Comme l’œil ou de nombreux organes, l’oreille n’échappe pas au phénomène du vieillissement. La perte de l’ouïe se manifeste avec l’avancée en âge ; et les causes en sont multiples. La plupart des pertes auditives observées à la vieillesse – sauf pathologies lourdes souvent dépistées dès la jeunesse – sont sélectives plutôt que totales. Y a-t-il beaucoup de « sourds » qui s’ignorent ou qui sont dans le déni ? Quels sont les signes qui devraient conduire les séniors à consulter un ORL ? Le professeur Philippe Romanet, otorhinolaryngologue, chirurgien de la face et du cou, cancérologue, ancien chef de service au CHU, exerce désormais à la policlinique Devron à Dijon. Il a accepté de répondre à ces interrogations.
Philippe Romanet : « Avec l’âge, les capacités auditives sont plus ou moins altérées. Le seuil d’audibilité des sons à haute fréquence (sons aigus) est davantage atteint que celui à basse fréquence (sons graves). La perte de la capacité à percevoir les hautes fréquences s’appelle la presbyacousie. Sa fréquence augmente avec le cumul des années. Cette surdité touche l’oreille interne et elle est non opérable. La seule solution ? Passer un bilan auditif, lorsqu’au milieu d’une ambiance un peu bruyante ou bien à table en compagnie de plusieurs convives, on se fait in petto la remarque : « J’entends, mais je ne saisis pas tous les propos qui sont échangés ». C’est, là, l’une des premières alertes à prendre en considération. Cela ne nécessite pas forcément de se faire appareiller, sauf si le praticien le préconise bien sûr ! Dans ce trouble de la perception auditive, le cerveau joue également un rôle. Voilà pourquoi, si l’on veut tirer bénéfice d’un appareil auditif qui a été prescrit, il ne faut pas remettre à plus tard. La France a longtemps accusé un retard dans ce domaine, notamment par rapport aux pays nordiques. Mais la situation évolue positivement depuis une dizaine d’années, car les appareils sont de plus en plus miniaturisés. Davantage de personnes en sont pourvus depuis que le problème – mise en avant de l’esthétique – n’a plus raison d’avoir cours ! Reste le prix qui constitue un handicap : de 1500 à 1800 € en moyenne. Je voudrais insister sur le fait que nous sommes inégaux face au vieillissement, à la presbyacousie : l’activité professionnelle n’est pas neutre si l’on a été exposé au bruit, et puis les facteurs génétiques ont bien évidemment leur importance… En final, je voudrais pointer du doigt l’un des maux du siècle qui touche la jeunesse : l’utilisation du baladeur, le fait d’écouter beaucoup trop fort de la musique chez soi ou dans les salles de concerts. Ces mauvaises habitudes engendrent des surdités précoces, la plupart du temps inopérables. Bref, il y a des jeunes gens qui ont de « vieilles » oreilles. Quel gâchis ! »
Marie-France Poirier