Le Pré aux Clercs change de main. Le chef bressan triplement étoilé, Georges Blanc, adossé à l’investisseur Jean-Paul Madaleno, va succéder à la famille Billoux. L’occasion de rendre un hommage bien mérité à un homme passionné qui aura longtemps écrit la Gastronomie en capitales à Dijon. Et beaucoup regretteront celui qu’ils appelaient affectueusement Jean-Pierre…
C’est toujours avec une humilité naturelle et un bon mot pour chacun qu’il venait faire le tour de la salle et saluer ses convives. Pour celles et ceux qui avaient de la chance, il leur proposait même de goûter ses spécialités en cuisine. Un lieu agréable et convivial – et pourtant sans fard ni protocole – où les saveurs des plats et le bouquet des vins vous envahissaient tout autant. Et où vous pouviez déguster, visuellement parlant cette fois, le ballet de ses serveurs et le pas cadencé de sa brigade… Jean-Pierre Billoux, c’était tout cela et bien d’autres choses : c’était un nom déjà, adossé au Pré aux Clercs depuis 1996, mais pas seulement.
C’était plus exactement deux prénoms puisque Jean-Pierre était indissociable de Marie-Françoise – aussi connue sous l’acronyme MF –, son épouse avec qui l’aventure humaine (et gastronomique) avait débuté en Saône-et-Loire. A l’Hôtel de la Gare à Digoin, où, plus précisément, le jeune apprenti fit ses gammes au piano sous la direction de Georges Bonnevay, qui deviendra son beau-père. L’élève surpassa le maître puisque, en quatre ans, son travail fut récompensé par une puis deux étoiles Michelin.
Le grand… Alexandre
La suite du parcours : les Dijonnais adeptes de la grande cuisine le connaissent. Direction l’Hôtel de la Cloche pour une décennie à faire tinter les papilles des clients. Place Darcy, il décrochera encore une fois la lune (toujours 2 étoiles). Et enfin la terre promise, à quelques dizaines de minutes à pied : le Pré aux Clercs donc, qui deviendra son affaire, où les professionnels du Guide Michelin joueront avec ses nerfs… et son étoile.
Ainsi, durant vingt ans, Jean-Pierre Billoux sera indissociable de la vie gastronomique dijonnaise et du rayonnement de la place de la Libération. C’était, là aussi, Jean-Pierre et son équipe – car il n’aime rien moins que le collectif : l’on veut bien évidemment parler de Patrice Gillard qui n’avait pas son pareil pour vous guider, en salle, sur les meilleurs climats de Bourgogne (et d’ailleurs) mais aussi de Roland Surdol, qui, avec son caractère bien à lui, l’épaulait… derrière les fourneaux. Les deux compères accompagnaient le maître depuis Digoin où ils l’avaient vu progresser sous les conseils du grand… Alexandre Dumaine qui lui offrit son amitié et son expérience.
Car Jean-Pierre, c’était aussi cela : une vie faite d’amitiés, de rencontres et de grandes discussions autour de la cuisine. Avec deux mots à la bouche : la qualité gustative et le partage !
Ainsi sa salade de girolles, ses œufs cocottes aux truffes d’été ou encore sa célèbre volaille de Bresse juste rôtie accompagnée de sa fricassée de champignons des bois, etc. en ont enthousiasmé plus d’un ! Et que dire des plats appartenant à notre patrimoine historique qu’ils savaient remettre au goût du temps présent. Il rendait ainsi, comme personne, républicain… le lièvre à la royale ! Il savait simplifier les recettes les plus complexes et complexifier, en terme de saveurs, les plus simples.
En guise de dessert
Jean-Pierre Billoux, c’était aussi la brasserie voisine, le B9, dont il confia les rênes à son fils Alexis, mais également, depuis peu, une résidence dotée de 5 magnifiques chambres. Ce fut même, un temps, un autre établissement, le Bistrot des Halles qu’il céda en 2012 aux chefs de l’Auberge de la Charme.
Aujourd’hui, la famille Billoux s’apprête à tirer sa révérence de la place de la Libération. Un autre grand nom devrait lui succéder au fronton de ce temple de la gastronomie dijonnaise : Georges Blanc. Le chef bressan aux 3 étoiles, après avoir rendu célèbre Vonnas, devrait débarquer dans la valise de l’investisseur Jean-Paul Madaleno. Le partenariat des deux qui a déjà fait ses preuves à l’hôtel Saint-Georges à Chalon-sur-Saône devrait déboucher, ici, sur un nouveau concept. Il faudra patienter avant d’en savoir plus mais une chose est acquise :
Jean-Pierre Billoux, à 71 ans, après des décennies de bons et loyaux service pour la gastronomie, va prendre sa retraite. En guise de dessert, que dire si ce n’est : Merci Jean-Pierre !
Xavier Grizot