Non loin du palais des Etats, le palais de Justice pointe son pignon aigu et une façade originale, histoire de se démarquer et d’offrir à la justice un « pignon sur rue » remarquable. C’est en 1477 que Louis XI ordonne la création d’un Parlement de Bourgogne et d’une Chancellerie. La Chambre des comptes est érigée en cour royale pour le duché. Le transfert du Parlement de Beaune à Dijon va permettre à la ville un brillant essor économique, intellectuel et architectural trois siècles durant.
Ces juridictions nécessitaient des bâtiments. Louis XI concède à la nouvelle cour une part des pourpris de la Chambre des comptes et ordonne une nouvelle construction vers 1510. En 1511, le Parlement a son propre palais et c’est en 1522 qu’à son tour, François 1er fait construire la salle des audiences publiques, la Chambre dorée, l’une des plus belles du royaume avec son plafond à caissons dorés.
Le palais doit s’agrandir au rythme de la progression de ses effectifs. En 1572, la salle Saint-Louis, dite des Pas perdu, est construite à l’instigation de Charles IX. Longue de trente-neuf mètres, et haute de treize mètres, elle est élevée sur les plans d’Hugues Brouhée avec lequel collabore Hugues Sambin pour la charpente et les sculptures.
De nouveau insuffisant, le palais fut agrandi aux XVIIIe et XIXe siècles par deux bâtiments construits à l’identique de part et d’autre de la façade du XVIe siècle. Au XIXe siècle, on finit d’enclaver les parties anciennes en construisant d’autres bâtiments le long des rues Amiral Roussin et Jean-Baptiste Liégeard.
Il faudrait faire abstraction du temps et des vues annexes pour ne voir que l’élégant édifice central dessiné par Hugues Brouhée. Du gothique, il a ces pignons aigus où tournoient de grandes rosaces. De la Renaissance, le décor : le porche revêtu d’un dais de pierre en doucine est soutenu par des colonnes en pierre rose de Fixin. La façade est sculptée de niches, de frontons, enrichie de masques et de guirlandes où l’influence de Sambin est sensible. On lui doit la porte en bois sculptée dite du Scrin dont l’original se trouve au musée des Beaux-Arts et, à l’intérieur, la clôture de la chapelle sculptée de minuscules insectes dans des enroulements de feuillages, encore plus étonnante que les usuels mufles ou têtes de lions. Pour la voir ainsi que l’architecture des salles, il suffit d’attendre la tenue d’une audience.
Complexe, incommode, raffiné, le palais de Justice symbolisait bien les dédales de l’institution et ceux de l’âme humaine peut-être. Le quartier vivait au rythme séculaire du va-et-vient des robes noires en col d’hermine. La création de la Cité judiciaire a fait transférer certaines juridictions au quartier Clémenceau sans pour autant altérer l’identité historique du quartier de l’« ancien » palais de Justice.
L’alentour du palais est plus bonhomme. Sur la placette ouvrent trois restaurants aux sympathiques terrasses, passant des saveurs exotiques à la gastronomie proche des bouchons lyonnais. Histoire de compenser la raideur juridique !
Marie-Claude Pascal