Dimanche 23 avril, 20 heures… Emmanuel Macron et Marine Le Pen apparaissent, sans surprise, sur les écrans de toutes les chaînes de télé. Quelques minutes sont à peine écoulées que les appels au vote, à droite comme à gauche, en direction du fondateur du mouvement « En marche » résonnent telles les cloches de Pâques dans tout l’hexagone comme un exutoire à cette curieuse campagne qui prend fin.
Je suis Macron, tu es Macron… il, elle est… nous sommes… vous êtes… ils sont Macron… Ils sont surtout très nombreux les élus -beaucoup de gueules cassées par la défaite, qui ne sourient que d’une lèvre comme on grimace- à endosser les habits de la vertu face au Front national. Non pas en vertu de leur force électorale propre mais en tant que représentant de la vertu républicaine. Après le désastre des urnes, comme si la puissance s’était faite sable et leur coulait entre les mains, ils n’ont pas eu d’autres choix que d’aller à Canossa.
« Je vote Macron ». La messe est déjà dite et chacun le sait. C’est une liturgie républicaine. Grand-messe politique servie en grande pompe. Chacun des (grands et petits) prêtres délivre son credo. Sans surprise. Des processions d’élus qui n’ont pas d’autres choix que de se soumettre à la pratique de la génuflexion.
Le premier tour de l’élection présidentielle a montré que les chapelles du PS et des Républicains s’étaient soudainement vidées de leurs fidèles, montrant par là-même au plus grand nombre que plus grand monde ne croyait dans les dogmes de ces deux religions officielles.
Jeter des pierres
dans les jardins des adversaires
Qu’est-ce qui peut bien se cacher derrière toutes ces suppliques, toutes ces prières (d’aller voter Macron) qui font vibrer les sacristies ? Le (saint) esprit républicain ? Assurément. De la sincérité, certainement. De l’opportunisme, également en ces périodes qui ouvrent pour beaucoup une rude cure de désacralisation. Le combat change d’âme, les mouches changent d’âne…
S’ils devaient confesser leur position, certains de nos élus concéderaient volontiers que ça fait du bien de pouvoir se retrouver dans le camp des vainqueurs. D’autres reconnaîtraient que c’est un plaisir de jeter des pierres dans le jardin de leurs adversaires politiques. Témoin, ce conseiller municipal d’opposition d’une commune de l’agglomération dijonnaise gérée par un maire PS, qui s’est fendu d’un communiqué qui le place résolument bien au-delà du second tour de la Présidentielle : « Le candidat du PS Benoît Hamon soutenu et parrainé par (…) réalise sur la commune (…) un score particulièrement faible avec (…), très loin derrière le candidat des Républicains et d’Emmanuel Macron, qui est en tête. C’est la fin d’une époque pour le parti socialiste sur la commune, un véritable tournant que cette défaite cuisante. Au deuxième tour, le 7 mai, nous appelons les électeurs à se mobiliser et à faire le choix de l’optimisme, de l’Europe et non celui de l’isolement et du rejet, en votant pour Emmanuel Macron ». Une façon de faire offrande à la nouvelle chapelle politique française qui a reçu l’onction suprême du suffrage universel et qui est en passe de devenir le parti-prêtre qui bénit et excommunie. Et, pour l’avenir, ça peut servir !
Pas bête cet élu qui sait bien qu’à la belote électorale, si on veut rafler tous les plis à l’adversaire, mieux vaut d’abord lui prendre ses atouts. Et peu importe si une majorité de socialiste a voté Macron, c’est le seul score d’Hamon que l’on retient pour faire un prêche efficace capable d’émouvoir les ligues pieuses.
La dure réalité des batailles locales
Du côté des proches d’Emmanuel Macron, on reconnaît que pareil commentaire vaut bien un requiem. Et, pour l’heure, ils se contentent de souligner que la politique ne se résume pas à la gestion d’une paroisse du sud-est dijonnais. Car la seule vérité du moment, c’est de savoir qu’en politique comme en météo, il n’est de prévision fiable qui tienne dans la durée. Et les élections législatives qui se profilent vont vite confronter les macronistes à la dure réalité des batailles locales dont on sait qu’elles sont pleines de pièges, de dangers, d’impasses et d’ambiguïtés. De vrais chemins de croix parfois…
Les soutiens de Macron vont devoir se résoudre à sortir d’un beau rêve, de ceux qui, à peine réveillé, vous font vite refermer les yeux pour que surtout cela ne s’arrête pas. Ceux qui finissent toujours de la même manière : interrompus par le retour à une réalité forcément difficile. Et la première difficulté sera de communiquer le nom des candidats sur les 5 circonscriptions de Côte-d’Or. Et dans les cuisines électorales, on entend déjà les couteaux qui s’affûtent.
Jean-Louis PIERRE