Si le réalisateur Georges Lautner et le dialoguiste Michel Audiard étaient encore de ce monde et décidaient de tourner un film sur la période politique que nous vivons, alors ils pourraient, qui sait, connaître le même succès qu’avec les Tontons Flingueurs. L’onde de choc provoquée par l’élection d’Emmanuel Macron à la présidence de la République, qui est en train de tout bouleverser à la veille des législatives, serait, sans doute, de nature à nourrir leur inspiration…
« Je vais lui montrer qui c’est Raoul (…) On va le retrouver éparpillé par petits bouts, façon puzzle ». Cette réplique culte des Tontons Flingeurs aurait toute sa place dans une œuvre qui prétendrait décrire la situation du moment.
Emmanuel Macron, choisi à 65,5% au niveau national comme le 8e Président de la République française et maintenant investi sans aucune fausse note au Palais de l’Elysée depuis le 14 mai, La Nouvelle République En Marche va devoir effectivement éparpiller « façon Puzzle » les autres postulants lors des législatives.
Le discours d’Emmanuel Macron n’avait certes rien de belliqueux – la bienveillance étant sa marque de fabrique – devant les 430 premiers candidats En Marche réunis au musée du Quai Branly le 13 mai à Paris mais la quête d’une majorité présidentielle passe, de facto, par l’éclatement des anciennes formations politiques. Emmanuel Macron, qui, pendant longtemps, fut présenté par beaucoup (à tort, nous le savons maintenant !) comme un météore fugace a donné la première onde de choc. Le 23 avril, il a fait imploser les partis traditionnels de gouvernement, enfin plus précisément leurs candidats. En Côte-d’Or, ainsi, il a renvoyé l’ancien ministre de l’Education socialiste Benoît Hamon (5,90 %) à ses chères études frondeuses et François Fillon (21,26%) à sa belle demeure sarthoise.
Le big bang politique
Et il s’est imposé dans 3 des 5 circonscriptions côte-d’oriennes – avec 28,19% dans la 1re, 24,51 % dans la 2e et 24,19 % dans la 3e – les deux autres préférant mettre Marine Le Pen sur orbite… présidentielle.
Au second tour, celui qui allait devenir chef des armées faisait carton plein dans l’ensemble des circonscriptions, mais ce fut bien évidemment sur la 1re (75,62%) qu’il enregistra son plus beau score, avec pratiquement 10 points de plus que sur les deux autres (65,71% et 65,25%) !
Et afin de poursuivre ce big bang politique, le Président vient de nommer à Matignon Edouard Philippe, le maire LR du Havre, ancien porte-parole d’Alain Juppé lors de la Primaire de la Droite et du Centre. Le message est clair : rendre celui des Républicains plus trouble dans leur stratégie de cohabitation.
Une chose est sûre : les législatives sont bel et bien lancées et trois candidats de La République En Marche, au moment où nous écrivions ces lignes, étaient déjà en campagne : Fadila Khattabi, ancienne conseillère régionale PS de Bourgogne, Yolaine de Courson, maire d’Arrans et Didier Paris, ancien sous-préfet de Beaune sur les 3e, 4e et 5e circonscriptions. La 1re et la seconde ayant été gelées quelques jours, pour cause de négociation avec le Modem, Didier Martin (PRG) et François Deseille (Modem), deux des adjoints du maire de Dijon, s’apprêtant à s’y mettre en marche.
Les flingues sont de sortie
Et, avant même les premiers pas, Didier Martin découvrait que François Rebsamen maîtrisait lui aussi parfaitement la langue de Michel Audiard. L’ancien ministre PS du Travail sortit, en effet, l’artillerie lourde lors d’une interview réalisée par nos confrères d’Infos Dijon : « Je regrette que, dans la 1re circonscription, une femme, une jeune élue qui s’engage, et que je soutiens, ait à affronter quelqu’un qui est élu depuis 23 ans à la Ville de Dijon et qui ne semble pas correspondre à l’éthique définie pour les désignations des candidats par En Marche ! D’un côté, on a le renouvellement voulu par Emmanuel Macron et de l’autre, un politicard ! » Quand l’on vous disait que les flingues étaient de sortie…
Car, que ce soit pour Sladana Zivkovic, l’élue évoquée par le premier magistrat, pour Pierre Pribetich, qui fut, au demeurant, le premier à se déclarer sous l’appellation Majorité présidentielle (voir également en page 9) ou encore pour Anne Dillenseger, le PS n’entend pas se laisser faire. D’autant que les divisions ne l’épargnent pas, lui non plus.
Même la députée sortante PS Kheira Bouziane, après avoir conservé longtemps le silence, s’est invitée dans la danse sur la 3e circonscription en se représentant, avec des mots très durs à l’encontre de ses amis socialistes locaux, qui lui ont préféré, tout comme la rue de Solférino, l’adjointe dijonnaise déléguée à l’Education.
La théorie du chaos
A Droite et au Centre (non macronien s’entend, il faut le préciser dorénavant !), les dissidences risquent aussi de compliquer la donne : sur la 1ère, le premier vice-président du conseil départemental, François-Xavier Dugourd, ne juge pas légitime l’investiture de sa collègue Anne Erschens. Tout comme le maire de Chatillon-sur-Seine, Hubert Brigand, qui a décidé de ne pas laisser le champ libre de la 4e à Charles Barrière, pourtant adoubé par l’ex-député François Sauvadet. Le député LR sortant, Rémi Delatte, n’a pas le même problème sur la 2e, tout comme Pascal Caravel sur la 3e ou encore Hubert Poullot sur la 5e, mais la théorie du chaos appliquée par Emmanuel Macron (vider les partis traditionnels de leurs forces en les attirant vers lui) est susceptible de leur boucher l’horizon.
Sans parler des candidats de la France Insoumise, qui se verraient bien oublier en juin prochain leur terrible désillusion de la non-qualification de Jean-Luc Mélenchon au soir du 1er tour de la Présidentielle.
Quant au Front national, qui aspire, il ne faut pas l’oublier, à devenir la 2e force politique du pays – n’oublions pas que Marine Le Pen a talonné le futur Président au 1er tour en Côte-d’Or (seulement 3 234 voix d’écart) –, il faudra encore compter bien entendu avec lui…
En paraphrasant Jean Lefebvre, le célèbre Paul Volfoni, toujours dans le film culte de Georges Lautner, les candidats aux législatives « se préparent des nuits blanches, des migraines, des nervousses brékdones (sic) ! »
Xavier Grizot