François-André Allaert : « Les seniors ont parfaitement intégré le concept d’objets connectés »

L’ère de la santé connectée est ouverte. Incroyablement rapide, elle concerne tous les niveaux de notre société, et impacte directement, et presque intimement, chaque individu. Objets connectés, dispositifs médicaux intelligents, applications de santé, tous ces outils numériques pénètrent déjà notre vie quotidienne, pour veiller sur notre bien-être, suivre en direct l’évolution de nos pathologies chroniques. Le cas particulier des objets connectés ouvre des perspectives mais pose aussi des questions.

Dijon l’Hebdo : Docteur François-André Allaert, les seniors sont naturellement les premiers concernés par les questions de santé ?

François-André Allaert : « Déjà, la notion de « seniors » varie en fonction du contexte dans lequel elle est employée. Quand on parle de senior, on a souvent l’image de quelqu’un de très vieillissant. Celui qui prend soin de sa santé et de son bien être en préservant son capital pour l’avenir, ce n’est pas forcément un senior mais il vrai que l’objet connecté s’inscrit pleinement dans la silver économie ».

Dijon l’Hebdo : A quel moment l’objet connecté intervient-il dans notre santé ?

F-A. A : « L’idée force, c’est que ces objets connectés puissent être utilisés à la fois dans le domaine de la prévention primaire, c’est à dire avant la maladie, ou de la prévention secondaire, c’est à dire dans l’accompagnement de la maladie. La prévention primaire, ça commence très tôt. Des jeunes de 30 ans s’appuient sur des dispositifs connectés qui permettent de calculer le nombre de pas quotidiens, de suivre un régime alimentaire, de bénéficier de coaching nutritionnel ou sportif. On voit qu’il y a déjà dans ces applications de santé un ensemble d’éléments qui peuvent transformer la vie des personnes en les aidant à prendre de meilleures habitudes dans l’hygiène de vie ».

Dijon l’Hebdo : Et les objets connectés utiles dans l’accompagnement d’une maladie, quels sont-ils ? »

F-A. A : « Il y a des objets connectés qui vont interférer directement avec la maladie. Ce sont, par exemple, des lecteurs implantés avec une sonde qui vont, en relation avec une pompe à insuline, assurer un meilleur contrôle de la glycémie ou, simplement, avoir une mesure en continu pour faire les ajustements nécessaires directement à la seringue.

On peut également imaginer que certains capteurs permettent de détecter des troubles du rythme cardiaque, d’être en relation avec un pacemaker pour adapter les capacités de ce dernier aux besoins de l’organisme.

Et peut-être que dans l’avenir, il y aura des systèmes qui nous aideront sur les plans psychologique ou métabolique. On n’imagine pas aujourd’hui tout ce que nous sommes capables de faire dans les prochaines années en matière d’objets connectés. Dans tous les cas, ils constitueront un véritable progrès et, très rapidement, ces différents objets pourront se connecter les uns avec les autres pour assurer une meilleure sécurité, adresser des messages directement à des soignants, voire même des messages d’alerte… »

Dijon l’Hebdo : Il n’y a pas que le corps qui soit concerné par les objets connectés ?

F-A. A : « Effectivement, on parle toujours du corps mais les objets connectés occupent aussi notre environnement. On a toujours l’image persistante de l’objet connecté avec le bouton pression sur lequel les personnes âgées appuient quand elles tombent ou quand elles ressentent des douleurs. On a aujourd’hui des solutions bien plus optimales et surtout plus respectueuses de la vie privée que les caméras censées nous accompagner dans nos faits et gestes. Par exemple, des objets connectés avec le système d’alimentation en eau permettent de détecter des situations anormales. Si la personne n’a pas consommé d’eau dans la journée, c’est qu’il y a un problème. On peut aussi avoir des détecteurs de mouvements qui n’offensent pas la vie privée de la personne ».

Dijon l’Hebdo : Peut-on faire confiance à 100 % à ces objets connectés ?

F-A. A : « Nous sommes tous d’accord pour dire que tout cela va contribuer à améliorer la santé de chacun tant en matière de prévention qu’en matière d’accompagnement du handicap médical. Mais il y a un point sur lequel il conviendra d’être très vigilant : l’utilisation des données recueillies dans un cadre malveillant. Le congrès sur les objets connectés que l’on a organisé à Dijon s’est beaucoup préoccupé de la protection des libertés individuelles. Et puis, se pose, avec une acuité croissante, la question de la sûreté de l’objet connecté lui-même. Un cas de jurisprudence vient d’apparaître aux Etas-Unis où la structure équivalente à la Haute autorité de la Santé en France, a interdit un pacemaker connecté au motif justifié qu’il comportait des brèches dans la sécurité qui permettaient à des tiers d’en prendre le contrôle à distance. On imagine les risques…

Ces objets connectés sont, par essence, des dispositifs médicaux qui doivent être évalués, certifiés et dont on doit vérifier qu’ils ne présentent aucun risque pour la santé des personnes ».

Dijon l’Hebdo : Ces objets connectés, ils sont à l’origine d’une société que vous venez de créer et qui rejoint le Groupe CEN dont vous êtes le propriétaire ?

F-A. A : « Conscient de ces enjeux, nous avons décidé de continuer d’investir dans l’innovation et de créer CEN Connect. Il ne s’agit pas d’un projet où l’on parle au présent d’un futur hypothétique. La création de CEN Connect s’accompagne du lancement de 5 applications de santé innovantes, fruits de plus d’une année d’investissement humain et financier des équipes du groupe CEN en collaboration avec les responsables de la société BtoWeb, David Pieron et Aurélien Richaud, qui sont désormais associés à CEN Connect. CEN Connect, c’est avant tout la mise en commun de plusieurs expertises dans le but de repenser les techniques d’évaluation de produits pharmaceutiques et agroalimentaires, de proposer des méthodes de suivis sécurisés de pathologies chroniques directement sur smartphone et de renouveler les outils de formation des actuels et futurs professionnels de santé ».

Propos recueillis par Jean-Louis PIERRE