd’hui un réel intérêt. C’est l’occasion de renouveler la population. De faire moins de location -66 % aujourd’hui à la Fontaine d’Ouche, demain 60 %- et plus d’accession. La mixité, c’est aussi dans ce sens là que ça fonctionne. »
DLH : Du 6 au 8 décembre 2017, les 4 collectivités territoriales Creusot Montceau, Dijon Métropole, Grand Chalon et Mâconnais Beaujolais Agglomération, ont participé pour la première fois ensemble au Salon de l’Immobilier d’Entreprise (SIMI) au palais des Congrès de Paris, sous la bannière « Territoires 4 étoiles ». Quels sont les atouts que vous avez souhaité mettre en avant ?
F. R : « On a un axe de développement sur la Bourgogne qui est à la fois important et original. Il y a quatre grandes agglomérations, ou communautés d’agglomération, ou communautés urbaines, qui se regroupent pour affirmer leur force et leur complémentarité. Nous avons étudié les modalités d’un contrat que l’on pourrait passer entre nous pour favoriser le développement économique, l’enseignement supérieur, voire la culture. »
DLH : Comment se passent vos relations avec les autres grandes collectivités ? Le Département, par exemple ?
F. R : « Avec le conseil départemental, les relations sont bonnes. L’ambiance est au beau fixe et je ne vois pas beaucoup de nuages à l’horizon. On a décidé d’agir l’un et l’autre dans l’intérêt général. Après, il reste à préciser les modalités. »
DLH : Et la Région ?
F. R : « C’est un peu plus compliqué mais je ne désespère pas d’avoir avec le conseil régional de Bourgogne – Franche-Comté un contrat exemplaire. La présidente s’est engagée sur cette voie et nous devrions formaliser ce contrat d’ici la fin du premier trimestre 2019.
La Région, elle peut passer tous les accords qu’elle veut avec d’autres collectivités comme Nevers, Auxerre, Besançon, Montbéliard… Je n’y vois aucun problème mais il en faut d’abord un avec Dijon qui est la seule Métropole de la région. Il ne faut pas vivre dans le passé. Il faut soutenir la Métropole. La présidente l’a compris et j’ai bon espoir que le contrat aboutisse. »
L’année se termine. Quel est le voeu le plus cher que vous formulez pour Dijon et sa Métropole en 2018 ?
F. R : « Que l’ensemble des projets qu’on porte voit leur réalisation. »
Propos recueillis par Jean-Louis PIERRE
(1) Le courrier adressé au Premier ministre a été co-signé par François Rebsamen, Olivier Bianchi, président de Clermont Auvergne Métropole, maire de Clermont-Ferrand, Jean-Luc Bohl, président de Metz Métropole, maire de Montigny-lès-Metz, Philippe Briand, président de Tours Métropole val de Loire, maire de saint-Cyr-sur-Loire, Olivier Carré, président d’Orléans Métropole, maire d’Orléans, Hubert Falco, ancien ministre, président de Toulon Provence Méditerranée et Gaël Perdriau, président de Saint-Etienne Métropole, maire de Saint-Etienne.
(2) Optimiser et fluidifier la circulation des bus Divia, c’est tout l’objet du projet « Prioribus ». Il concerne les lignes à niveau élevé de service (lianes) numérotées 3 à 7 ainsi que la ligne Corol, qui fait le tour de Dijon, reliant les quartiers sans passer par le centre-ville. Le projet consiste à améliorer significativement le confort et l’efficacité des lignes de bus en repensant l’ergonomie des points d’arrêt, leur accessibilité et leur équipement, mais surtout à réserver la priorité aux bus notamment dans les carrefours équipés de feux tricolores. Au total, une centaine de sites vont faire l’objet d’aménagements.