En ce mois d’octobre, certainement pluvieux et sombre comme un bon film de genre, nous vous proposons de (re)voir un film culte … et un futur classique : deux monuments du cinéma de science-fiction. Blade Runner du vétéran Ridley Scott avec l’aiguisé Harrison Ford, le répliquant Rutger Hauer et la fatale Sean Young. Blade Runner 2049 du génial Denis Villeneuve avec l’inévitable Ryan Gosling, le mythique Harrison Ford et la divine Ana de Armas.
Dans les dernières années du XXe siècle, des milliers d’hommes et de femmes partent à la conquête de l’espace, fuyant les mégalopoles insalubres. Sur les colonies, une nouvelle race d’esclaves voit le jour : les répliquants, des androïdes que rien ne peut distinguer de l’être humain. En 2049, la société est fragilisée par les nombreuses tensions entre les humains et leurs esclaves créés par bio-ingénierie. L’officier K (Ryan Gosling) est un Blade Runner : il fait partie d’une force d’intervention d’élite chargée de trouver et d’éliminer ceux qui n’obéissent pas aux ordres des humains. Lorsque K découvre un secret enfoui depuis longtemps et capable de changer le monde, les plus hautes instances décident que c’est à son tour d’être traqué et éliminé. Son seul espoir est de retrouver Rick Deckard (Harrison Ford), mythique Blade Runner disparu depuis trente ans.
« Je sais que chaque fan de Blade Runner entrera dans la salle avec une batte de base-ball » confie le metteur en scène Denis Villeneuve, réalisateur canadien chouchou de notre rédaction, en charge de ce second volet. Depuis le bouleversant et sombre Incendies (2011), le cinéaste enchaine les petits bijoux : le diptyque schizophrénique Enemy / Prisoners (2013), le thriller mental et politique Sicario (2015) et l’humaniste et novateur Premier Contact (2016).
Blade Runner est à l’origine le chef-d’œuvre du grand réalisateur britannique Ridley Scott, troisième long-métrage d’une filmographie exemplaire : Alien, Thelma et Louise, Gladiator, American Gangster, Seul sur Mars… Le film de 1982 est un tournant dans le long-métrage de science-fiction, inventant un nouveau (trans)genre cinématographique : le néo-noir cyberpunk romantique !
Blade Runner, adaptation du grand Philip K. Dick, met en scène une vision cauchemardesque de l’avenir ancrée sur des bases réalistes, malgré un traitement onirique singulièrement ensorcelant. Il préfigure nos catastrophes climatiques, la surpopulation, les mutations urbaines et l’accroissement des disparités économiques. Harrison Ford y incarne le personnage de Rick Deckard, un rôle fondateur pour lui, qu’il reprend aujourd’hui avec jubilation et malice.
Visuellement le film de Scott est une merveille d’inventivité graphique, d’urbanité nocturne, et musicalement il est porté par la partition indépassable du compositeur grec Vangelis. Villeneuve réussit à respecter l’esthétique inspirée du film noir de l’opus scottien, tout en donnant à son œuvre noire et lumineuse une identité propre. L’atmosphère est calamiteuse, les océans incoercibles, le climat encore plus froid : cela se reflète dans l’architecture, les véhicules et les costumes de cet univers apocalyptique, grâce au faramineux travail d’équipe du directeur de la photographie Roger A. Deakins, du chef décorateur Dennis Gassner et de la chef costumière Renée April : « Une ambiance sombre, humide, oppressante dans une architecture brutale ».
La Hongrie n’est pas étrangère à cette brutalité, Denis Villeneuve y a entièrement tourné son film. Il évite ainsi d’avoir recours aux images de synthèse et aux écrans verts, privilégiant les effets spéciaux physiques et les décors réels. Blade Runner 2049 commence par une scène où K se rend dans une ferme à bord d’un véhicule que les spectateurs du premier film connaissent sous le nom de « Spinner ». L’histoire nous entraîne hors des limites de Los Angeles, ce qui donne à Villeneuve l’occasion de donner sa vision du monde en dehors de la ville. La lumière reste faible, filtrée, mais il fait quand même moins sombre que lors du premier plan inoubliable de l’œuvre initiale, où l’on découvrait L.A. et Harrison Ford !
En 2049, notre « blade runner » est Ryan Gosling : il habite littéralement son personnage de K, un officier menant une existence très dure et solitaire. Sa dernière mission va pourtant éveiller en lui un rêve et un désir aveuglant, l’amenant à partir à la recherche du mystérieux Deckard, pour tenter d’obtenir des réponses à des questions désormais très personnelles. A ses côtés, l’actrice cubaine Ana de Armas, est Joi, magnifique, pertinente et drôle : la seule en qui K peut avoir confiance dans sa quête effrénée. Elle est la révélation de ce film spectaculaire et graphique, soulevant des questions fascinantes sur notre humanité, nos vies et notre réalité. Comme son personnage féminin, Blade Runner 2049 est d’une beauté et d’une intelligence à couper le souffle. Les fans peuvent maintenant ranger leurs battes de base-ball et continuer à rêver tranquille. Avec ou sans K. Dick.
Raphaël Moretto
Blade Runner 2049, en V.O. au cinéma Eldorado, 3 séances à 14h, 18h ou 21h. Blade Runner, Edition Collector 35ème Anniversaire Blu-ray + Blu-ray 4K, chez Warner de 25 à 30 €