Spécial Collectivités / François Sauvadet : « On n’a pas encore trouvé mieux que le département pour créer du lien social »

 

Dijon l’Hebdo : Le président de l’Assemblée des départements de France (ADF), Dominique Bussereau, s’est montré réservé après la visite du Premier Ministre Edouard Philippe au congrès de son organisation, ces jours derniers à Marseille. Visiblement, des pistes de négociations ont été évoquées, mais pas de solution de fond…

François Sauvadet : « Nous fondions beaucoup d’espoirs sur la visite d’Edouard Philippe au Congrès de l’ADF. Le Premier ministre a été maire, conseiller général et régional. Il comprend les problématiques des élus locaux. Nous pensions avoir été entendus. Notre déception a donc été à la hauteur de nos attentes.

Qu’on me comprenne bien : les Départements ne réclament pas l’aumône. Ils veulent simplement que l’Etat leur donne les moyens, notamment financiers, d’assumer les compétences que la loi leur a confiées. Pas plus. Mais pas moins.

Sur les deux sujets d’inquiétude actuels des Départements, l’accueil des mineurs non accompagnés (MNA), venus pour l’essentiel d’Afrique, et le financement des allocations individuelles de solidarité (AIS), comme le RSA, la réponse du Premier ministre a été très insuffisante.

J’ai éprouvé un double sentiment de colère et déception. L’Etat nous demande toujours plus et refuse d’assumer ses responsabilités. »

DLH : Si « ce Congrès n’a pas fait bouger les lignes », il aura toutefois été constructif, pour Dominique Bussereau, grâce à des départements capables, au-delà des sensibilités politiques, de faire cause commune. La Côte-d’Or s’inscrit-elle dans cette logique ?

F. S : « Vous le savez, j’ai été élu président du groupe de la Droite, du Centre et des Indépendants (DCI) au sein de l’ADF et notre association est très largement transpartisane. Elle défend tous les Départements, quelle que soient leurs couleurs politiques et c’est mon rôle de veiller à notre unité pour parler ensemble d’une voix forte.

Pour preuve, avec André Viola, Président du groupe de gauche à l’ADF, nous avons présenté une motion commune au Gouvernement. Un texte dans lequel nous exprimons l’ensemble de nos attentes. »

 

DLH : L’Assemblée des Départements de France a pris acte également de l’annonce par le Gouvernement d’un fonds d’urgence de 100 M€ pour les départements en très grande difficulté. Allez-vous vous satisfaire d’un fonds qui est moitié moins important que celui de l’an passé ?

F. S : « Nous avions réclamé ce fonds d’urgence et nous nous réjouissons donc d’avoir été entendus. Mais encore une fois cette réponse ne nous satisfait pas entièrement car ce fonds sera abondé de 100 millions d’euros. Soit moitié moins que l’an dernier.

Le Gouvernement n’a pas pris la mesure des difficultés rencontrées par les Départements, notamment les plus ruraux d’entre eux. De fonds d’urgence en fonds d’urgence, on ne règle absolument pas la question du financement pérenne des dépenses sociales des Départements, insuffisamment compensées par l’Etat.

Pour le seul versement du RSA, le reste à charge est de 25 millions d’euros par an pour le Conseil départemental de la Côte-d’Or. »

« Vous verrez que les Départements seront toujours là dans 20 ou 30 ans »

DLH : « On ne peut pas fonder le destin de notre pays exclusivement sur les Métropoles » et voir « des pans entiers de notre territoire se vider de leur substance », avez-vous alerté lors de ce congrès. Entre territoires ruraux et métropole dijonnaise, comment s’organise le Conseil départemental de Côte-d’Or ?

F. S : « Déjà, je veux dire que les discussions sur les transferts de compétences se passent très bien. D’ici à la fin de l’année, avec François Rebsamen, nous parviendrons à un accord, je l’espère.

Mais qu’on ne s’y trompe pas, ce transfert de compétences ne constitue pas un transfert des compétences du Département vers la Métropole. Les compétences qui seront transférées à la Métropole représenteront seulement 1% du budget du Conseil départemental.

Le Département restera présent et nous conserverons nos « agences solidarité familles » sur le territoire métropolitain. Nous resterons présents sur 100% des territoires, au service de 100% des Côte-d’Oriens. »

 

DLH : En quoi le Département est un maillon essentiel de l’organisation du territoire ?

F. S : « Non seulement le Département n’a pas disparu mais l’avènement des métropoles et des grandes régions l’a même renforcé. Pourquoi ? Parce qu’on n’a pas encore trouvé mieux pour créer du lien social en tous points des territoires. L’échelon départemental est le maillon indispensable et essentiel, entre des métropoles axées sur l’urbain et des grandes régions impersonnelles et trop éloignées des citoyens. Le Département est la collectivité de proximité par excellence qui œuvre au quotidien en faveur des solidarités territoriales.

Et je vais même prendre les paris devant vous. Vous verrez que les Départements seront toujours là dans 20 ou 30 ans. Car même si sa création date de 1789, le Département demeure une collectivité à la fois innovante et moderne.

 

DLH : L’Assemblée des Départements de France a affirmé qu’elle resterait vigilante sur le budget des agences de l’eau. Quelques jours après, le Conseil d’Administration de l’Agence de l’Eau Seine Normandie que vous présidez vient de rejeter son projet de budget. Pour quelles raisons ?

F. S : « C’est un geste fort. En rejetant à une forte majorité ce projet de budget, les administrateurs de l’Agence de l’eau ont voulu montrer leur opposition farouche au pillage des moyens de la politique de l’eau au profit du budget de l’Etat.

J’ai employé le terme « pillage » à dessein car c’est bien de cela qu’il s’agit. L’argent de l’eau doit aller à l’eau, à la préservation de ressources devenues de plus en plus fragiles. L’argent de l’eau n’a pas vocation à aller éponger les déficits de l’Etat. »

« Ce qui fait la force du Département, c’est sa proximité. Il représente souvent le dernier service public dans les territoires »

DLH : L’actuel gouvernement souhaite laisser la liberté aux territoires de prendre des initiatives locales en ce qui concerne les créations de communes nouvelles ou les regroupements de départements. Pourrait-on imaginer qu’un jour la Côte-d’Or fusionne avec un de ses départements limitrophes ?

F. S : « Le Gouvernement est trop bon ! La loi actuelle et le principe de libre administration des collectivités locales, qui est inscrit dans la Constitution, permettent déjà aux Départements de prendre ce type d’initiatives.

Pour ce qui est d’une éventuelle fusion de la Côte-d’Or avec un autre Département, laissons déjà les collectivités locales digérer les chamboulements institutionnels qu’on leur impose depuis 2012. Il sera ensuite bien assez temps d’envisager une nouvelle étape.

Ce qui fait la force du Département, c’est sa proximité. Il représente souvent le dernier service public dans les territoires. »

 

DLH : Vous avez lancé en mars 2017 une démarche qui a pour ambition de faire du Département une référence en matière d’expérimentation de nouveaux modes de vie, en privilégiant par exemple la consommation locale, le travail à domicile ou la location d’électroménager plutôt que son achat. Où en êtes-vous ?

F. S : « Plusieurs opérations d’envergure ont été lancées ou s’apprêtent à l’être. Toutes s’inscrivent dans l’ambition générale de Futurs21 : faire la Côte-d’Or le laboratoire des modes de vie de demain.

Fin octobre, j’ai ainsi donné le coup d’envoi du projet « Perrigny ». Le Conseil départemental a acquis 20 hectares de terres maraichères dans l’agglomération dijonnaise. Il s’agit tout à la fois de favoriser la structuration des filières locales et d’augmenter la part des produits locaux dans les assiettes des collégiens et des personnes âgées hébergées en Ehpad.

En d’autres termes, participer à la mise en place d’une consommation soutenable, plus locale, plus respectueuse de l’environnement dans une Côte-d’Or plus agréable à vivre.

J’en profite par ailleurs pour vous annoncer que notre Département sera le premier, en France, à lancer sa stratégie d’adaptation au changement climatique. »

 

DLH : Selon le premier rapport de l’Observatoire national de la route (ONR), les départements ont réussi à maintenir leurs dépenses d’investissement sur leur réseau routier, malgré des budgets contraints. Mais les dépenses de fonctionnement, qui couvrent l’entretien courant comme le fauchage ou la viabilité hivernale, sont en diminution constante depuis 2013 et atteignent des niveaux préoccupants dans certains départements de taille moyenne. Qu’en est-il en Côte-d’Or ?

F. S : « Il n’est pas question de transiger avec la sécurité des usagers. Nos 6.000 kilomètres de routes départementales sont parmi les plus sûres de France. Le département a dépensé 38 millions d’euros pour sa voirie départementale en 2016.

Ce budget a augmenté de 10% en 2017 et il n’est pas question de faire des économies sur ce poste. La sécurité des Côte-d’Oriens reste la priorité des priorités pour le Conseil départemental. »