Dans un contexte difficile, eu égard à une moisson 2016 où ni la quantité ni la qualité n’étaient au rendez-vous, climat oblige, Dijon Céréales n’a de cesse d’être sur tous les fronts pour ses adhérents. A la veille de l’assemblée générale de la coopérative, qui s’est tenue le 13 décembre, le président Marc Patriat nous a expliqué les enjeux et le virage que doit prendre l’agriculture. Tout en rappelant les objectifs de Dijon Céréales : « Créer les conditions d’une bonne récolte en 2017 mais aussi s’unir avec les coopératives Bourgogne du Sud et Interval pour réaliser des économies de structure ».
Dijon l’Hebdo : Quel bilan faites-vous de l’année 2016 qui s’achève ?
Marc Patriat : « En 2015, nous avions eu la quantité mais nous avons subi un écrasement des prix à partir du mois de septembre assez important. Les prix n’ont pas remonté depuis. En 2016, la moisson a affiché environ 30 % de moins. Et, en parallèle à cette baisse des quantités, la qualité n’était pas non plus au rendez-vous… D’où des prix en berne. Avec, à moindre mesure, l’Allemagne, la France est cette année le seul pays à avoir fait une mauvaise récolte. Si bien que 2016 est l’année de la triple peine : une production mondiale importante, des décrochages de rendements, et, évidemment dans ce contexte, des prix toujours déprimés ! »
Dijon l’Hebdo : Pourquoi le contexte fut-il aussi délicat pour les agriculteurs ?
M. P. : « Cette situation est inhérente au climat. Nous avons eu un problème de pluie et de manque de lumière, génératrice d’énergie au développement des plantes. Eu égard à l’humidité, nous avons dû aussi faire face à des maladies. Pour la photosynthèse, ce manque de surface foliaire s’est traduit par une captation de lumière plus faible, entraînant moins de fécondation de grains. Donc, moins de grains dans les épis et, in fine, moins de rendement. L’ensemble de ces facteurs a également conduit à une altération de la qualité ».
Dijon l’Hebdo : Les producteurs traversent donc une période difficile. Quelle stratégie avez-vous mise en place pour les épauler ?
M. P. : « C’est bien évidemment un contexte difficile pour les fermes et la coopération, véritable prolongement de celles-ci afin de les fournir en intrants et valoriser leur récolte, subit des difficultés. C’est tout à fait logique. Nous avons anticipé, en organisant, dès la moisson, des réunions avec les agriculteurs. Il y avait deux solutions : soit on abdiquait soit on relançait la machine. Et notre choix fut naturellement de repartir de l’avant. Nous avons ainsi mis en place des systèmes de financement, et c’est plus facile aujourd’hui avec des taux bas que précédemment. Nous avons ainsi décidé de financements spéciaux en ce qui concerne les semis, les semences, les intrants. Notre objectif : relancer la mécanique pour pouvoir récolter comme il faut en 2017 ».
Dijon l’Hebdo : Quelles sont les répercussions sur la situation financière de Dijon Céréales ?
M. P. : « Dijon Céréales n’est pas en difficulté mais, avec cette crise, elle a tout de même des problèmes à résoudre. Malgré une campagne d’approvisionnements soutenue (103,7 M€ en grandes cultures), le résultat de la coopérative a été obéré par la faiblesse des prix, mais aussi par la nécessité d’anticiper, au titre de l’exercice lié à la moisson 2016, des charges exceptionnelles inhérentes à la qualité, les dédites de contrats matières premières et la logistique ».
Dijon l’Hebdo : Le développement ne passe-t-il pas par l’export ?
M. P. : « Le marché intérieur représente la première option que l’on défend et ce, pour la logistique. Nous le fournissons à travers Cérévia qui se charge de toutes les ventes pour la Bourgogne, la Franche-Comté et Rhône-Alpes du blé, de l’orge, du colza, et du maïs. La plate-forme de Pagny, que nous avons financée, et Fos-sur-Mer dont nous sommes aussi à l’origine nous permettent d’exporter, une tonne sur deux. Les pays méditerranéens, auxquels il faut ajouter aujourd’hui l’Afrique de l’Ouest représentent nos principaux clients. Nous affrétons deux à trois bateaux de 30 000 à 40000 tonnes d’orge par an vers la Chine… »
Dijon l’Hebdo : Dijon Céréales a-t-elle la solution pour améliorer la situation de vos adhérents, sachant qu’ils sont soumis aux aléas du climat et à la dure loi du marché ?
M. P. : « Nous savons que 8 à 10% des agriculteurs seront en extrême difficultés. Potentiellement, certains pourraient même devoir arrêter leurs activités. Et cela conduira à une nouvelle restructuration de l’agriculture. A la fois des fermes mais également des entreprises qui les entourent… C’est pour cela qu’à l’assemblée générale de Dijon Céréales, nous nous projetterons sur une future union, qui s’appellera Alliance, avec les coopératives Bourgogne du Sud et Interval (Haute-Saône, Jura). Cela nous permettra de valoriser les territoires et de faire des économies de structure. Nous sommes sur des produits à valeur ajoutée très basse, donc chaque fois que l’on peut gagner un euro à la tonne cela fait plus d’argent pour les producteurs. Nous sommes parfaitement là dans notre objectif originel, à savoir défendre le revenu de nos adhérents. C’est un marché, du transport, de la logistique, de la facturation… c’est toute une organisation que nous mettons en place et qui n’est pas neutre. En grossissant, nous gagnerons en intermédiation, soit en coût de travail et en charges, et ce, afin de valoriser les récoltes des agriculteurs. Nous devons être meilleurs que les autres… Nous venons ainsi de mettre en route Logivia, un transport en commun qui succède à Dijon Céréales Logistique, pour être plus efficient. Nous cherchons ainsi la taille critique pour être le plus performant possible au service de nos adhérents. Nous sommes aujourd’hui dans une coopérative intermédiaire qui produit environ 1 million de tonnes et nous visons les 2 millions en traitement de céréales. Ce que nous réussirons avec l’union des coopératives que nous voulons faire ».
Dijon l’Hebdo : Que ce soit avec le pôle Vitagora ou encore avec le groupe InVivo, vous placez aussi l’innovation au cœur de vos actions…
M. P. : « Il nous faudra ensemble réinvestir dans la recherche et l’innovation parce que l’agriculture prend actuellement un virage. Nous sommes évidemment 100% favorables au bio et aux marchés courts mais il faut savoir que ce ne sont, pour l’instant, que des marchés de niche. Il faut les pousser et nous le faisons. Nous avons financé le plus important moulin bio d’Europe à Aiserey. C’est important de le rappeler… L’enseigne Frais d’Ici que nous avons ouverte à Chenôve y participe aussi pleinement… La construction en aval d’entreprises qui appartiennent à la coopération permet là aussi de faire des économies d’échelle. Ensemble, avec des moyens communs et un gros chiffre d’affaires, c’est plus simple. Mais nous avons surtout un virage à prendre en ce qui concerne l’agriculture connectée. L’agriculture va entrer dans l’ère du numérique et nous ne pouvons pas manquer ce tournant. L’innovation est aujourd’hui permanente avec l’agriculture de précision, de conservation, d’agroécologie… : reconnaissance par drones, évaluation numérique des besoins en phytosanitaires, en engrais, en eau des terres et des plantes… Dijon Céréales a mis en place des clubs de réflexion et nous investissons déjà à travers InVivo pour ne pas manquer ce tournant. Et nous allons continuer ».
Propos recueillis par Xavier Grizot